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Le mot "idée" chez René DESCARTES

Publié le 18/08/2010

Extrait du document

descartes

 

Règles pour la direction de l’esprit, Règle troisième.

il serait très difficile en effet de se servir des mêmes termes, pour représenter des idées toutes différentes ;

 

  DISCOURS DE LA METHODE, Seconde Partie.

C’est pourquoi je ne saurais aucunement approuver ces humeurs brouillonnes et inquiètes, qui, n’étant appelées ni par leur naissance ni par leur fortune au maniement des affaires publiques, ne laissent pas d’y faire toujours en idée quelque nouvelle réformation ;

  DISCOURS DE LA METHODE, Cinquième partie.

comment la lumière, les sons, les odeurs, les goûts, la chaleur, et toutes les autres qualités des objets extérieurs y peuvent imprimer diverses idées, par l’entremise des sens ;

ce qui doit y être pris pour le sens commun où ces idées sont reçues, pour la mémoire qui les conserve, et pour la fantaisie qui les peut diversement changer et en composer de nouvelles, et, par même moyen, distribuant les esprits animaux dans les muscles, faire mouvoir les membres de ce corps en autant de diverses façons, et autant à propos des objets qui se présentent à ses sens et des passions intérieures qui sont en lui, que les nôtres se puissent mouvoir sans que la volonté les conduise :

  LA DIOPTRIQUE, DISCOURS PREMIER, DE LA LUMIERE.

En suite de quoi vous aurez occasion de juger, qu’il n’est pas besoin de supposer qu’il passe quelque chose de matériel depuis les objets jusqu’à nos yeux, pour nous faire voir les couleurs et la lumière, ni même qu’il y ait rien en ces objets, qui soit semblable aux idées ou aux sentiments que nous en avons :

tout de même qu’il ne sort rien des corps, que sent un aveugle, qui doive passer le long de son bâton jusqu’à sa main, et que la résistance ou le mouvement de ces corps, qui est la seule cause des sentiments qu’il en a, n’est rien de semblable aux idées qu’il en conçoit.

 

 

  LA DIOPTRIQUE, DISCOURS NEUVIEME, LA DESCRIPTION DES LUNETTES.

Car vous savez que cette action de la prunelle ne suit pas immédiatement de la volonté qu’on a de l’ouvrir, mais plutôt de l’idée ou du sentiment qu’on a de l’obscurité et de la distance des choses qu’on regarde.

  L’HOMME.

car ce seront ces petites secousses qui, passant jusqu’au cerveau par l’entremise de ces nerfs, donneront occasion à l’âme de concevoir l’idée des sons.

d’autant qu’ils sont destinés à rapporter au cerveau ces diverses actions des parties du second élément, qui, suivant ce qui a été dit ci-dessus, donneront occasion à l’âme, quand elle sera unie à cette machine, de concevoir les diverses idées des couleurs et de la lumière.

ce qui sera cause que l’âme, étant unie à cette machine, concevra l’idée générale de la faim.

Mais il monte aussi continuellement plusieurs de leurs parties vers le gosier, et lorsqu’elles n’y viennent pas en assez grande abondance pour l’humecter, et remplir ses pores en forme d’eau, elles y montent seulement en forme d’air, ou de fumée, et agissant pour lors contre ses nerfs d’autre façon que de coutume, elles causent un mouvement dans le cerveau, qui donnera occasion à l’âme de concevoir l’idée de la soif.

à savoir, comment s’y forment les idées des objets, dans le lieu destiné pour l’imagination, et pour le sens commun, comment elles se réservent dans la mémoire, et comment elles causent le mouvement de tous les membres.

Mais, afin que ces détours ne vous empêchent pas aussi de voir clairement, comment cela sert à former les idées des objets qui frappent les sens, regardez en la figure ci-jointe (1) les petits filets 12, 34, 56, et semblables, qui composent le nerf optique, et sont étendus depuis le fond de l’oeil 1, 3, 5, jusques à la superficie intérieure du cerveau 2, 4, 6.

Or, entre ces figures, ce ne sont pas celles qui s’impriment dans les organes des sens extérieurs, ou dans la superficie intérieure du cerveau, mais seulement celles qui se tracent dans les esprits sur la superficie de la glande H, où est le siège de l’imagination, et du sens commun, qui doivent être prises pour les idées, c’est-à-dire pour les formes ou images que l’âme raisonnable considérera immédiatement, lorsque étant unie à cette machine elle imaginera ou sentira quelque objet.

Et je pourrais ajouter ici comment les traces de ces idées passent par les artères vers le c_ur, et ainsi rayonnent en tout le sang ;

Pensez donc à cet effet qu’après que les esprits qui sortent de la glande H y ont reçu l’impression de quelque idée, ils passent de là par les tuyaux 2, 4, 6, et semblables, dans les pores ou intervalles qui sont entre les petits filets dont cette partie du cerveau B est composée ;

Ce qui est cause que ces figures ne s’effacent pas non plus si aisément, mais qu’elles s’y conservent en telle sorte, que par leur moyen les idées, qui ont été autrefois sur cette glande, s’y peuvent former derechef longtemps après, sans que la présence des objets auxquels elles se rapportent y soit requise.

Et notez que l’idée de ce mouvement des membres ne consiste qu’en la façon dont ces esprits sortent pour lors de cette glande, et ainsi que c’est son idée qui le cause.

en sorte que l’idée de ce mouvement se formerait aussi en même temps, au moins si l’attention n’en était point divertie, c’est-à-dire, si la glande H n’était point empêchée de se pencher vers 8, par quelque autre action qui fût plus forte.

en sorte que les mouvements de ces membres et leurs idées peuvent être causés réciproquement l’un par l’autre.

Et de plus, pour entendre ici par occasion comment, lorsque les deux yeux de cette machine, et les organes de plusieurs autres de ses sens, sont tournés vers un même objet, il ne s’en forme pas pour cela plusieurs idées dans son cerveau, mais une seule, il faut penser que c’est toujours des mêmes points de cette superficie de la glande H que sortent les esprits, qui, tendant vers divers tuyaux peuvent tourner divers membres vers les mêmes objets :

Ce qui vous sera facile à croire, si pour entendre aussi en quoi consiste l’idée de la distance des objets, vous pensez que, selon que cette superficie change de situation, les mêmes de ses points se rapportent à des lieux d’autant plus éloignés du centre du cerveau marqué o, que ces points en sont plus proches, et d’autant plus proches qu’ils en sont plus éloignés.

