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L'héritier Mohammed VI : une énigme

Publié le 17/01/2022

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23 juillet 1999 Avant de succéder à son père, Mohammed V, dans des circonstances dramatiques (il est décédé des suites d'une intervention chirurgicale banale), le futur Hassan II avait été largement associé au pouvoir. Devenu roi, il ne faisait qu'élargir son champ de compétences. On ne saurait en dire autant du fils aîné de Hassan II, le prince héritier Sidi Mohammed. A trente-six ans, celui qui a été intronisé monarque, vendredi 23 juillet, Mohammed VI, n'a jamais eu l'occasion de gérer un dossier suffisamment important pour laisser deviner sa personnalité profonde. Ses apparitions officielles ont été protocolaires et ses déclarations marquées du sceau de la langue de bois. Dans ces conditions, les hypothèses les plus contradictoires fleurissent sur le compte de ce gaillard corpulent, gros fumeur et amateur de culturisme. Ces dernières années, les conseillers de son père se sont efforcés de "vendre" l'image d'un prince héritier démocrate dans l'âme, généreux et simple. Une sorte de Juan Carlos à la marocaine. Malheureusement, pour étayer l'hypothèse à laquelle s'accroche l'opposition, les faits sont rares. Un discours vaguement progressiste prononcé en petit comité (mais son contenu avait été visé au préalable par le palais) ; quelques gestes pour refuser une étiquette trop pesante au dernier festival culturel de Fès ; une présence ostentatoire aux "Restos du coeur", version marocaine, l'hiver 1999 ; des relations on ne peut plus fraîches avec Driss Basri, l'homme de confiance du roi défunt... Au total, rien de vérifiable ni de convaincant. Le prince n'a quasiment jamais accordé d'entretiens et ses proches se taisent. A l'opposé, certains autres brossent de Mohammed VI un portrait au vitriol. Celui d'un jeune homme imbu de lui-même, assoiffé de pouvoir et aussi peu démocrate que son père. Mais, une fois encore, aucune preuve ne vient appuyer le jugement. Les seuls éléments fiables concernent l'éducation du prince. Elevé par une nurse française - d'une sévérité extrême, selon certains -, le jeune Sidi Mohammed a suivi ensuite la voie royale classique : études primaires et secondaires au palais, en compagnie de quelques Marocains de son âge triés sur le volet, études supérieures à Rabat, qu'un doctorat en droit obtenu à l'université de Nice-Sophia Antipolis viendra clore. Formé à l'étranger Hassan II enverra ensuite son fils se former à l'étranger. Ce sera d'abord la Commission européenne de Bruxelles, où Sidi Mohammed, chaperonné par Jacques Delors, s'initie aux arcanes de la Commission. "Il était très discret. A la limite de la timidité", raconte un haut fonctionnaire bruxellois. Le prince et ses amis avaient loué une villa dans la banlieue chic de Bruxelles. Ils fréquentaient une brasserie à la mode. Cap ensuite sur les Nations unies, où Sidi Mohammed effectue un nouveau stage consacré aux relations internationales, avant de retourner au Maroc. Là-bas, nombre de membres de la bourgeoisie locale se vantent d'avoir vu le prince dans telle boîte de nuit, en compagnie de son frère cadet, le prince Moulay Rachid, où faire du scooter des mers... Rien n'est impossible ; rien n'est avéré. Le nouveau roi est une énigme. En 1995, Hassan II avait déclaré : "Il n'est pas moi et je ne suis pas lui. Il suffit dans ce domaine que je lui inculque deux choses importantes : être patriote jusqu'au sacrifice suprême et tenir le coup, quoi qu'il arrive. " "Patriote, cela veut dire honnête, droit, franc, ouvert à tout le monde sans exclusive et extrêmement hospitalier pour toutes les idées qui peuvent venir." JEAN PIERRE TUQUOI Le Monde du 26 juillet 1999

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