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La Princesse De Clève Est-Ce Un Roman D'Amour ?

Publié le 20/07/2010

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amour

De nombreux critiques littéraires pensent que La princesse de Clèves peut être défini comme un roman d'amour.  Avant de s'intéresser directement à l'oeuvre de Madame de La Fayette, penchons nous tout d'abord sur la définition du roman d'amour dans la littérature. Nous relevons dans le dictionnaire qu'un roman d'amour possède une trame basée sur une intrigue amoureuse entrecoupée d'aventures sentimentales. Ce genre romanesque est apparu notamment au 20ème siècle mais nous relevons quelques oeuvres pouvant plus ou moins s'en rapprocher plusieurs décennies auparavant . C'est le cas par exemple de La duchesse de langeais de Balzac où nous assistons à une aventure sentimentale entre le Général de Montriveau et la Duchesse de Langeais, et du roman La porte étroite d'André Gide. Dans l'oeuvre de Madame de La Fayette nous pouvons nous aussi relever une intrigue amoureuse entre Mademoiselle de Chartres et le Duc de Nemours. Toute la suite du roman est issue de cette rencontre entre ces deux personnages de marque qui est définie comme « une aventure qui avait quelque chose de galant et d'extraordinaire «. L'amour est omniprésent du début à la fin de ce livre et ne quittera pas la pensée du lecteur lui-même charmé par cette grande Dame qu'est la Princesse de Clèves. Son histoire rocambolesque, instaure les fondations de l'oeuvre de Madame de La Fayette. Son amour envers le Duc de Nemours se veut pur et sans bavures. Elle ne veut pas tomber aux proies des passions qui feraient d'elle une femme infidèle, une épouse indigne et la honte du Prince de Clèves. Elle est donc partagée entre sa raison et son respect pour son époux et un amour débordant envers ce jeune homme, pourtant considéré comme un séducteur invétéré. Aujourd'hui cette oeuvre peut nous faire sourire car au sein de notre époque les passions l'emportent sur la raison, désunissant ainsi de nombreuses familles. Même si la trame de cette oeuvre la rapproche du roman d'amour nous allons étudier les éléments qui pourraient peut-être nous en dissuader.  Ce roman comme nous le savons, a été écrit au 17ème siècle, époque mouvementée siège de querelles littéraires et de confrontations d'idées. Les critiques littéraires défendent la notion de classicisme au sein de cette oeuvre ainsi que celle de préciosité. Dans les ouvrages dits « classiques «, l'amour n'est pas un thème récurrent car les critères recherchés sont la perfection et un idéal incarné dans l'honnête homme. Nous en déduisons que si cette oeuvre est classique alors le thème de l'amour n'apparaît donc qu'au deuxième plan. En effet, cet amour unissant par la pensée la Princesse de Clèves et le Duc de Nemours n'est presque jamais exprimé. Rien n'est avoué par la parole car les personnages, plein de déférence, ne menacent jamais l'idéal de l'homme honnête du 17ème siècle. Les sentiments, que nous percevons en tant que lecteurs, sont dus à un jeu de regards omniprésent dans ce roman. Le front devient même une porte ouverte sur le coeur et transgresse les lois de la raison pour faire apparaître les pulsions. Souvenez vous de la rencontre entre le Duc de Nemours et la Princesse de Clèves, où le jeu de regard entre ces deux personnages laissa percevoir leur premier sentiment amoureux. A l'inverse de la notion de classicisme, le style narratif est inspiré de la préciosité et le thème de l'amour est prédominant. Mais cet amour est malheureux et inaccessible et anime la jalousie des personnages. L'héroïne sera rongée par cette jalousie et causera la mort de son époux. La Princesse de Clèves et le Duc de Nemours représentent en quelque sorte l’idéal précieux. Ils sont beaux, intelligents et gracieux et sont appelés à être au-dessus des autres personnages. Leur amour est pur mais ne sera jamais consommé. Si ce roman poursuit le thème de l'amour, il ne représente pas moins la superposition de plusieurs styles littéraires différents que nous allons étudier.  La présence d'éléments historiques peuvent nous nous mener sur la piste du roman historique.  L'auteur a suivi la même cinématique pour créer ses personnages. Nous pouvons relever quatre-vingt-quinze personnages qui apparaissent dans cette oeuvre. En effet, trente-cinq sont juste mentionnés comme Henri III, le duc d'Orléans, Marie d'Angleterre et ne sont cités que dans les récits annexes. Trente-six personnages jouent un rôle important dans le récit mais ne possèdent pas de personnalités précises. C'est le cas du duc d'Aumale, Diane de France et la vicomtesse d'Uzès. Enfin nous relevons vingt-quatre personnages avec une physionomie bien définie comme Henri II, la princesse de Clèves et le duc de Nemours. La multitude de personnages peut s'expliquer par la volonté de Madame de La Fayette de s'attacher au côté historique de l'oeuvre avec un soucis du réalisme, peut-être même une volonté de flatter certaines familles de l'époque. Leurs portraits sont précis, soignés et respectueux. Ils expriment les valeurs auxquelles Madame de La Fayette adhèrent. Elle peint la naissance, la gloire, la beauté, la grâce et le mérite. Mais le côté historique et donc réaliste s'oppose à la plupart des portraits décrits par l'auteur. En effet l'action qu'ils exercent ne correspond pas toujours aux superlatifs observés dans les tableaux. Nous pouvons donc supposer, comme le roman d'amour, cette oeuvre n'est pas totalement historique.  