Au reste, il faut remarquer que, lorsque la glande H est penchée vers quelque côté, par la seule force des esprits, et sans que l’âme raisonnable, ni les sens extérieurs y contribuent, les idées qui se forment sur sa superficie ne procèdent pas seulement des inégalités, qui se rencontrent entre les petites parties de ces esprits, et qui causent la différence des humeurs, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, mais elles procèdent aussi des impressions de la mémoire.

et changeant la disposition de ses pores, elle commence à conduire beaucoup plus grande quantité d’esprits par a, b, c, vers 2, 4, 6, qu’elle ne faisait auparavant ce qui rend l’idée que forment ces esprits d’autant plus parfaite.

Le second consiste en ce que, pendant que cette glande est retenue ainsi penchée vers quelque côté, cela l’empêche de pouvoir si aisément recevoir les idées des objets qui agissent contre les organes des autres sens :

comme ici, par exemple, pendant que tous les esprits, que produit la glande H, sortent des points a, b, c, il n’en sort pas assez du point d, pour y former l’idée de l’objet D, dont je suppose que l’action n’est ni si vive, ni si forte, que celle d’ABC.

D’où vous voyez comment les idées s’empêchent l’une l’autre, et d’où vient qu’on ne peut être fort attentif à plusieurs choses en même temps.

Si les petits tuyaux de la superficie intérieure du cerveau ne sont point du tout plus ouverts, ni d’autre façon, les uns que les autres, et par conséquent que ces esprits n’aient en eux l’impression d’aucune idée particulière :

Et on peut rapporter ici tout ce que j’ai dit ci-dessus de la respiration, et de tels autres mouvements, qui ne dépendent ordinairement d’aucune idée ;

en sorte qu’ils ne diffèrent en rien de ces idées que j’ai dit ci-dessus se former quelquefois dans l’imagination de ceux qui rêvent étant éveillés, si ce n’est en ce que les images qui se forment pendant le sommeil peuvent être beaucoup plus distinctes et plus vives que celles qui se forment pendant la veille.

Et cette même raison montre aussi que, s’il arrive que l’action de quelque objet qui touche les sens puisse passer jusqu’au cerveau pendant le sommeil, elle n’y formera pas la même idée qu’elle ferait pendant la veille, mais quelque autre plus remarquable et plus sensible :

l’impression de leurs idées dans l’organe du sens commun et de l’imagination, la rétention ou l’empreinte de ces idées dans la mémoire ;

 

  LE MONDE OU TRAITÉ DE LA LUMIERE, CHAPITRE II, En quoi consiste la chaleur et la lumière du feu.

Et comme nous avons déjà dit qu’il n’y a rien, hors de notre pensée, qui soit semblable aux idées que nous concevons du chatouillement et de la douleur, nous pouvons bien croire aussi qu’il n’y a rien qui soit semblable à celle que nous concevons de la chaleur mais que tout ce qui peut remuer diversement les petites parties de nos mains, ou de quelque autre endroit de notre corps, peut exciter en nous ce sentiment.

  LE MONDE OU TRAITÉ DE LA LUMIERE, CHAPITRE VI, Description d’un nouveau monde ; et des qualités de la matière dont il est composé.

et son idée est tellement comprise en toutes celles que notre imagination peut former qu’il faut nécessairement que vous la conceviez ou que vous n’imaginiez jamais aucune chose.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, REPONSES DE L’AUTEUR AUX SECONDES OBJECTIONS, Demandes.

En quatrième lieu, qu’ils examinent les idées de ces natures, qui contiennent en elles un assemblage de plusieurs attributs ensemble, comme est la nature du triangle, celle du carré ou de quelque autre figure ;

et, entre autres choses, qu’ils considèrent que, dans les idées de toutes les autres natures, l’existence possible se trouve bien contenue, mais que, dans l’idée de Dieu ce n’est pas seulement une existence possible qui se trouve contenue, mais une existence absolument nécessaire.

 

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, REPONSES DE L’AUTEUR AUX SECONDES OBJECTIONS, Axiomes ou Notions communes, PROPOSITION SECONDE.

Donc cette idée de Dieu, qui est en nous, demande Dieu pour sa cause :

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, REPONSES DE L’AUTEUR AUX SECONDES OBJECTIONS, Axiomes ou Notions communes, PROPOSITION TROISIEME.

Or est-il que nous avons en nous l’idée d’une puissance si grande, que, par celui-là seul en qui elle réside, non seulement le ciel et la terre, etc.

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, TROISIÈMES OBJECTIONS, OBJECTION SECONDE, SUR LA SECONDE MEDITATION.

car, de ce que je pense, ou de ce que j’ai une idée, soit en veillant, soit en dormant, l’on infère que je suis pensant :

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, TROISIÈMES OBJECTIONS, OBJECTION IVème.

Il y a grande différence entre imaginer, c’est-à-dire avoir quelque idée, et concevoir de l’entendement, c’est-à-dire conclure, en raisonnant, que quelque chose est ou existe ;

 

 

 

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, TROISIÈMES OBJECTIONS, OBJECTION VIIe.

“  Il me reste seulement à examiner de quelle façon j’ai acquis cette idée ;

car je ne l’ai point reçue par les sens, et jamais elle ne s’est offerte à moi contre mon attente, comme font d’ordinaire les idées des choses sensibles, lorsque ces choses se présentent aux organes extérieurs de mes sens, ou qu’elles semblent s’y présenter.

et partant, il ne reste plus autre chose à dire, sinon que, comme l’idée de moi-même, elle est née et produite avec moi, dès lors que j’ai été créé.

S’il n’y a point d’idée de Dieu (or on ne prouve point qu’il y en ait), comme il semble qu’il n’y en a point, toute cette recherche est inutile.

De plus, l’idée de moi-même me vient (Si un regarde le corps) principalement de la vue ;

(si l’âme) nous n’en avons aucune idée ;

et cela, quoi que ce soit, sans aucune idée, nous l’appelons âme.

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, TROISIÈMES OBJECTIONS, OBJECTION VIIe, REPONSE.

S’il y a une idée de Dieu (comme il est manifeste qu’il y en a une), toute cette objection est renversée ;

et lorsqu’on ajoute que nous n’avons point l’idée de l’âme, mais qu’elle se conçoit par la raison, c’est de même que si on disait qu’on n’en a point d’image dépeinte en la fantaisie, mais qu’on en a néanmoins cette notion que jusques ici j’ai appelé du nom d’idée.

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, TROISIÈMES OBJECTIONS, OBJECTION VIIIe.

“  Mais l’autre idée du soleil est prise des raisons de l’astronomie, c’est-à-dire de certaines notions qui sont naturellement en moi.

