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La démocratie inaccessible en Algérie

Publié le 17/01/2022

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30 mai 2002 C'EST UN ANNIVERSAIRE déprimant que l'Algérie a célébré le 11 janvier à travers sa presse : celui de dix années de violence. On pourrait ergoter sur la date retenue, en préférer une autre pour des considérations idéologiques. Il n'empêche que le 11 janvier 1992 a été pour l'ancienne colonie française une journée noire qui a contribué à la faire basculer dans un gouffre dont elle est loin de s'être extirpée. Ce jour-là, dans une brève allocution télévisée, le chef de l'Etat, le président Chadli Bendjedid, le successeur de Houari Boumediène, annonçait sa démission. Le lendemain, le Haut Conseil de Sécurité (HCS), dominé par la hiérarchie militaire, annulait le deuxième tour des législatives pour barrer la route à des islamistes - représentant le tiers environ du corps électoral - qu'une loi électorale insensée avait conduits aux portes du pouvoir. Le drame se nouait. On en connaît la trame : un combat sans merci entre les « barbus » et les forces de sécurité. L'issue en fut longtemps incertaine, les islamistes bénéficiant dans un premier temps d'un fort courant de sympathie au sein de la population. Mais la barbarie de certains des leurs, les méthodes expéditives employées par les services de renseignement et l'armée pour démanteler les groupes armés et, surtout, l'argent du pétrole mis au service de la lutte contre les « terroristes », ont permis à l'Etat de reprendre le dessus et de l'emporter. Il l'a fait au grand soulagement hypocrite des pays occidentaux, notamment de ceux qui, comme la France de François Mitterrand, avaient manifesté un regret au lendemain de l'interruption du processus électoral. Dix ans plus tard, l'Algérie n'en a pourtant pas fini avec ses groupes armés. Des desperados continuent à sévir ici ou là. Mais la lassitude des médias étrangers face à une violence anonyme, les entraves mises par les autorités pour empêcher tout travail d'investigation sérieux de la part des organisations internationales, l'espérance secrète enfin qu'il s'agit d'un dernier carré de desperados, comme l'assurent à l'envi les officiels, expliquent le silence qui désormais entoure souvent à l'étranger la « nouvelle guerre d'Algérie ». La disparition des groupes armés ne signera pas la fin du « drame algérien ». Le mal est plus profond. En Algérie, l'Etat dans ce qu'il a de plus fondamental est atteint. Les Algériens ne lui font plus confiance, ni à lui ni à ses lois constamment bafouées. « Pour sortir de la crise, le respect de la loi est nécessaire », rappelait récemment un juriste respecté, Mohand Issan. A-t-il une chance d'être entendu ? C'est peu probable. Témoin, par exemple, les émeutes auxquelles donnent lieu la distribution de logements neufs dans ce pays qui en manque cruellement. Chacun des candidats est convaincu que l'octroi d'un appartement doit tout aux relations, et rien aux lois. JEAN-PIERRE TUQUOI Le Monde du 12 janvier 2002

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