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La République de Timor-Oriental devient le 192e Etat de la planète

Publié le 17/01/2022

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20 mai 2002 « Je te salue, peuple du Timor-Oriental, pour le courage et la persévérance dont tu as fait preuve. » Devant des dizaines de milliers de gens, quelques minutes avant minuit dimanche 19 mai, Kofi Annan a salué en ces termes la proclamation de l'indépendance du dernier-né de la société internationale. « Vive le Timor-Oriental ! », a conclu, brandissant le poing, le secrétaire général de l'ONU, avant que Barbara Hendricks entonne O Freedom et alors que la bannière bleu ciel des Nations unies était amenée. Le drapeau noir, rouge et or frappé d'une étoile blanche, a alors été hissé au son de l'hymne national. Le 192e Etat indépendant de la planète et le premier du nouveau millénaire était né. « Aujourd'hui, vous êtes témoins des aspirations d'un peuple tout entier pour la paix », a dit Xanana Gusmao, président de la République démocratique du Timor-Oriental, héros adulé de la résistance contre l'Indonésie. L'occupation indonésienne avait été « une erreur historique qui appartient désormais au passé », a-t-il ajouté. Dans le pays le plus pauvre d'Asie, tout reste à faire à la suite de plus de quatre siècles d'une colonisation portugaise qui fut un mélange d'indifférence et de travaux forcés, puis d'un quart de siècle d'une brutale occupation indonésienne. protestataires muets Le dirigeant timorais avait passé une partie de la soirée en compagnie de la présidente indonésienne, Megawati Sukarnoputri, qui, en dépit de son hostilité à l'indépendance du Timor-Oriental et d'une levée de boucliers à Djakarta, avait fait le voyage. Xanana Gusmao l'avait accompagnée déposer des gerbes au cimetière militaire indonésien où les avaient attendus une cinquantaine de protestataires muets. L'occupation indonésienne, que l'ONU n'a jamais validée, a fait quelque deux cent mille victimes, et les généraux de Djakarta ont manifesté, pendant le week-end, leur hostilité au nouvel Etat en déployant six navires de guerre, sous prétexte d'assurer la sécurité de leur présidente et, peut-être, pour en discréditer la présence. Cette flottille s'est retirée à la demande de l'ONU et Megawati a été applaudie quand elle a rejoint la tribune officielle. Pour que tout le monde ait sa part, Xanana a prononcé son discours en quatre langues : le portugais, langue officielle, l'anglais, le tetun, lingua franca du territoire, et l'indonésien, compris par les trois quarts des 750 000 Timorais de l'Est. A la tribune, Megawati représentait un pays qui a étranglé le Timor-Oriental mais avec lequel la cohabitation est vitale pour des raisons à la fois politiques et commerciales. le feu vert de m. kissinger A ses côtés, John Howard, premier ministre australien, représentait un autre voisin qui a joué un rôle déterminant pour arrêter, en 1999, la mise à sac du territoire par les nervis de l'armée indonésienne mais qui avait aussi été le seul à reconnaître l'annexion par Djakarta, en 1976, du Timor-Oriental. On pourrait faire une remarque similaire à propos des Etats-Unis, dont le président George Bush avait délégué son prédécesseur Bill Clinton. Voilà trois ans, l'ancien président américain a joué un rôle décisif dans l'envoi d'une force multinationale de paix, mais c'est avec le feu vert de Henry Kissinger que l'armée indonésienne avait, en 1975, occupé le Timor-Oriental. Enfin, le président Jorge Sampaio et le premier ministre José Manuel Durao Barroso étaient venus d'un Portugal qui s'est amendé : s'il est aujourd'hui le deuxième donateur, derrière le Japon, il s'était retiré la queue basse en 1975 en laissant derrière lui 95 % d'analphabètes. Mais l'heure était surtout à la fête. Une foule timoraise a été ébahie par le premier feu d'artifice de son histoire, cadeau offert par la Chine et la Thaïlande. Tambours et flûtes ont accompagné les danses des ethnies venues des quatre coins d'un territoire grand comme la Belgique. Kofi Annan a assuré que l'ONU, après trente-deux mois de gestion du Timor-Oriental, n'abandonnerait jamais ce petit peuple dans le dénuement. « Un peuple fier et simple qui mérite la paix et la liberté », ainsi que l'a résumé José Ramos Horta, Prix Nobel de la paix et ministre des affaires étrangères du nouvel Etat. JEAN-CLAUDE POMONTI Le Monde du 21 mai 2002

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