Il semble qu’il ne puisse y avoir en même temps qu’une idée du soleil, soit qu’il soit vu par les yeux, soit qu’il soit conçu par le raisonnement être plusieurs fois plus grand qu’il ne paraît à la vue ;

car cette dernière n’est pas l’idée du soleil, mais une conséquence de notre raisonnement, qui nous apprend que l’idée du soleil serait plusieurs fois plus grande, s’il était regardé de beaucoup plus près.

Il est vrai qu’en divers temps il peut y avoir diverses idées du soleil, comme si en un temps il est regardé seulement avec les yeux, et en un autre avec une lunette d’approche ;

mais les raisons de l’astronomie ne rendent point l’idée du soleil plus grande ou plus petite, seulement elles nous enseignent que l’idée sensible du soleil est trompeuse.

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, TROISIÈMES OBJECTIONS, OBJECTION VIIIe, REPONSE.

Derechef, ce qui est dit ici n’être point l’idée du soleil, et néanmoins est décrit, c’est cela même que j’appelle idée.

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, TROISIÈMES OBJECTIONS, Objection IX.

Car il est certain que les idées qui me représentent des substances sont quelque chose de plus, et pour ainsi dire, ont plus de réalité objective que celles qui me représentent seulement des modes ou accidents ;

J’ai déjà plusieurs fois remarqué ci-devant que nous n’avons aucune idée de Dieu ni de l’âme ;

mais néanmoins elle n’est point conçue, ou nous n’en avons aucune idée.

Si cela est vrai, comment peut-on dire que les idées qui nous représentent des substances, sont quelque chose de plus et ont plus de réalité objective, que celles qui nous représentent des accidents ?

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, TROISIÈMES OBJECTIONS, Objection IX, REPONSE.

J’ai plusieurs fois dit que j’appelais du nom d’idée cela même que la raison nous fait connaître, comme aussi toutes les autres choses que nous concevons, de quelque façon que nous les concevions.

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, TROISIÈMES OBJECTIONS, OBJECTION Xe.

“  Partant, il ne reste que la seule idée de Dieu, dans laquelle il faut considérer s’il y a quelque chose qui n’ait pu venir de moi-même.

Considérant les attributs de Dieu, afin que de là nous en ayons l’idée, et que nous voyions s’il y a quelque chose en elle qui n’ait pu venir de nous-mêmes, je trouve, si je ne me trompe, que ni les choses que nous concevons par le nom de Dieu ne viennent point de nous, ni qu’il n’est pas nécessaire qu’elles viennent d’ailleurs que des objets extérieurs.

Car, par le nom de Dieu, j’entends une substance, c’est-à-dire j’entends que Dieu existe (non point par une idée, mais par raisonnement) :

d’où il suit que le nom d’infini ne nous fournit pas l’idée de l’infinité divine, mais bien celle de mes propres termes et limites :

d’où il paraît que je n’ai point d’autre idée qui réponde à ce nom d’indépendant, sinon la mémoire de mes propres idées, qui ont toutes leur commencement en divers temps, et qui par conséquent sont dépendantes.

Je demande aussi par quelle idée Monsieur Descartes conçoit l’intellection de Dieu.

Je demande aussi par quelle idée sa puissance, qui regarde les choses futures, c’est-à-dire non existantes, est entendue.

Or toutes ces choses sont des idées qui peuvent venir des objets extérieurs.

et personne, à mon avis, n’a d’autre idée à ce nom de Créateur ;

De plus, où M Descartes dit que l’idée de Dieu et de notre âme est née et résidente en nous, je voudrais bien savoir si les âmes de ceux-là pensent, qui dorment profondément et sans aucune rêverie.

Si elles ne pensent point, elles n’ont alors aucune idée ;

et partant, il n’y a point d’idée qui soit née et résidante en nous, car ce qui est né et résidant en nous, est toujours présent à notre pensée.

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, TROISIÈMES OBJECTIONS, OBJECTION Xe, REPONSE.

car, pour moi, j’explique aisément quelle est l’idée que j’en ai, en disant que, par le mot d’idée, j’entends la forme de toute perception ;

car qui est celui qui conçoit quelque chose, qui ne s’en aperçoive, et partant, qui n’ait cette forme ou cette idée de l’intellection, laquelle venant à étendre à l’infini, il forme l’idée de l’intellection divine ?

Mais, d’autant que je me suis servi de l’idée de Dieu qui est en nous pour démontrer son existence, et que dans cette idée une puissance si immense est contenue, que nous concevons qu’il répugne (s’il est vrai que Dieu existe), que quelque autre chose que lui existe, si elle n’a été créée par lui, il suit clairement de ce que son existence a été démontrée, qu’il a été aussi démontré que tout ce monde, c’est-à-dire toutes les autres choses différentes de Dieu qui existent, ont été créées par lui.

Enfin, lorsque je dis que quelque idée est née avec nous, ou qu’elle est naturellement empreinte en nos âmes, je n’entends pas qu’elle se présente toujours à notre pensée, car ainsi il n’y en aurait aucune ;

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, TROISIÈMES OBJECTIONS, OBJECTION XIe.

“  Et toute la force de l’argument dont je me suis servi pour prouver l’existence de Dieu, consiste en ce que je vois qu’il ne serait pas possible que ma nature fût telle qu’elle est, c’est-à-dire que j’eusse en moi l’idée d’un Dieu, si Dieu n’existait véritablement, à savoir ce même Dieu dont j’ai en moi l’idée.

Donc, puisque ce n’est pas une chose démontrée que nous ayons en nous l’idée de Dieu, et que la Religion chrétienne nous oblige de croire que Dieu est inconcevable, c’est-à-dire, selon mon opinion, qu’on n’en peut avoir d’idée, il s’ensuit que l’existence de Dieu n’a point été démontrée, et beaucoup moins la création.

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, TROISIÈMES OBJECTIONS, OBJECTION XIe, REPONSE.

Au reste, j’ai déjà tant de fois expliqué comment nous avons en nous l’idée de Dieu, que je ne le puis encore ici répéter sans ennuyer les lecteurs.

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, TROISIÈMES OBJECTIONS, OBJECTION XIVe.

L’idée que notre esprit conçoit du triangle, vient d’un autre triangle que nous avons vu, ou inventé sur les choses que nous avons vues ;

mais depuis qu’une fois nous avons appelé du nom de triangle la chose d’où nous pensons que l’idée du triangle tire son origine, encore que cette chose périsse, le nom demeure toujours.

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, TROISIÈMES OBJECTIONS, OBJECTION XIVe, REPONSE.

et ce qui est dit ici des noms éternels, au lieu des concepts ou des idées d’une éternelle vérité a déjà été ci-devant assez réfute et rejeté.