Le côté psychologique de l'oeuvre frappe le lecteur dès les premières pages.  La notion de mariage est omniprésente dans le livre. Dans la littérature du 17ème siècle, une femme non mariée ne paraît pas crédible et ne peut exister tout à fait. Même si le vocabulaire est précieux nous ne trouvons aucun personnages représentant l'idéal véhiculé par Madame de Scudery. Le mariage et la stabilité pour une jeune fille est un problème important dans l'oeuvre. C'est pour cela que nous observons beaucoup d'union et de désunion dès les premières pages du roman. Mais les mariages étaient plus arrangés que par amour, créant ainsi des alliances entre de grandes familles. C'est le cas d'Elisabeth de France sacrifiée pour son pays devant épousé le vieux roi d'Espagne. Les parents sont les maîtres et n'obéissent qu'à leurs intérêts. Madame de La Fayette aurait écrit ce roman pour dénoncer les mariages arrangés? Peut-être mais elle ne juge pas les personnages et donc n'émet aucun avis. Le mariage entre le prince de Clèves et Mademoiselle de Chartres semble différents des autres. Le prince a été séduit par la jeune femme et malgré sa condition de cadet, appelé donc dans les ordres ou dans l'armée, préfère se marier à la mort de son père. Nous relevons: « il s'approcha d'elle et il la supplia de se souvenir qu'il avait été le premier à l'admirer et que sans la connaître , il avait eu pour elle tous les sentiments de respect et d'estime qui lui sont dus « .Monsieur de Clèves passe même au-dessus du Roi et ne songe qu'à l'épouser. Est-ce un message de Madame de La Fayette adressé au lecteur dans le but de changer les moeurs? un mariage sans amour est-il condamné?  L'auteur dans son oeuvre s'attache aussi à la notion de naissance et de bien ainsi que l'apparence et l'éclat. Dans les portraits des premières pages se retrouvent les grandes valeurs de l'aristocratie. La première abordée est la naissance. On parle de descendance, d'ancêtres. Mais l'origine n'importe pas autant qu'on le croirait, cette valeur étant contestée. Elle s'impose même dans la vie sentimentale c'est pour cela que Monsieur de Clèves a été séduit par Mademoiselle de Chartres avant de savoir son origine. Même si sa noblesse de robe a fondé son amour: « il sentit de la joie que cette personne qu'il avait trouvé si aimable, était d'une qualité proportionnelle à sa beauté «.L'argent a aussi son importance et Madame de La Fayette n'oublie pas de nous préciser que Mademoiselle de Chartres possèdent des biens extraordinaires. L'argent a autant d'importance que la naissance. Comme à son habitude l'auteur ne juge pas, et préfère constater des faits laissant au lecteur le soin de faire sa propre opinion. Le troisième point que Madame de La Fayette aborde est la notion d'éclat à la Cour. Il faut être beau et bien fait comme le veut l'idéal des précieux. Mais la beauté n'est pas la seule raison de l'éclat des grands de la Cour. Les qualités intellectuelles et la bravoure permettent d'acquérir du respect et de la déférence de la part des autres gentilshommes. Une femme peut tout aussi bien avoir autant d'éclat qu'un homme mais n'ont que très rarement l'occasion de montrer ces qualités malgré une beauté existentielle dans ce milieu. Les faits ainsi relevés, sont tous dédiés au lecteur le laissant maître de sa pensée et de son esprit critique.  Il est difficile de statuer sur le genre littéraire de ce livre. C'est un mélange d'amour, de psychologie et d'événements historiques qui constituent la trame de l'oeuvre, l'un ne dépassant pas l'autre. En tant que lecteur contemporain, nous sommes particulièrement attentifs à la puissance du mariage arrangé, de la naissance, de l'éclat en mettant au second plan les éléments que nous pouvons dater . Mais lors de sa parution en 1678 qu'ont pensé les lecteurs de cette oeuvre admirable, prémices des premiers romans modernes. Se sont-ils offusqués devant une critique dissimulée de leur société? Ou se sont ils attardés sur le rôle prédominant de l'amour, se mettant à la place de tel ou tel personnage, frissonnant ou pleurant avec lui. Quoiqu'il en soit cette péripétie amoureuse de Mademoiselle de Chartres et du duc de Nemours n'est pas prête d'être oubliée.

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