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L'art épistolaire de Mme de Sévigné. ?

Publié le 27/03/2009

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La Bruyère, dans le chapitre des Ouvrages de l'esprit, prétend que les femmes sont généralement supérieures aux hommes dans l'art épistolaire :  « Ce sexe va plus loin que le nôtre dans la manière d'écrire des lettres. «  En vous aidant des lettres de Mme de Sévigné que vous connaissez, vous essaierez d'expliquer l'opinion de La Bruyère. Vous pourrez vous aider de cette appréciation de Marmontel :  « Dans les lettres de Sévigné, l'on voit distinctement ce que l'esprit de société avait acquis de politesse, d'élégance, de mobilité, de souplesse, d'agrément pour la négligence, de finesse dans la malice, de noblesse dans la gaieté, de grâce et de décence dans son abandon même et dans toute sa liberté; on y voit les progrès rapides que le bon esprit avait fait faire au goût depuis le temps peu éloigné où Balzac et Voiture étaient les merveilles du siècle. «  

  • Début. — Le jugement de La Bruyère, si favorable aux femmes, vient sans doute de la connaissance qu'il put avoir des lettres de certaines femmes d'esprit à son époque. Entre toutes, brille Mme de Sévigné, dont la réputation n'a pas faibli depuis deux siècles.

 Si les femmes réussissent dans ce genre, c'est peut-être parce que :

  • 1. La correspondance n'est pas un écrit comme les autres. Il ne demande pas de « métier «; il veut surtout du naturel, de la spontanéité. Comment Mme de Sévigné y excelle par son style.
  • 2. Les femmes sont observatrices du détail, ce qui fait l'intérêt des lettres familières. Mme de Sévigné nous peint sa vie et celle de son époque.
  • 3. Les femmes savent exprimer les choses du cœur. La sensibilité de Mme de Sévigné.
  • Conclusion. — La correspondance de Mme de Sévigné corrobore le jugement de La Bruyère : elle est bien le chef-d'oeuvre du genre épistolaire au XVIIe siècle.

« ajoute avec malice : pour moi j'aime les relations où l'on ne dit que ce qui est nécessaire...

je crois que c'est ici,sans vanité, le modèle des narrations agréables.

»Quel entrain, quelle verve dans ses petites anecdotes : le madrigal du maréchal de Gramont, le cheval deNantouillet, le carrosse renversé de l'Archevêque! C'est bien le cas de répéter après elle son papier, sa plume, sonécritoire, tout vole.Ce qui fait aussi l'agrément des lettres féminines c'est la peinture de la vie familière.

Les femmes sont observatriceset surtout observatrices du détail.

Quand elles écrivent, elles veulent faire partager "à ceux qui sont absentsl'existence quotidienne qui est la leur, les peines et les plaisirs de la vie.

Les esprits masculins, souvent tournés versl'abstrait, absorbés par les affaires importantes, par les grands intérêts de la science, de la politique, ne savent pascondescendre à ces menus sujets, ne les voient même pas.

Les yeux féminins sont accommodés aux détails.

N'est-ce pas leur domaine habituel ? n'ont-elles pas, dans leurs attributions naturelles, le soin des choses, le souci despersonnes ?Voyez comment Mme de Sévigné adresse à sa chère fille, par chaque « ordinaire » (courrier régulier), une imagefidèle de sa vie et de la société autour d'elle ; un bal de cour, un grand mariage : le tohu-bohu du « cortège », lestoilettes de la noce de Mlle Louvois, une fête à Chantilly (mort de Vatel) ; elle lui décrira longuement comment on secoiffe à la hurluberlu, ou sa nouvelle petite chienne bien pomponnée; elle raconte des journées paisibles auxRochers, son voyage sur la Loire, dans son beau carrosse, comment elle prend les eaux à Vichy et comment ondanse les bourrées d'Auvergne.

Dans les grandes circonstances, les événements historiques sont vus par le détail :la mort de Turenne, les Etats de Bretagne ; et, par là, quelle contribution elle apporte à la petite histoire, que de.détails significatifs elle a sauvés pour l'histoire des mœurs (l'affaire Louis XIV-Montespan, l'avènement de «Maintenon »); pour l'histoire littéraire aussi (un sermon de Bourdaloue, la représentation de Bajazet, d'Esther).Enfin, les femmes excellent dans l'expression des choses du cœur.

Or on peut dire que l'art des correspondancesintimes — il n'y a de chefs-d'œuvre que celles-là — est presque tout entier inspiré par le cœur.

Se relier par la lettreà des absents est un besoin pour l'amitié, l'amour, ou la simple sympathie.

On ne prend guère la peine, au contraire,d'écrire en détail à des indifférents — le style expéditif de certaines correspondances est plus encore témoignaged'indigence de cœur que de pauvreté d'esprit —.

Les femmes qui savent aimer éprouvent davantage le désir de direleur tendresse et elles la savent bien dire, en termes naturels et touchants.

Cette affection, ces élans, nous lestrouvons à toutes les pages de Mme de Sévigné, sous des formes toujours variées, car l'esprit, chez elle,assaisonne les mots qui viennent du cœur.

Que de soucis de sa chère fille éloignée .: tristesse déchirante desséparations, soucis de ses intérêts, de sa santé {quand vous toussez, j'ai mal à votre poitrine).

On se rappelle laremarque de La Bruyère : « faire lire dans un seul mot tout un sentiment, et rendre délicatement une pensée qui estdélicate ».

Ses inquiétudes pour Fouquet, son deuil pour Turenne, sa tendresse pour Mme de La Fayette, ses chersCoulanges lui dictent des traits toujours imprévus et touchants.

On sent, en comparant cette correspondance aveccelle de Voltaire, ce qui manque à ce dernier du côté du sentiment, et par conséquent du charme.Il se trouve que c'est une femme qui a illustré de la plus brillante manière le genre épistolaire au XVIIe siècle, entretant d'autres écrivains plus ou moins connus, qui sont dans ce genre très souvent instructifs, spirituels, « amusants».

Il n'est pas de meilleur miroir où se reflète toute une époque, et surtout plus aimable visage de femme.

« Ce qu'ily a de plus exquis dans les lettres.de Mme de Sévigné, c'est elle-même.

» (Gaston Boissier.). »

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