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, TROISIÈMES OBJECTIONS, OBJECTION XVe.

“  Car Dieu ne m’ayant donné aucune faculté pour connaître que cela soit (à savoir que Dieu, par lui-même ou par l’entremise de quelque créature plus noble que le corps, m’envoie les idées du corps), mais, au contraire, m’ayant donné une grande inclination à croire qu’elles me sont envoyées ou qu’elles partent des choses corporelles, je ne vois pas comment on pourrait l’excuser de tromperie, si en effet ces idées partaient d’ailleurs ou étaient produites par d’autres causes que par des choses corporelles ;

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, TROISIÈMES OBJECTIONS, OBJECTION XVIe.

Je demande si c’est une chose certaine, qu’une personne, songeant qu’elle doute si elle songe ou non, ne puisse songer que son songe est joint et lié avec les idées d’une longue suite de choses passées.

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, TROISIÈMES OBJECTIONS, OBJECTION XVIe, REPONSE.

Celui qui dort et songe, ne peut pas joindre et assembler parfaitement et avec vérité ses rêveries avec les idées des choses passées, encore qu’il puisse songer qu’il les assemble.

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, REPONSES DE L’AUTEUR AUX QUATRIEMES OBJECTIONS, REPONSES A LA PREMIERE PARTIE.

En troisième lieu, encore que le concept ou l’idée du triangle inscrit au demi-cercle puisse être telle, qu’elle ne contienne point l’égalité qui est entre le carré de la base et les carrés des côtés, elle ne peut pas néanmoins être telle, que l’on conçoive que nulle proportion qui puisse être entre le carré de la base et les carrés des côtés n’appartient à ce triangle ;

Et ce que Monsieur Arnauld a ajouté ne m’est aucunement contraire, à savoir, que “  ce n’est pas merveille si, lorsque de ce que je pense je viens à conclure que je suis, l’idée que de là je forme de moi-même, me représente seulement comme une chose qui pense :

parce que cette union substantielle n’empêche pas qu’on ne puisse avoir une claire et distincte idée ou concept de l’esprit seul, comme d’une chose complète ;

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, REPONSES DE L’AUTEUR AUX QUATRIEMES OBJECTIONS, REPONSE A L’AUTRE PARTIE, DE DIEU.

La première est que quelques idées sont matériellement fausses ;

mais lui, considérant les idées prises formellement, soutient qu’il n’y a en elles aucune fausseté.

Et premièrement, où il dit que, si le froid est seulement une privation, il ne peut y avoir d’idée qui me le représente comme une chose positive, il est manifeste qu’il parle de l’idée prise formellement.

Car, puisque les idées mêmes ne sont rien que des formes, et qu’elles ne sont point composées de matière, toutes et quantes fois qu’elles sont considérées en tant qu’elles représentent quelque chose, elles ne sont pas prises matériellement, mais formellement ;

c’est à savoir, soit que le froid soit une chose positive, soit qu’il soit une privation, je n’ai pas pour cela une autre idée de lui, mais elle demeure en moi la même que j’ai toujours eue ;

laquelle je dis me donner matière ou occasion d’erreur, s’il est vrai que le froid soit une privation, et qu’il n’ait pas autant de réalité que la chaleur, d’autant que, venant à considérer l’une et l’autre de ces idées, selon que je les ai reçues des sens, je ne puis reconnaître qu’il y ait plus de réalité qui me soit représentée par l’une que par l’autre.

Et certes je n’ai pas confondu le jugement avec l’idée ;

Et quand il dit que l’idée du froid est le froid même en tant qu’il est objectivement dans l’entendement, je pense qu’il faut user de distinction ;

car il arrive souvent dans les idées obscures et confuses, entre lesquelles celles du froid et de la chaleur doivent être mises, qu’elles se rapportent à d’autres choses qu’à celles dont elles sont véritablement les idées.

Ainsi, si le froid est seulement une privation, l’idée du froid n’est pas le froid même en tant qu’il est objectivement dans l’entendement, mais quelque autre chose qui est prise faussement pour cette privation :

Il n’en est pas de même de l’idée de Dieu, au moins de celle qui est claire et distincte, parce qu’on ne peut pas dire qu’elle se rapporte à quelque chose à quoi elle ne soit pas conforme.

Quant aux idées confuses des dieux qui sont forgées par les idolâtres, je ne vois pas pourquoi elles ne pourraient point aussi être dites matériellement fausses, en tant qu’elles servent de matière à leurs faux jugements.

Car elle n’est pas si grande en ces idées confuses que notre esprit invente lui-même (telles que sont celles des faux dieux), qu’en celles qui nous sont offertes confusément par les sens, comme sont les idées du froid et de la chaleur, s’il est vrai, comme j’ai dit, qu’elles ne représentent rien de réel.

Mais la plus grande de toutes est dans ces idées qui naissent de l’appétit sensitif.

Mais Monsieur Arnauld demande ce que cette idée du froid me représente, laquelle j’ai dit être matériellement fausse :

si un être positif, donc elle n’est point l’idée du froid.

Et partant, il ne faut pas demander quelle est la cause de cet être positif objectif qui, selon mon opinion, fait que cette idée est matériellement fausse ;

mais l’obscurité, laquelle seule me donne occasion de juger que l’idée de ce sentiment représente quelque objet hors de moi qu’on appelle froid, n’a point de cause réelle, mais elle vient seulement de ce que ma nature n’est pas entièrement parfaite.

Mais ce que j’aurais le plus à craindre, serait que, ne m’étant jamais beaucoup arrêté à lire les livres des philosophes, je n’aurais peut-être pas suivi assez exactement leur façon de parler, lorsque j’ai dit que ces, idées, qui donnent au jugement matière ou occasion d’erreur, étaient matériellement fausses, si je ne trouvais que ce mot matériellement est pris en la même signification par le premier auteur qui m’est tombé par hasard entre les mains pour m’en éclaircir :

Mais pour y répondre pertinemment, j’estime qu’il est nécessaire de montrer qu’entre la cause efficiente proprement dite, et point de cause, il y a quelque chose qui tient comme le milieu, à savoir, l’essence positive d’une chose, à laquelle l’idée ou le concept de la cause efficiente se peut étendre en la même façon que nous avons coutume d’étendre en géométrie le concept d’une ligne circulaire, la plus grande qu’on puisse imaginer, au concept d’une ligne droite, ou le concept d’un polygone rectiligne, qui a un nombre indéfini de côtés, au concept du cercle.

