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L'euro suscite une défiance grandissante sur les marchés

Publié le 17/01/2022

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25 Mai 2000 Des rumeurs d'intervention de plusieurs banques centrales européennes - qui se sont refusé à tout commentaire - ont permis à l'euro de légèrement et brièvement se redresser, jeudi matin 4 mai. En début de séance, la monnaie européenne était tombée à de de nouveaux planchers historiques face au billet vert (0,8859 dollar) et à la livre sterling (0,5684 livre). C'est une nouvelle journée noire qu'avait vécue l'euro, mercredi 3 mai, sur le marché international des changes. Mais c'est face au franc suisse que le plongeon de la monnaie européenne avait été le plus spectaculaire : il était passé de 1,56 à 1,54 franc suisse. Pour expliquer ce mouvement, certains analystes émettaient l'hypothèse selon laquelle les Allemands, lassés de la faiblesse de l'euro, commenceraient à transférer une partie de leur épargne en Suisse. Depuis son lancement, la monnaie européenne s'inscrit désormais en baisse de près de 25 % face au billet vert. Exprimé en devise nationale, celui-ci vaut 7,35 francs, un niveau qu'il n'avait plus atteint depuis 1986. Le président de la Bundesbank, Ernst Welteke, avait pourtant affirmé, à la veille du week-end, qu'un euro en-dessous de 0,90 dollar était "presque inimaginable". SILENCE DES AUTORITÉS Propos qualifiés d'imprudents et maladroits par de nombreux observateurs, pour qui la simple évocation de ce seuil a suffi pour inciter les cambistes à tenter de le franchir. Ils y sont parvenus sans difficulté aucune. Contrairement à ce que certains anticipaient, la Banque centrale européenne (BCE) n'a pas choisi d'intervenir à ce niveau symbolique, une inaction qui a décidé les opérateurs à vendre davantage d'euros. "Le déclin n'est pas dû à de mauvaises nouvelles économiques en provenance de la zone euro, a reconnu Henri Willmore, économiste, à New York, de Barclays Capital, interrogé par l'AFP. Mais on a le sentiment que la Banque centrale européenne (BCE) et les responsables politiques ne sont pas terriblement préoccupés par la faiblesse de l'euro, ce qui facilite sa chute car personne ne craint qu'ils interviennent agressivement pour l'empêche." Seul le vice-président de la BCE, Christian Noyer, a rompu, mercredi, le silence observé par les autorités monétaires et tenté de s'opposer à cette chute. "Le potentiel d'appréciation de l'euro va se matérialiser. Nous voulons un euro fort et nous faisons tout pour que cela se fasse", a-t-il déclaré, sans réussir à convaincre les cambistes. "Investisseurs et spéculateurs n'écoutent plus rien concernant l'euro, résume Neil Parker, économiste à la Royal Bank of Scotland à Londres . Les gens ne sont tout simplement plus du tout intéressés par cette monnaie. " FRAGILITÉ INSTITUTIONNELLE Cette crise de défiance à l'égard de l'euro a été aggravée, mercredi, par les réserves émises par la BCE sur le respect, par la Grèce, des critères d'entrée dans l'Union monétaire. "Sans négliger les efforts et les progrès substantiels accomplis en direction d'une amélioration de la situation budgétaire actuelle, la Grèce doit continuer à se préoccuper de son taux de dette rapporté au produit intérieur brut ", a souligné la banque centrale, qui a mis en avant "les futurs risques à la hausse" pesant sur la stabilité des prix en Grèce. Aux yeux des opérateurs, les critiques de la BCE, alors que la Commission a recommandé l'adhésion de la Grèce à l'euro le 1er janvier 2001, risquent d'accroître l'inquiétude croissante de l'opinion publique allemande vis-à-vis de la jeune monnaie. Elles ont aussi confirmé la fragilité institutionnelle de l'Union monétaire. Les propos du ministre français de l'économie et des finances, Laurent Fabius, ont été interprétés, sur les marchés, de la même manière. Dans un entretien accordé au Nouvel Observateur, il a estimé que "l'unité politique de l'euro-11 n'est pas encore assez solide. Cela pèse sur l'euro". Privé de soutien interne, l'euro a également été affecté, mercredi, par le jugement sévère du secrétaire américain au Trésor, Lawrence Summers, à l'égard des pays européens. Il a estimé mercredi que la meilleure façon de faire remonter l'euro était, pour les onze pays européens ayant adopté la monnaie unique, de stimuler leur croissance pour l'amener à un rythme plus proche de celle des Etats-Unis. "Notre approche s'est toujours concentrée sur les paramètres économiques fondamentaux, et nous pensons qu'à long terme c'est ce qui fait le plus la différence", a-t-il déclaré. PIERRE-ANTOINE DELHOMMAIS Le Monde du 5 mai 2000

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