Devoir de Philosophie

La nébuleuse terroriste profite de l'opacité des circuits financiers mondiaux

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

11 septembre 2001 « MORT OU VIF ». Une chasse à l'homme planétaire vient d'être lancée par les autorités américaines contre le milliardaire d'origine saoudienne Oussama Ben Laden. Si l'homme est recherché coûte que coûte, la traque contre les moyens financiers des réseaux terroristes est moins engagée. Alors que les Etats-Unis avaient rapidement demandé à tous les Etats de la planète le gel des avoirs financiers du président irakien Saddam Hussein lors de la guerre du Golfe ou ceux du gouvernement serbe lors de la guerre de Bosnie, cette fois-ci aucune demande explicite n'a encore été formulée. Le département du Trésor américain a juste annoncé, il y a quelques jours, la création d'une cellule interministérielle dont la mission serait de mettre au jour et de démanteler les filières de financement des réseaux terroristes. L'objectif s'annonce très ambitieux. De l'avis de tous les experts, les réseaux financiers n'obéissent à aucune organisation rationnelle telle qu'on peut la concevoir en Occident. Jouant de l'absence de toute comptabilité publique ou privée dans des pays comme l'Arabie saoudite, mais aussi de l'opacité cultivée par les milieux d'affaires occidentaux qui veulent conserver, aux marges du marché, des mécanismes de financement aveugles ou des places offshore très discrètes, les terroristes se sont bâti des nébuleuses financières complexes où les porosités entre systèmes légal et illégal sont permanentes. Officiellement, l'Arabie saoudite et la famille Ben Laden n'ont plus aucun lien avec le financier terroriste : le régime saoudien l'a déchu de sa nationalité en 1994 pour « comportement irresponsable » et la famille a rompu avec le fils indigne depuis le début des années 1990. Mais la rupture est-elle aussi totale qu'affichée ? Ces dernières années, le magazine américain Forbes présentait Oussama Ben Laden comme l'une des plus grandes fortunes de la planète, sans que cette version soit contestée. POSITION DE MONOPOLE Dans le monde islamique, Oussama Ben Laden était considéré comme le grand argentier des pays arabes et de l'Asie centrale, financier des réseaux terroristes, mais aussi comme un entrepreneur capable d'assurer la construction de Port-Soudan (Soudan) ou d'autoroutes. Oussama Ben Laden conteste aujourd'hui cette présentation. Dans un article de The Independent on Sunday du 16 septembre, ses proches le disent modeste, possédant tout juste 4 ou 5 millions de dollars depuis qu'il a été écarté de la gestion de la fortune familiale. La famille Ben Laden a prospéré en obtenant l'exclusivité des travaux de construction à La Mecque et à Médine (Arabie saoudite). Cette position de monopole sur les lieux saints de l'islam lui a donné une position irremplaçable auprès du pouvoir royal - mais aussi religieux - et est à l'origine de son immense fortune. « En vingt ans, 165 milliards de francs ont été investis par le gouvernement saoudien dans les lieux saints pour les agrandir et les améliorer. Ils peuvent accueillir désormais deux millions de pèlerins en même temps », rappelle Antoine Basbous, directeur de l'Observatoire des pays arabes. Comme tous les très riches Saoudiens, la famille Ben Laden a diversifié sa fortune, s'est lancée dans les autoroutes, la construction d'infrastructures portuaires puis le monde des affaires. Elle est ensuite allée placer ses avoirs, par l'intermédiaire des banques londoniennes et islamiques, dans de nombreux fonds internationaux (lire ci-dessous). On les dit actionnaires de grands groupes internationaux (comme Motorola) dans l'électronique, les nouvelles technologies, l'immobilier, le transport maritime. La « Ben Laden Organisation » est considérée comme l'un des grands conglomérats moyen- orientaux, gérant des dizaines de participations - dont certaines, dit-on, pour le compte de certains membres de la famille royale saoudienne - à travers des sociétés nichées pour la plupart dans des paradis fiscaux (Bahamas, îles Vierges ou Caïmans). « Qui peut assurer que, derrière l'une de ces sociétés-écrans, propriétaire d'un programme immobilier à San Francisco, il n'y a pas Oussama Ben Laden ? », s'interroge un avocat d'affaires familier des montages internationaux. La même ambiguïté prévaut pour le gouvernement saoudien. Officiellement, le régime royal, outré par les vives critiques des nombreuses organisations qui avaient contesté l'entrée des Américains sur les terres de l'islam, a cessé tout financement des organisations « de lutte islamique » depuis la guerre du Golfe. Dans les faits, les banques islamiques créées dans les années 1970 par l'Arabie saoudite et les monarchies pétrolières pour soutenir le rayonnement de l'islam, comme la Dar al-Mal-al-Islami (DMI), la « Maison de l'argent islamique », continuent à soutenir de nombreux régimes et organisations. DÎME RELIGIEUSE De même, le ministère des biens religieux saoudien dispose de 10 milliards de dollars par an pour financer une vingtaine d'institutions chargées de l'enseignement, de la justice, de la propagation de l'islam dans le pays et dans le monde. Une partie de ces fonds alimentent des organisations non-gouvernementales comme Islamic Relief ou la Rabita. Au nom de la « Zakat », la dîme religieuse, de nombreux Saoudiens versent à ces organisations une partie des dividendes tirés de leurs participations dans des sociétés occidentales ou des bénéfices réalisés grâce à leurs opérations financières. Un flux financier constant, estimé à plusieurs dizaines de milliards de dollars chaque année, vient ainsi alimenter ces organisations caritatives. Que font-elles de cet argent ? Une grande partie sert à des oeuvres sociales, scolaires, humanitaires, mais une autre part - quelques pour-cents selon certains experts, beaucoup plus selon d'autres - est transférée à des mouvements terroristes. Selon de nombreuses informations, le réseau Hamas, celui des Frères musulmans, les combattants de Ben Laden, les moudjahidines en Bosnie, en Tchétchénie et en Afghanistan ont bénéficié de cette manne financière qui a permis de soutenir de nombreux terroristes. Dernières sources de financement des réseaux Ben Laden, selon d'autres sources d'information : les armes et la drogue. Le millionnaire-terroriste semble avoir développé, en association avec de nombreuses mafias locales et internationales, et en reprenant leurs techniques de vente et de blanchiment, un lucratif commerce. D'après un rapport de l'ONU, la production d'opium en Afghanistan, refuge du financier islamiste, a dépassé en 1999 4 500 tonnes, soit 80 % de la production mondiale. L'ONU estime la valeur de cette production à 91 milliards de dollars. Ben Laden et les talibans paraissent bien s'être partagés le butin.

Liens utiles