Et lorsqu’on ajoute, si quelque chose est telle, elle se donnera toutes les perfections dont elle a les idées, s’il est vrai qu’elle ne les ait pas encore, cela veut dire qu’il est impossible qu’elle n’ait pas actuellement toutes les perfections dont elle a les idées ;

d’autant que la lumière naturelle nous fait connaître que la chose dont l’essence est si immense qu’elle n’a pas besoin de cause efficiente pour être, n’en a pas aussi besoin pour avoir toutes les perfections dont elle a les idées, et que sa propre essence lui donne éminemment tout ce que nous pouvons imaginer pouvoir être donné à d’autres choses par la cause efficiente.

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, RÉPONSES AUX CINQUIEMES OBJECTIONS, DES CHOSES QUI ONT ÉTÉ OBJECTÉES CONTRE LA TROISIEME MÉDITATION.

mais aussi je maintiens l’avoir fait exactement en son lieu, premièrement en ôtant les préjugés, puis après en expliquant toutes les principales idées, et enfin en distinguant les claires et distinctes de celles qui sont obscures et confuses.

Certes j’admire votre raisonnement, par lequel vous voulez prouver que toutes nos idées sont étrangères ou viennent de dehors, et qu’il n’y en a point que nous ayons formée, “   parce que, dites-vous, l’esprit n’a pas seulement la faculté de concevoir les idées étrangères ;

d’où vous concluez que l’idée d’une chimère que l’esprit fait en composant, divisant, etc.

J’admire aussi que vous souteniez que l’idée de ce qu’on nomme en général une chose ne puisse être en l’esprit, “   si les idées d’un animal, d’une plante, d’une pierre et de tous les universaux n’y sont ensemble “  ;

Ce que vous ajoutez des deux idées du soleil ne prouve rien, mais quand vous les prenez toutes deux pour une seule, parce qu’elles se rapportent au même soleil, c’est le même que si vous disiez que le vrai et le faux ne différent point lorsqu’ils se disent d’une même chose ;

et lorsque vous niez que l’on doive appeler du nom d’idée celle que nous inférons des raisons de l’astronomie, vous restreignez le nom d’idée aux seules images dépeintes en la fantaisie, contre ce que j’ai expressément établi.

Vous faites le même lorsque vous niez qu’on puisse avoir une vraie idée de la substance, à cause, dites-vous, que la substance ne s’aperçoit point par l’imagination, mais par le seul entendement.

Mais où vous dites que “  l’idée de la substance n’a point de réalité qu’elle n’ait empruntée des idées des accidents sous lesquels ou à la façon desquels elle est conçue “ , vous faites voir clairement que vous n’en avez aucune qui soit distincte, parce que la substance ne peut jamais être conçue à la façon des accidents, ni emprunter d’eux sa réalité ;

car on ne peut attribuer aux accidents aucune réalité (c’est-à-dire aucune entité plus que modale), qui ne soit empruntée de l’idée de la substance.

Enfin, là où vous dites que “  nous ne formons l’idée de Dieu que sur ce que nous avons appris et entendu des autres “ , lui attribuant, à leur exemple, les mêmes perfections que nous avons vu que les autres lui attribuaient, j’eusse voulu que vous eussiez aussi ajouté d’où c’est donc que ces premiers hommes, de qui nous avons appris et entendu ces choses, ont eu cette même idée de Dieu.

Il n’est pas vrai aussi que “  l’idée qui nous représente toutes les perfections que nous attribuons à Dieu n’a pas plus de réalité objective qu’en ont les choses finies “ , Car vous confessez vous-même que toutes ces perfections sont amplifiées par notre esprit, afin quelles puissent être attribuées à Dieu ;

et d’où nous peut venir cette faculté d’amplifier toutes les perfections créées, c’est-à-dire de concevoir quelque chose de plus grand et de plus parfait qu’elles ne sont, sinon de cela seul que nous avons en nous l’idée d’une chose plus grande, à savoir, de Dieu même ?

car il est impossible de concevoir que la perfection de la forme préexiste dans la cause matérielle, mais bien dans la seule cause efficiente, et aussi que la réalité formelle d’une idée soit une substance, et plusieurs autres choses semblables.

Mais puisque vous demandez seulement “  s’il est donc vrai que je sois incertain qu’il y ait quelqu’autre chose que moi qui existe dans le monde “ , et que vous feignez qu’il n’est pas besoin de chercher des raisons d’une chose si évidente, et ainsi que vous vous en rapportez seulement à vos anciens préjugés, vous faites voir bien plus clairement que vous n’avez aucune raison pour prouver ce que vous assurez que si vous n’en aviez rien dit du tout, Quant à ce que vous dites touchant les idées, cela n’a pas besoin de réponse, parce que vous restreignez le nom d’idée aux seules images dépeintes en la fantaisie ;

Enfin il faut remarquer que je n’ai point affirmé que “  les idées des choses matérielles dérivaient de l’esprit “ , comme vous me voulez ici faire accroire ;

Je vous avertirai seulement ici, touchant l’idée de l’infini (laquelle vous dites ne pouvoir être vraie si je ne comprends l’infini, et que ce que j’en connais n’est tout au plus qu’une partie de l’infini, et même une fort petite partie, qui ne représente pas mieux l’infini que le portrait d’un simple cheveu représente un homme tout entier), je vous avertirai, dis-je, qu’il répugne que je comprenne quelque chose, et que ce que je comprends soit infini ;

car pour avoir une idée vraie de l’infini il ne doit en aucune façon être compris, d’autant que l’incompréhensibilité même est contenue dans la raison formelle de l’infini ;

et néanmoins c’est une chose manifeste que l’idée que nous avons de l’infini ne représente pas seulement une de ses parties, mais l’infini tout entier, selon qu’il doit être représenté par une idée humaine ;

quoiqu’il soit certain que Dieu ou quelque autre nature intelligente en puisse avoir une autre beaucoup plus parfaite, c’est-à-dire beaucoup plus exacte et plus distincte que celle que les hommes en ont, en même façon que nous disons que celui qui n’est pas versé dans la géométrie ne laisse pas d’avoir l’idée de tout le triangle lorsqu’il le conçoit comme une figure composée de trois lignes, quoique les géomètres puissent connaître plusieurs autres propriétés du triangle, et remarquer quantité de choses dans son idée que celui-là n’y observe pas.

Car, comme il suffit de concevoir une figure composée de trois lignes pour avoir l’idée de tout le triangle, de même il suffit de concevoir une chose qui n’est renfermée d’aucunes limites pour avoir une vraie et entière idée de tout l’infini.

