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Les résistants du 11 novembre

Publié le 22/02/2012

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11 novembre 1940 - Le 11 novembre 1940, dans l'une des cours du lycée Henri-IV, pendant la récréation du matin, un garçon me prit la main droite, y mit quelque chose, me dit " fait passer " et s'éloigna. J'avais dans la main un paquet de tracts, de la taille des bulletins de vote, imprimés noir sur blanc. Ils convoquaient à une manifestation de lycéens à l'Etoile, le soir même, à 18 heures. Nous avions décidé de ne pas former de groupes avant l'Etoile. Je remontai l'avenue des Champs-Elysées. Cent mètres plus haut, une bande d'une vingtaine de lycéens, des garçons surtout, mais aussi de filles, se formait. L'avenue semblait immense, le soir tombait, il y avait très peu d'autos, très peu de monde sur le trottoir, nous avions besoin de crier, pour exister un peu plus, on n'avait pas de slogan à rythmer, on se mit à crier " Vive de Gaulle ", parce qu'alors il n'y avait que lui, et puis " vive la France ", et " Vive la liberté ", mais ça ne faisait pas un concert. On se mit à crier plus fort, ça faisait déjà plus de bruit : il y en avait d'autres derrière nous. Aussitôt arrivés sur la place de l'Etoile, où nous nous mîmes à tourner dans le sens contraire à celui des aiguilles d'une montre, une quantité de lycéennes, de lycéens, débouchèrent de toutes les avenues. Des milliers. La place fut bientôt pleine. Je dits " lycéens " parce que toutes et tous ne me semblaient pas plus vieux que moi. Toujours pas de slogans, mais le défilé chauffait, les voix à présent faisaient un cri continu, on chantait la Marseillaise, le Chant du départ, les " Vive de Gaulle! " s'élevaient en coups de rafales énormes. On respirait enfin, dans notre Paris vaincu et sans voix, notre acte de rébellion contre l'ennemi occupant nous donnait certes du tonus mais ne nous montait pas à la tête, il y avait en nous une gratuité, une jeunesse nous avions oublié l'avant et l'après, lorsque presque d'un coup les chants se brisèrent. La ronde cessa aussi. J'étais à cet instant dans l'axe des Champs-Elysées. Je vis, assez loin, les capotes vertes et les casques allemands. Mon sentiment fut la surprise. Ils m'étaient sortis de la tête. Je descendis cinquante mètres. Nous étions peu nombreux. Il y avait, devant nous, là-bas, des camions et des véhicules blindés barrant tout le front de l'avenue. Des mitrailleuses en batterie; Des soldats avec des fusils. Nous restions là, immobiles, les observant. Je me retournai en entendant derrière moi une rafale de mitrailleuse. La place était vide, sauf des casques. MICHEL COURNOT Le Monde du 11 novembre 1979

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