Devoir de Philosophie

Le Parti populaire de José Maria Aznar remporte un succès historique

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

12 mars 2000 Plus qu'une victoire, un triomphe, un raz de marée ! Des milliers de personnes ont dansé dans les rues de Madrid, tard dans la nuit du dimanche 12 au lundi 13 mars, et c'est une véritable ovation que les partisans du Parti populaire (PP), massés devant le siège du PP, calle Genova, au centre de la capitale, au milieu d'une forêt de drapeaux espagnols, ont adressé à leur chef, le président du gouvernement, José Maria Aznar, lorsqu'il est apparu, radieux et ému, au balcon, pour prendre acte de sa victoire. Une victoire surprenante, dont personne n'avait prévu l'ampleur, et surtout absolue, puisqu'au Congrès des députés le Parti populaire franchit, haut la main, la barre fatidique de la majorité absolue (176 députés) en s'octroyant 183 sièges, vingt-sept de mieux qu'en 1996, contre seulement 125 pour le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) qui, lui, en perd seize. Le parti nationaliste catalan de Jordi Pujol, Convergència i Unió (CiU), est la troisième force politique avec 15 députés (un de moins qu'il y a quatre ans). Quant à la coalition communiste, Izquierda Unida (IU), en constant déclin et qui se présentait avec une alliance de gouvernement conclue avec les socialistes, elle n'a que 8 députés (treize de moins qu'en 1996). ABSTENTION EN HAUSSE Une victoire écrasante donc, et à bien des égards historique, car pour atteindre pareil score il faut remonter à l'arrivée des socialistes au pouvoir en 1982. C'est la première fois, en tout cas, dans l'histoire de la jeune démocratie espagnole, qu'une formation de centre droit s'impose de façon aussi magistrale. Ce qui peut laisser penser qu'en Espagne, où la transition démocratique s'est faite avec succès au prix d'un oubli collectif de la dictature franquiste, ce qui a laissé longtemps quelques a priori sur la droite espagnole, ses héritiers centristes du PP ont réussi à tourner définitivement la page. Ils ont acquis, dimanche, avec ce semi-plébiscite une nouvelle légitimité, une nouvelle crédibilité. Comment expliquer ce vote ? En outre de la campagne remarquable effectuée par le PP, peut-être par deux chiffres : celui de l'abstention (30,2 %), supérieur de près de 7 % à celui des législatives de 1996, et par le chiffre de 2,4 millions de jeunes qui votaient pour la première fois. Dans les deux cas, il semble que la gauche ait été pénalisée. Pourquoi ? D'abord, parce que l'accord et le "programme commun " entre socialistes et communistes, signé à peine quelques jours avant le scrutin, avait quelque chose de trop électoral et précipité aux yeux de nombreux militants, notamment ceux de IU, dont certains ne voulaient pas favoriser une victoire du PSOE qui aurait constitué une véritable OPA sur leur parti. De l'autre côté, il semble qu'une frange de socialistes plus centristes aient préféré rester chez eux, par répugnance d'un accord avec les communistes. Enfin, les jeunes électeurs, étrangers somme toute aux grands débats idéologiques de ces dernières années, ont voté, comme la majorité de l'Espagne, par pragmatisme, pour maintenir la stabilité. Ils ont couronné plus la gestion et les bons résultats économiques de M. Aznar qu'un message, une vision politique ou un candidat charismatique. D'autant que, sur ce dernier aspect, M. Aznar ayant refusé de façon assez peu fair play de débattre à la télévision face à son opposant socialiste, l'Espagne n'a pas pu juger. La première conclusion, c'est le candidat socialiste, Joaquin Almunia ( Le Monde du 10 mars), qui l'a tirée, en annonçant dès dimanche soir sa "démission irrévocable" du poste de secrétaire général du PSOE. M. Almunia, qui avait été presque contraint d'assumer ce rôle par la direction du parti, avait tenté une alliance à gauche pour gagner un peu d'espace électoral, sachant qu'au centre de l'échiquier, la ligne de démarcation avec le PP était désormais fixée. Il a échoué, avec pour seule consolation les élections autonomes andalouses où les socialistes se maintiennent au gouvernement, le PSOE a obtenu son pire résultat depuis 1979. Avec beaucoup de tenue, Joaquin Almunia en assume les conséquences et s'en va. Mais la crise est désormais ouverte au sein du Parti socialiste. Depuis la démission surprise de son ex-président, Felipe Gonzalez, en 1997, dont M. Almunia était le dauphin, le PSOE n'a pas réussi à se renouveler. L'image d'un parti divisé, dont la fin de mandat au gouvernement avait été entachée de scandales, a sans doute pesé lourdement aussi, en dépit de la décence de son candidat. C'est d'ailleurs sur ce point que Joaquin Almunia a insisté en présentant sa démission : "Le parti doit absolument se régénérer." Et il est probable qu'à courte échéance, un congrès extraordinaire soit convoqué. Pour Izquierda Unida, en chute libre désormais, l'heure des comptes a également sonné, même si son candidat, Francisco Frutos, a plus ou moins stoppé une décadence annoncée. Il y a quelques mois les pronostics ne donnaient à la formation communiste aucun député. DÉCEPTION EN CATALOGNE L'autre aspect intéressant de ces élections, c'est, dans l'ensemble, le bon score des partis nationalistes et régionalistes. Au Pays basque, le Parti nationaliste basque (PNV), modéré, qui dirige le gouvernement régional, remporte sept sièges, deux de plus qu'en 1996, malgré les attaques dont il a été l'objet de la part du parti de M. Aznar pour avoir pactisé avec les nationalistes radicaux. Les électeurs ne se sont pas non plus laissé intimider par les mots d'ordre d'abstention lancés par Herri Batasuna et Euskal Herritarrok, vitrine politique de l'ETA. Les nationalistes catalans de CiU perdent de leur côté un député, mais deviennent le troisième groupe au Parlement avec 15 sièges. La Coalition canarienne garde ses 4 sièges et le Bloc nationaliste galicien en gagne 3, soit un de plus. Les deux petits partis andalou et aragonais auront pour la première fois un député à Madrid. Pourtant, la déception régnait, dimanche, à Barcelone et aux Canaries, chez les anciens alliés du gouvernement central : M. Aznar, cette fois, n'aura pas besoin du vote nationaliste pour faire l'appoint. Pour Jordi Pujol (CiU), jusqu'ici le "faiseur de rois" à Madrid, et qui avait sans complexe publié une liste de revendications (déjà chiffrées) pour former une nouvelle majorité, les temps vont changer. Et certains analystes n'excluent pas un rapprochement au Congrès de toutes les formations nationalistes, en dépit de leurs divergences de sensibilité. Reste une grande inconnue : que va faire le Parti populaire, à présent qu'il a les mains entièrement libres, dans ses rapports avec les différentes autonomies qui composent l'Espagne, pour relancer une initiative de paix au Pays basque, ou encore pour régler les problèmes sociaux en suspens ? M. Aznar, du haut du balcon de la victoire, s'est voulu rassurant, parlant de gouverner "pour tous les Espagnols" et insistant sur "dialogue et concertation". Seule certitude : le nouveau gouvernement, avec sa majorité absolue, n'aura aucune excuse pour ne pas tenir ses promesses, et notamment celles qu'il a faites en matière de retraites et de réduction d'impôt. MARIE-CLAUDE DECAMPS Le Monde du 14 mars 2000

Liens utiles