Vous tombez ici dans la même erreur lorsque vous niez que nous puissions avoir une vraie idée de Dieu :

Quant à ce que vous dites, “  que le pain n’est pas plus parfait que celui qui le désire, et que, de ce que je conçois que quelque chose est actuellement contenue dans une idée, il ne s’ensuit pas qu’elle soit actuellement dans la chose dont elle est l’idée, et aussi que je donne jugement de ce que j’ignore “ , et autres choses semblables, tout cela, dis-je, nous montre seulement que vous voulez témérairement impugner plusieurs choses dont vous ne comprenez pas le sens ;

Et, de ce que quelque chose est contenue dans une idée, je ne conclus pas que cette chose existe actuellement, sinon lorsqu’on ne peut assigner aucune autre cause de cette idée que cette chose même, qu’elle représente actuellement existante ;

Lorsque vous reprenez ce que j’ai dit, à savoir, “  qu’on ne peut rien ajouter ni diminuer de l’idée de Dieu “ , il semble que vous n’ayez pas pris garde à ce que disent communément les philosophes, que les essences des choses sont indivisibles ;

car l’idée représente l’essence de la chose, à laquelle si on ajoute ou diminue quoi que ce soit, elle devient aussitôt l’idée d’une autre chose :

ainsi s’est-on figuré autrefois l’idée d’une Pandore ;

ainsi ont été faites toutes les idées des faux dieux par ceux qui ne concevaient pas comme il faut celle du vrai Dieu.

Mais depuis que l’on a une fois conçu l’idée du vrai Dieu, encore que l’on puisse découvrir en lui de nouvelles perfections qu’on n’avait pas encore aperçues, son idée n’est point pourtant accrue ou augmentée, mais elle est seulement rendue plus distincte et plus expresse, d’autant qu’elles ont dû être toutes contenues dans cette même idée que l’on avait.

de la même façon que l’idée du triangle n’est point augmentée lorsqu’on vient à remarquer en lui plusieurs propriétés qu’on avait auparavant ignorées.

Car ne pensez pas que “  l’idée que nous avons de Dieu se forme successivement de l’augmentation des perfections des créatures “  ;

Et lorsque vous demandez “  comment je prouve que l’idée de Dieu est en nous comme la marque de l’ouvrier empreinte sur son ouvrage, quelle est la manière de cette impression, et quelle est la forme de cette marque “ , c’est de même que si, reconnaissant dans quelque tableau tant d’artifice que je jugeasse n’être pas possible qu’un tel ouvrage fût sorti d’autre main que de celle d’Apelles, et que je vinsse à dire que cet artifice inimitable est comme une certaine marque qu’Apelles a imprimée en tous ses ouvrages pour les faire distinguer d’avec les autres, vous me demandiez quelle est la forme de cette marque, ou quelle est la manière de cette impression.

Et lorsque vous poursuivez, “  si cette marque n’est point différente de l’ouvrage, vous êtes donc vous-même une idée, vous n’êtes rien autre chose qu’une manière de penser, vous êtes et la marque empreinte et le sujet de l’impression “ , cela n’est-il pas aussi subtil que si, moi ayant dit que cet artifice par lequel les tableaux d’Apelles sont distingués d’avec les autres n’est point différent des tableaux mêmes, vous objectiez que ces tableaux ne sont donc rien autre chose qu’un artifice, qu’ils ne sont composés d’aucune matière, et qu’ils ne sont qu’une manière de peindre, etc.

Enfin, lorsque vous dites “  qu’il y a lieu de s’étonner pourquoi le reste des hommes n’a pas les mêmes pensées de Dieu que celles que j’ai, puisqu’il a empreint en eux son idée aussi bien qu’en moi “ , c’est de même que si vous vous étonniez de ce que, tout le monde ayant la notion du triangle, chacun pourtant n’y remarque pas également autant de propriétés, et qu’il y en a même peut-être quelques-uns qui lui attribuent faussement plusieurs choses.

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, RÉPONSES AUX CINQUIEMES OBJECTIONS, DES CHOSES QUI ONT ÉTÉ OBJECTÉES CONTRE LA QUATRIEME MÉDITATION.

J’ai déjà assez expliqué quelle est l’idée que nous avons du néant, et comment nous participons du non-être, en nommant cette idée négative et disant que cela ne veut rien dire autre chose sinon que nous ne sommes pas le souverain Etre, et qu’il nous manque plusieurs choses ;

Enfin, puisque vous me demandez si ingénument “  quelles idées j’estime que mon esprit aurait eues de Dieu et de lui-même si, du moment qu’il a été infus dedans le corps, il y fût demeuré jusqu’à cette heure les yeux fermés, les oreilles bouchées, et sans aucun usage des autres sens “ , je vous réponds aussi ingénument et sincèrement que (pourvu que nous supposions qu’il n’eût été ni empêché ni aidé par le corps à penser et méditer) je ne doute point qu’il n’aurait eu les mêmes idées qu’il en a maintenant, sinon qu’il les aurait eues beaucoup plus claires et plus pures ;

Et de fait il n’y a rien qui empêche tous les hommes de reconnaître également qu’ils ont en eux ces mêmes idées, que parce qu’ils sont pour l’ordinaire trop occupés à la considération des choses corporelles.

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, RÉPONSES AUX CINQUIEMES OBJECTIONS, DES CHOSES QUI ONT ÉTÉ OBJECTÉES CONTRE LA CINQUIEME MEDITATION.

Mais pour ce qui regarde les essences que nous connaissons clairement et distinctement, telles qu’est celle du triangle ou de quelque autre figure de géométrie, je vous ferai aisément avouer que les idées de celles qui sont en nous n’ont point été tirées des idées des choses singulières ;

Cependant, je ne demeure pas d’accord que les idées de ces figures nous soient jamais tombées sous les sens, comme chacun se le persuade ordinairement ;

Mais, d’autant que l’idée véritable du triangle était déjà en nous, et que notre esprit la pouvait plus aisément concevoir que la figure moins simple ou plus composée d’un triangle peint, de là vient qu’ayant vu cette figure composée nous ne l’avons pas conçue elle-même, mais plutôt le véritable triangle.

Tout ainsi que quand nous jetons les yeux sur une carte où il y a quelques traits qui sont disposés et arrangés, de telle sorte qu’ils représentent la face d’un homme, alors cette vue n’excite pas tant en nous l’idée de ces mêmes traits que celle d’un homme :

Ainsi, certes, nous ne pourrions jamais connaître le triangle géométrique par celui que nous voyons tracé sur le papier, si notre esprit d’ailleurs n’en avait eu l’idée.

Et toutefois je ne nie pas que l’existence possible ne soit une perfection dans l’idée du triangle, comme l’existence nécessaire est une perfection dans l’idée de Dieu, car cela la rend plus parfaite que ne sont les idées de toutes ces chimères que nous supposons ne pouvoir être produites.

