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Les Grandes Chroniques de France (extrait)

Publié le 13/04/2013

Extrait du document

Avec pour rédacteur princeps le clerc du XIIIe siècle Primat, les Grandes chroniques de France présentent, en langue française, une histoire des rois de France dans un souci de légitimer le pouvoir royal. Le prologue, posant les bases de ce travail, s'adresse directement au lecteur qui est invité à l'indulgence envers le style, en même temps que lui sont présentés des modèles à valeur pédagogique. Afin de légitimer le fondement du pouvoir royal, une généalogie des monarques remontant à de mythiques origines troyennes est établie et justifiée par des sources de nature religieuse.

Prologue des Grandes Chroniques de France par Primat

 

Et ci commence le prologue.

 

 

Celui qui cette œuvre commence, à tous ceux qui cette histoire liront, salut notre Seigneur ! Parce que plusieurs gens doutaient de la généalogie des rois de France, de quel original et de quelle lignée ils sont descendus, entreprise fut cette œuvre, par le commandement de tel homme qu’il ne put ni ne dut refuser. Mais pour ce que sa lettre et la simplicité de son engin ne souffrit pas à traiter d’œuvre de si haute histoire, il prie au commencement à tous ceux qui ce livre liront, que ce qu’ils y trouveront à blâmer, ils le souffrent patiemment sans vilaine répréhension. Car si comme il a dit devant, les défauts de lettre et l’éloquence qui en lui sont et la simplicité de son engin le doivent excuser par raison.

 

 

Tous sachiez qu’il traitera le plus brièvement qu’il pourra : car longue parole et confuse plait peu à ceux qui l’écoutent ; mais la parole brève et bien dite plait aux entendants. Et sera cette histoire décrite selon la lettre et l’ordonnance des Chroniques de l’abbaye de Saint-Denis en France, où les histoires et les faits de tous les rois sont écrits : car là doit-on prendre et puiser l’original de l’histoire1. Et s’il peut trouver dans les chroniques d’autres églises chose qui vaille à la besogne, il y pourra bien ajouter, selon la pure vérité de la lettre, sans rien hôter si ce n’est chose qui fait confusion, et sans rien ajouter d’autre manière, si ce ne sont choses qui ont un intérêt. Et pour qu’on ne le tienne pour mensongé, il prie à tous ceux qui cette histoire liront qu’ils regardent les Chroniques de Saint-Denis ; là pourra-t-on prouver par la lettre s’il dit voir ou s’il ment. Et peut bien chacun savoir que cette œuvre est profitable pour faire connaître aux vaillantes personnes la geste des rois, et pour montrer à tous d’où vient la hauteur du monde. C’est exemple de bonne vie à mener, et même pour les rois et princes qui ont des terres à gouverner : car un vaillant maître2 dit que cette histoire est le miroir de la vie. Ici pourra chacun trouver bien et mal, sens et folie, et [apprendre] tout par les exemples de l’histoire ; et de toutes les choses qu’on lira en ce livre, si elles ne profitent toutes, la plus grande partie peut aider. Bien sachent qu’il n’y a rien ajouté, ainsi est ce que les anciens auteurs traitèrent et compilèrent des histoires selon les faits des rois […]. Pour ce, prie à tous ceux qui ce livre liront, qu’ils ne tiennent pour présomptueux celui qui a cette œuvre entreprise ; il est de petite affaire.

 

 

1 Comme on le voit d’après cette phrase, les livres que les anciens auteurs appellent les Chroniques de Saint-Denis étaient les textes originaux, et non pas les traductions […] qui seules ont conservé ce nom. 2 Vincent de Beauvais.

 

 

Source : Grandes Chroniques de France selon que elles sont composées en l’Église de Saint-Denis en France, éd. de 1836.

 

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