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Le Timor-Oriental a voté massivement en faveur de l'indépendance

Publié le 17/01/2022

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30 août 1999 L'armée et la police indonésiennes quadrillent la capitale du territoire alors que les milices anti-indépendantistes continuent de faire régner la terreur dans l'île, où la mission des Nations unies a dû faire évacuer, samedi, son personnel de deux villes Le point de non-retour a donc été atteint au Timor-Oriental. Près des quatre cinquièmes des électeurs (78,5 %) ont rejeté une offre d'autonomie au sein de la République indonésienne, selon les résultats annoncés, vendredi 3 septembre à New York, par le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan. Les Timorais de l'Est se sont prononcés lors de la consultation du 30 août pour l'indépendance de l'ancienne colonie portugaise. La parenthèse ouverte en 1975, lorsque l'armée indonésienne a envahi ce territoire, se referme. L'indépendance sera proclamée dès la fin de l'année ou, au plus tard, au début de l'an 2000. Mais il reste à rétablir le calme dans un pays dont les populations ont été terrorisées, en particulier ces derniers jours, par des miliciens pro-indonésiens qui ont réagi très négativement à la participation massive (près de 90 %). Au moment même où Kofi Annan déclarait à New York avoir reçu des "assurances" de la part des "autorités indonésiennes" en ce qui concerne le maintien de l'ordre au Timor- Oriental, des soldats et des policiers quadrillaient, samedi 4 septembre, Dili, la capitale du territoire. A l'exception de rares groupes de jeunes, dont certains armés, qui ont dansé dès l'annonce du résultat, la réaction a été muette, avec, parfois, l'ordre de ne pas manifester de joie pour ne pas provoquer des miliciens qui se seraient regroupés aux portes de la capitale. Des tirs d'armes automatiques ont été entendus la nuit précédente. Les rues étaient donc, samedi, pratiquement désertes. Des centaines de ressortissants indonésiens ont commencé à chercher protection dans des commissariats de police ou à envahir l'aéroport de Dili dans l'espoir d'être évacués. Parmi eux figurait un Timorais de l'Est, Eurico Guterres, chef de la milice Aitarak, qui a terrorisé Dili pendant des semaines et qui a affirmé faire un saut à Djakarta. La veille, deux bataillons indonésiens, soit 1 400 hommes, avaient été envoyés en renfort à la demande de l'ONU. "Ils ne respectent rien" Les forces indonésiennes, qui ont la responsabilité du territoire, comptent désormais plus de vingt mille hommes sur place. Le rétablissement de l'ordre dépend donc de la bonne volonté de Djakarta. A plusieurs reprises, le gouvernement indonésien a déclaré qu'il faisait de son mieux. Il est vrai que le jour du scrutin, le 30 août, le calme a prévalu, que les violences n'ont repris que le lendemain. La situation demeure depuis très tendue et la peur prédomine. Deux cents habitations et bâtiments auraient été incendiés à Maliana, chef-lieu de district évacué vendredi par l'ONU. "Ils brûlent tout, ils ne respectent rien, ils sont incontrôlés, ils sont fous", a jugé, à propos des milices, un employé de l'ONU. "La police ne fait rien pour arrêter la violence", a ajouté un autre employé de l'ONU. Depuis le scrutin du 30 août, quatre employés timorais de l'ONU ont été tués et six autres sont portés disparus. Plusieurs dizaines de civils auraient été tués. Des bourgs, comme ceux de Liquica et d'Ermera, non loin de Dili, sont aux mains de miliciens. Des barrages routiers tenus par des miliciens armés de machettes ou de fusils artisanaux ont sérieusement perturbé le ravitaillement, notamment à Dili. Mary Robinson, haut-commissaire de l'ONU pour les droits de l'homme, a jugé vendredi la situation "profondément préoccupante". De son côté, le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés a estimé à cinquante-cinq mille le nombre de personnes déplacées, dont trente mille auraient trouvé refuge à Dili. La situation dans la capitale, a jugé vendredi le porte- parole du HCR, est "calme" mais "tendue ", alors que l'accès au reste du territoire est "pratiquement impossible". Les milices vont-elles réagir brutalement à l'ultime échec que représente, pour elles, le résultat du référendum ? Le cas échéant, l'armée indonésienne choisira-t-elle de se mettre en travers ? Pour les chefs des milices, les résultats tuent l'espoir, même si le vote réduit en faveur de l'intégration à l'Indonésie (21 %) n'est pas négligeable. Avant même la publication des résultats, Basilio Araujo, porte-parole des milices, avait qualifié le scrutin d' "ordure". A l'étranger, Washington s'est félicité de la naissance d'une "nouvelle nation", et le premier ministre portugais, Antonio Gutteres, a salué une "nouvelle légitimité démocratique". Le président indonésien B. J. Habibie a aussitôt déclaré à la télévision que son gouvernement "respecte et accepte" les résultats du référendum. En revanche, le leader indépendantiste Xanana Gusmao a réclamé l'envoi d'une force de l'ONU afin d' "éviter un second génocide". Il a prédit que des forces indonésiennes "vont contraindre des Timorais de l'Est à tuer leurs frères". Pressions continues Les pressions sur le gouvernement indonésien pour qu'il rétablisse l'ordre au Timor- Oriental sont continues. Le Conseil de sécurité de l'ONU a demandé à Djakarta de "prendre des mesures pour prévenir toute violence supplémentaire" et s'est engagé à accueillir avec "sympathie" toute proposition pour assurer une transition pacifique. Le secrétaire général de l'Organisation internationale a mis au moins provisoirement un terme au débat sur une intervention anticipée de bérets bleus. "Il n'y aura pas de présence de l'ONU sans l'autorisation des autorités indonésiennes ", a-t-il dit. Les bérets bleus se rendront au Timor-Oriental, comme prévu, lors de la "phase trois" de l'accord du 5 mai, soit après la ratification en novembre du scrutin par le Parlement de Djakarta. Un doublement des effectifs de l'ONU sur le territoire est envisagé au cours de la "phase deux", ouverte avec le référendum du 30 août. Tout le monde a souligné le "courage" manifesté par les Timorais de l'Est, qui ont surmonté leur peur et les menaces en participant massivement au scrutin. Le sentiment général est qu'ils méritent leur indépendance après quatre siècles de colonisation portugaise et un quart de siècle de domination indonésienne. Mais, en dépit du succès d'une opération de l'ONU menée dans des conditions très difficiles, le chemin de l'indépendance demeure semé d'embûches. JEAN-CLAUDE POMONTI Le Monde du 6 septembre 1999

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