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, RÉPONSES AUX CINQUIEMES OBJECTIONS, DES CHOSES QUI ONT ÉTÉ OBJECTÉES CONTRE LA SIXIEME MÉDITATION.

et encore que les figures géométriques soient tout à fait corporelles, néanmoins il ne se faut pas persuader que ces idées qui servent à nous les faire concevoir le soient aussi quand elles ne tombent point sous l’imagination ;

et enfin cela ne peut être digne que de vous, ô chair, de penser que “  les idées de Dieu, de l’ange et de l’âme de l’homme soient corporelles ou quasi corporelles, ayant été tirées de la forme du corps humain et de quelques autres choses fort simples, fort légères et fort imperceptibles “ , Car quiconque se représente Dieu de la sorte ou même l’esprit humain, tâche d’imaginer une chose qui n’est point du tout imaginable, et ne se figure autre chose qu’une idée corporelle à qui il attribue faussement le nom de Dieu ou d’esprit ;

car, dans la vraie idée de l’esprit, il n’y a rien de contenu que la seule pensée avec tous ses attributs, entre lesquels il n’y en a aucun qui soit corporel.

Vous demandez ici “  comment j’estime que l’espèce ou l’idée du corps, lequel est étendu, peut être reçue en moi qui suis une chose non étendue “ , Je réponds à cela qu’aucune espèce corporelle n’est reçue dans l’esprit, mais que la conception ou l’intellection pure des choses, soit corporelles, soit spirituelles, se fait sans aucune image ou espèce corporelle ;

et quant à l’imagination, qui ne peut être que des choses corporelles, il est vrai que pour en former une il est besoin d’une espèce qui soit un véritable corps et à laquelle l’esprit s’applique, mais non pas qui soit reçue dans l’esprit, Ce que vous dites de l’idée du soleil, qu’un aveugle-né forme sur la simple connaissance qu’il a de sa chaleur, se peut aisément réfuter car cet aveugle peut bien avoir une idée claire et distincte du soleil comme d’une chose qui échauffe, quoiqu’il n’en ait pas l’idée comme d’une chose qui éclaire et illumine.

premièrement parce que la connaissance d’une chose qui pense s’étend beaucoup plus loin que celle d’une chose qui échauffe, voire même elle est plus ample qu’aucune que nous ayons de quelque autre chose que ce soit, comme j’ai montré en son lieu, et aussi parce qu’il n’y a personne qui puisse montrer que cette idée du soleil que forme cet aveugle ne contienne pas tout ce que l’on peut connaître de lui, sinon celui qui étant doué du sens de la vue connaît outre cela sa figure et sa lumière ;

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, PREMIERE PARTIE, Art. 13.

Mais lorsque la pensée, qui se connaît soi-même en cette façon, nonobstant qu’elle persiste encore à douter des autres choses, use de circonspection pour tâcher d’étendre sa connaissance plus avant, elle trouve en soi premièrement les idées de plusieurs choses ;

et pendant qu’elle les contemple simplement, et qu’elle n’assure pas qu’il y ait rien hors de soi qui soit semblable à ces idées, et qu’aussi elle ne le nie pas, elle est hors de danger de se méprendre.

Par exemple, elle a en soi les idées des nombres et des figures, elle a aussi entre ses communes notions, “  que,si on ajoute des quantités égales à d’autres quantités égales, les tous seront égaux “ , et beaucoup d’autres aussi évidentes que celle-ci, par lesquelles il est aisé de démontrer que les trois angles d’un triangle sont égaux à deux droits, etc.

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, PREMIERE PARTIE, Art. 14.

Lorsque par après elle fait une revue sur les diverses idées ou notions qui sont en soi, et qu’elle y trouve celle d’un être tout-connaissant, tout-puissant et extrêmement parfait, elle juge facilement, par ce qu’elle aperçoit en cette idée que Dieu, qui est cet être tout parfait, est ou existe :

car encore qu’elle ait des idées distinctes de plusieurs autres choses, elle n’y remarque rien qui l’assure de l’existence de leur objet ;

Et comme de ce qu’elle voit qu’il est nécessairement compris dans l’idée qu’elle a du triangle que ses trois angles soient égaux à deux droits, elle se persuade absolument que le triangle a les trois angles égaux à deux droits ;

de même, de cela seul qu’elle aperçoit que l’existence nécessaire et éternelle est comprise dans l’idée qu’elle a d’un être tout parfait, elle doit conclure que cet être tout parfait est ou existe.

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, PREMIERE PARTIE, Art. 15.

Elle pourra s’assurer encore mieux de la vérité de cette conclusion, si elle prend garde qu’elle n’a point en soi l’idée ou la notion d’aucune autre chose où elle puisse reconnaître une existence qui soit ainsi absolument nécessaire ;

car de cela seul elle saura que l’idée d’un être tout parfait n’est point en elle par une fiction, comme celle qui représente une chimère, mais qu’au contraire, elle y est empreinte par une nature immuable et vraie, et qui doit nécessairement exister, parce qu’elle ne peut être conçue qu’avec une existence nécessaire.

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, PREMIERE PARTIE, Art. 16.

mais, d’autant que nous sommes accoutumés à distinguer en toutes les autres choses l’essence de l’existence, et que nous pouvons feindre à plaisir plusieurs idées de choses qui, peut-être, n’ont jamais été et qui ne seront peut-être jamais, lorsque nous n’élevons pas comme il faut notre esprit à la contemplation de cet être tout parfait, il se peut faire que nous doutions si l’idée que nous avons de lui n’est pas l’une de celles que nous feignons quand bon nous semble, ou qui sont possibles encore que l’existence ne soit pas nécessairement comprise en leur nature.

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, PREMIERE PARTIE, Art. 17.

De plus, lorsque nous faisons réflexion sur les diverses idées qui sont en nous, il est aisé d’apercevoir qu’il n’y a pas beaucoup de différence entre elles, en tant que nous les considérons simplement comme les dépendances de notre âme ou de notre pensée, mais qu’il y en a beaucoup en tant que l’une représente une chose, et l’autre une autre, et même que leur cause doit être d’autant plus parfaite que ce qu’elles représentent de leur objet a plus de perfection.

Car tout ainsi que, lorsqu’on nous dit que quelqu’un a l’idée d’une machine où il y a beaucoup d’artifice, nous avons raison de nous enquérir comment il a pu avoir cette idée, à savoir, s’il a vu quelque part une telle machine faite par un autre, ou s’il a appris la science des mécaniques, ou s’il est avantagé d’une telle vivacité d’esprit que de lui-même il ait pu l’inventer sans avoir rien vu de semblable ailleurs, à cause que tout l’artifice qui est représenté dans l’idée qu’a cet homme, ainsi que dans un tableau, doit être en sa première et principale cause, non pas seulement par imitation, mais en effet de la même sorte ou d’une façon encore plus éminente qu’il n’est représenté.

