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le commerce, une composante essentielle de la politique étrangère

Publié le 17/01/2022

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7 novembre 2000 Neuf mois après son arrivée au pouvoir, en septembre 1993, Bill Clinton qualifiait la conclusion de l'Accord de libre-échange nord-américain (Alena) « d'essentiel pour notre leadership dans cet hémisphère et dans le monde. Après avoir remporté la Guerre froide, nous devons faire face au défi plus subtil de la consolidation de la victoire de la démocratie et de la liberté. Pendant des décennies, nous avons prêché, prêché et prêché pour plus de démocratie, plus de respect des droits de l'homme et plus de marchés ouverts en Amérique latine. L'Alena nous offre enfin la chance d'en tirer profit ». Ces propos éclairent une stratégie qu'il résumait en deux mots, « élargissement et engagement », à l'opposé de celle « d'endiguement » de ses prédécesseurs : une combinaison d'idéalisme et de réalisme, mais surtout la priorité donnée aux relations commerciales internationales, ce que l'on appelle aujourd'hui la mondialisation. Sa présidence s'est ouverte avec la mise en oeuvre de l'Alena, initiée par le président Bush, et le succès de l'Uruguay Round qui créa l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ; elle s'est poursuivie par le renforcement de l'APEC (Coopération économique Asie Pacifique), avec les projets de loi pour développer les échanges avec l'Afrique et la Caraïbe, la négociation d'un accord de libre-échange dans l'hémisphère occidental (Amériques) pour 2005 ou les relations, parfois tumultueuses, avec l'Union européenne, pour s'achever avec le sommet manqué de l'OMC à Seattle et l'accord avec la Chine pour l'accession de celle-ci à l'Organisation. L'EXEMPLE ASIATIQUE « En dehors du Kosovo, ce dont l'Histoire se souviendra à propos de Bill Clinton, ce sont ses efforts en faveur du développement du commerce international », explique le professeur Stephen D. Cohen, de l'American University. « Les questions de guerre et de paix restent en numéro un, mais le commerce est juste derrière. Il représente une part cruciale de sa politique étrangère, inhabituelle dans notre pays. Notre politique étrangère a largement été une politique commerciale ». La spécificité de la diplomatie de Bill Clinton c'est la primauté donnée au commerce. Un bon exemple en est la politique asiatique : en 1993, en plein miracle économique, l'Asie était présentée comme la nouvelle priorité face à une Europe devenue second partenaire commercial. On parlait de restructurer la défense pour tenir compte de cette réorientation. Mais, après la crise asiatique de 1996, Washington est revenue à ses tropismes : « L'Europe et les Etats-Unis sont les seules régions stables dans un monde en crise ; nous partageons les mêmes valeurs (...) L'Europe est une source encore plus importante de stabilité à un moment où l'Asie est ravagée par la crise. Notre croissance est liée », nous déclarait en 1998 Stuart Eizenstat, alors sous-secrétaire d'Etat pour l'économie et le commerce. Cela ne veut pas dire que Bill Clinton ne se soit pas préoccupé des crises qui se sont succédé à travers le monde : Proche-Orient, ex-Yougoslavie, Haïti,... ni qu'il n'ait pas eu d'autres objectifs comme l'élargissement de l'OTAN. Elles se sont imposées à lui comme aux autres présidents. Il s'est personnellement impliqué dans le processus de paix israélo- palestinien tout au long de son mandat, tentant à la fin de sauver ce qui pouvait en être sauvé. Interventionniste au contraire d'une majorité de républicains isolationnistes, il a envoyé ses soldats en Bosnie et au Kosovo aux côtés des Européens. Mais souvent les deux aspects de la politique étrangère américaine - les échanges commerciaux et la sécurité nationale - se sont rapprochés. « Eh bien, franchement, les amis, notre sécurité nationale englobe aujourd'hui nombre de ces enjeux économiques », déclarait-il en novembre 1993. Parlant en des jours meilleurs du Proche-Orient, il y a un an, il affirmait que « l'économie doit être une importante composante du processus de paix » car, « quand des peuples oeuvrent de concert pour une prospérité commune dans un système fondé sur des règles, ils sont fortement encouragés à mettre de côté leurs divergences et à mettre ensemble la main à la pâte ». Se félicitant de l'accord conclu avec la Chine sur l'OMC, « un pas historique vers la poursuite de la prospérité en Amérique, les réformes en Chine et la paix dans le monde », il avait ces mots révélateurs : « Nous allons exporter, cependant, bien plus que nos produits. Avec cet accord, nous exporterons aussi plus d'une des valeurs qui nous sont les plus chères, la liberté économique. » MONDIALISATION Ces efforts n'ont pas toujours été couronnés de succès. Il n'est pas, par exemple, parvenu à sauver le sommet de l'OMC, contribuant même à son échec en tentant de lier la mondialisation à la protection des travailleurs et de l'environnement. On a vu, en même temps, le meilleur et le pire aspect de Bill Clinton le politicien : s'il a réussi à « vendre » l'Alena à un Congrès - et sur tout à des démocrates et à des syndicats - réticents, ce fut au prix de promesses qu'il n'a jamais tenues. Il a ainsi perdu la confiance de nombreux élus, qui ont bridé sa liberté de manoeuvre pour négocier des accords commerciaux. Au cours de ces huit années, Bill Clinton aura modifié les méthodes d'exercice d'un leadership américain auquel il tient autant que les autres présidents. Au moins autant que sur la diplomatie et plus que sur la puissance militaire, il a compté sur la puissance économique, commerciale, financière et technologique pour « exporter notre leadership à travers le monde (...) Nous voulons une Amérique forte, unie, qui soit un partenaire responsable et un leader pour la paix, la sécurité et la prospérité à travers le monde ». Selon le professeur Louis W. Goodman, doyen de l'Ecole de Service international de l'American University, il s'agit d'un « héritage très positif. Certes il n'est pas grandiose, mais Clinton a lancé un nouveau concept fondamental de leadership mondial pour les Etats-Unis ».

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