L'ART DE MME DE SEVIGNE
Publié le 13/05/2011
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Mme de Sévigné est un écrivain remarquablement personnel. Cela tient à ce qu'une imagination alerte et puis- sante lui faisait voir gens et choses avec une extraordinaire netteté de contours et dans leur mouvement, lui faisait même se représenter ce qu'elle n'avait pas vu. Aussi a-t-elle merveilleusement fait vivre la réalité. Les grandes narrations ont été écrites avec une vivacité qui entre tout de suite dans le sujet, qui ne garde aucun détail oiseux, mais multiplie les petits faits significatifs, tout en marchant sans retard au terme : l'émotion naît de ce réalisme intelligent, qui suit l'essor même de la vie. Maintes jolies anecdotes, de courtes scènes qui courent et volent, égayent les lettres. On connaît celle du « Madrigal du roi «, ce méchant tour du jeune roi à un vieux courtisan; celle de l'Archevêque de Reims, bref « film « comique joué « en cinq sec « par un insolent carrosse de grand train et un passant à cheval. Combien d'autres, extraordinaires de prestesse ! Petites « comédies-express «, définitives, adorables de drôlerie et de finesse. Mme de Sévigné sait que toute chose a son comique, et c'est par là qu'elle se plaît à la saisir. Les Etats de Bretagne sont une farce; la rivalité des vanités autour du Roi est une comédie. Voilà encore de quoi donner du piquant à la Correspondance. Et par surcroît, des traits rapides disent beaucoup. La mode vient-elle des longues manches gênantes : « Ah ! écrit Mme de Sévigné, qu'elles sont belles dans le potage et dans la salade ! « Les médecins ? Ils ont « le privilège de tuer impunément «. Un malade avait résisté à la onzième saignée, mais « les médecins l'emportèrent «. Il y a des lettres qui sont mieux que du La Bruyère : du Molière. Grand art, en somme, où s'équilibrent le naturel et la recherche, où la part du génie primesautier est prépondérante — génie féminin de la lettre et génie personnel de la marquise.
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