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, PREMIERE PARTIE, Art. 18.

De même, parce que nous trouvons en nous l’idée d’un Dieu, ou d’un être tout parfait, nous pouvons rechercher la cause qui fait que cette idée est en nous ;

mais, après avoir considéré avec attention combien sont immenses les perfections qu’elle nous représente, nous sommes contraints d’avouer que nous ne saurions la tenir que d’un être très parfait, c’est-à-dire d’un Dieu, qui est véritablement ou qui existe, parce qu’il est non seulement manifeste par la lumière naturelle que le néant ne peut être auteur de quoi que ce soit, et que le plus parfait ne saurait être une suite et une dépendance du moins parfait, mais aussi parce que nous voyons, par le moyen de cette même lumière, qu’il est impossible que nous ayons l’idée ou l’image de quoi que ce soit, s’il n’y a en nous ou ailleurs un original qui comprenne en effet toutes les perfections qui nous sont ainsi représentées :

mais comme nous savons que nous sommes sujets à beaucoup de défauts, et que nous ne possédons pas ces extrêmes perfections dont nous avons l’idée, nous devons conclure qu’elles sont en quelque nature qui est différente de la nôtre, et en effet très parfaite, c’est-à-dire qui est Dieu, ou du moins qu’elles ont été autrefois en cette chose, et il suit de ce qu’elles étaient infinies qu’elles y sont encore.

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, PREMIERE PARTIE, Art. 20.

et parce que nous savons assez, lorsque nous avons une idée de quelque machine où il y a beaucoup d’artifice, la façon dont nous l’avons eue, et que nous ne saurions nous souvenir de même quand l’idée que nous avons d&rsquo

descartes

« agissant pour lors contre ses nerfs d'autre façon que de coutume, elles causent un mouvement dans le cerveau, qui donneraoccasion à l'âme de concevoir l'idée de la soif. à savoir, comment s'y forment les idées des objets, dans le lieu destiné pour l'imagination, et pour le sens commun, comment ellesse réservent dans la mémoire, et comment elles causent le mouvement de tous les membres. Mais, afin que ces détours ne vous empêchent pas aussi de voir clairement, comment cela sert à former les idées des objets quifrappent les sens, regardez en la figure ci-jointe (1) les petits filets 12, 34, 56, et semblables, qui composent le nerf optique, etsont étendus depuis le fond de l'oeil 1, 3, 5, jusques à la superficie intérieure du cerveau 2, 4, 6. Or, entre ces figures, ce ne sont pas celles qui s'impriment dans les organes des sens extérieurs, ou dans la superficie intérieure ducerveau, mais seulement celles qui se tracent dans les esprits sur la superficie de la glande H, où est le siège de l'imagination, et dusens commun, qui doivent être prises pour les idées, c'est-à-dire pour les formes ou images que l'âme raisonnable considéreraimmédiatement, lorsque étant unie à cette machine elle imaginera ou sentira quelque objet. Et je pourrais ajouter ici comment les traces de ces idées passent par les artères vers le c_ur, et ainsi rayonnent en tout le sang ; Pensez donc à cet effet qu'après que les esprits qui sortent de la glande H y ont reçu l'impression de quelque idée, ils passent delà par les tuyaux 2, 4, 6, et semblables, dans les pores ou intervalles qui sont entre les petits filets dont cette partie du cerveau Best composée ; Ce qui est cause que ces figures ne s'effacent pas non plus si aisément, mais qu'elles s'y conservent en telle sorte, que par leurmoyen les idées, qui ont été autrefois sur cette glande, s'y peuvent former derechef longtemps après, sans que la présence desobjets auxquels elles se rapportent y soit requise. Et notez que l'idée de ce mouvement des membres ne consiste qu'en la façon dont ces esprits sortent pour lors de cette glande, etainsi que c'est son idée qui le cause. en sorte que l'idée de ce mouvement se formerait aussi en même temps, au moins si l'attention n'en était point divertie, c'est-à-dire, si la glande H n'était point empêchée de se pencher vers 8, par quelque autre action qui fût plus forte. en sorte que les mouvements de ces membres et leurs idées peuvent être causés réciproquement l'un par l'autre. Et de plus, pour entendre ici par occasion comment, lorsque les deux yeux de cette machine, et les organes de plusieurs autres deses sens, sont tournés vers un même objet, il ne s'en forme pas pour cela plusieurs idées dans son cerveau, mais une seule, il fautpenser que c'est toujours des mêmes points de cette superficie de la glande H que sortent les esprits, qui, tendant vers diverstuyaux peuvent tourner divers membres vers les mêmes objets : Ce qui vous sera facile à croire, si pour entendre aussi en quoi consiste l'idée de la distance des objets, vous pensez que, selonque cette superficie change de situation, les mêmes de ses points se rapportent à des lieux d'autant plus éloignés du centre ducerveau marqué o, que ces points en sont plus proches, et d'autant plus proches qu'ils en sont plus éloignés. Au reste, il faut remarquer que, lorsque la glande H est penchée vers quelque côté, par la seule force des esprits, et sans quel'âme raisonnable, ni les sens extérieurs y contribuent, les idées qui se forment sur sa superficie ne procèdent pas seulement desinégalités, qui se rencontrent entre les petites parties de ces esprits, et qui causent la différence des humeurs, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, mais elles procèdent aussi des impressions de la mémoire. et changeant la disposition de ses pores, elle commence à conduire beaucoup plus grande quantité d'esprits par a, b, c, vers 2, 4,6, qu'elle ne faisait auparavant ce qui rend l'idée que forment ces esprits d'autant plus parfaite. Le second consiste en ce que, pendant que cette glande est retenue ainsi penchée vers quelque côté, cela l'empêche de pouvoir siaisément recevoir les idées des objets qui agissent contre les organes des autres sens : comme ici, par exemple, pendant que tous les esprits, que produit la glande H, sortent des points a, b, c, il n'en sort pas assez dupoint d, pour y former l'idée de l'objet D, dont je suppose que l'action n'est ni si vive, ni si forte, que celle d'ABC. D'où vous voyez comment les idées s'empêchent l'une l'autre, et d'où vient qu'on ne peut être fort attentif à plusieurs choses enmême temps. Si les petits tuyaux de la superficie intérieure du cerveau ne sont point du tout plus ouverts, ni d'autre façon, les uns que les autres,. »

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