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L'ONU se mobilise contre le sida 25 juin 2001

Publié le 17/01/2022

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En accueillant sa première session extraordinaire consacrée au sida, l'Assemblée générale de l'ONU reconnaît, vingt ans après son apparition, la pandémie comme une véritable "urgence mondiale". Si, faute de la présence des délégations occidentales au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement, cette réunion ne signale pas encore l'engagement politique au plus haut niveau souhaité par ses promoteurs, elle servira néanmoins à élaborer un début de réponse internationale intégrée et à affirmer que la maladie n'est plus une question de santé publique mais bien une crise du développement et une menace pour la paix et la sécurité qui remet en question d'ores et déjà le fondement de beaucoup de sociétés. La session spéciale doit adopter une déclaration qui, à en croire des diplomates, comprend "tous les éléments d'une stratégie globale". Cependant, ce texte, qui, à quelques heures de la conférence, n'avait toujours pas recueilli un consensus, sera sans doute éclipsé par l'endossement, par la communauté internationale, du Fonds mondial pour la santé créé par le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, qui, espère-t-on à l'ONU, devrait recueillir de 7 à 10 milliards de dollars par an. Avant même d'être officiellement établi, ce Fonds suscite beaucoup d'intérêt, notamment dans le secteur privé. A ce jour, quelque 530 millions de dollars ont été promis au Fonds. La Fondation Bill Gates a annoncé un don de 100 millions de dollars, la compagnie d'assurances suisse Winterthur de 1 million de dollars et Coca-Cola va mettre sa "force de frappe" dans les pays africains au service du Fonds. Quant aux gouvernements, pour l'instant seuls les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne ont annoncé leurs contributions, respectivement de 200 millions, 127 millions et 100 millions de dollars. Le Japon et l'Italie annonceront les leurs lors du sommet du G8, fin juillet à Gênes. PHRASES CONTESTÉES La vice-secrétaire générale, Louise Frechette, applaudit la décision de certaines grandes sociétés comme Daimler-Chrysler en Europe et De Beers en Afrique du Sud de soigner leurs employés. Mais d'autres en sont inquiets. Un diplomate craint que cette décision, "si elle reste isolée et pas intégrée dans des politiques nationales d'accès aux soins pour tous, employés de grande firmes ou pas, ne contribue à l'aggravation des inégalités face aux traitements". Une autre question est la décision de certains grands pays de ne pas accorder à l'ONU un rôle central dans la gestion du Fonds global. Le consensus semble émerger autour d'un Fonds "non onusien", piloté par un conseil d'administration auquel siégeront des représentants des pays, Nord et Sud, de l'ONU, des ONG et du secteur privé. Les décisions seront soumises à un groupe expert technique qui filtrera les propositions en fonction de critères reconnus scientifiquement. Reste à affiner ce à quoi servirait ce Fonds. Le Chilien Christian Maquieira admet les réticences de certains pays dans sa propre région : "Il est vrai que, sans contester l'expertise de l'ONU, certains pays se demandent si le Fonds ne risque pas d'être l'otage des exigences de certains qui, dans le cadre de l'ONU, pourront bloquer l'argent pour des projets qui ne leur plaisent pas." M. Maquieira sait de quoi il parle. C'est lui qui, au nom du Groupe de Rio, est chargé de la rédaction de la déclaration finale, où certains mots ou phrases continuent de bloquer le consensus. "Au bout de plusieurs semaines de négociations, explique- t-il, j'ai l'impression que le mot «sexe» pose un problème en soi! Or comment parler du sida sans mentionner le mot «sexe»?" Des phrases encore contestées tournent autour de trois sujets : "Les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes" pose un véritable problème pour l'ensemble des pays islamiques, tout comme la prostitution et les toxicomanes et "leurs partenaires sexuels". Ailleurs, comme au Chili, le mot "préservatif" est tabou - ce qui en soi, note un diplomate occidental, "signifie le début de la fin de toute campagne d'information sur la prévention du sida". Mis à part le secrétaire général Kofi Annan, qui a fait de la lutte contre le sida une "priorité personnelle absolue" - contribuant à titre personnel pour 100 000 dollars à la campagne -, ce défi a d'ores et déjà d'autres partisans puissants, comme l'ancien l'ambassadeur américain à l'ONU Richard Holbrooke. LE R'LE DU SECTEUR PRIVÉ C'est sur son initiative que le Conseil de sécurité de l'ONU a tenu, en janvier 2000, la première réunion - présidée par Al Gore, alors vice-président américain - reconnaissant le VIH comme "une menace pour la paix et la stabilité internationale". Poursuivant la même idée, dans son nouveau rapport sur le sida, l'International Crisis Group souligne que le virus peut "détruire des armées entières dans certains pays en Afrique". Ayant quitté le département d'Etat, M. Holbrooke n'a pas abandonné la cause. Nommé président du Conseil mondial des entreprises (Global Business Council), il entend "persuader" les sociétés multinationales de se joindre à la lutte. Dans un entretien au Monde, M. Holbrooke souligne l'importance du rôle du secteur privé : "Le monde du business peut jouer un rôle inestimable dans cette lutte. Mon rôle sera de les encourager à le faire et je le ferai avec énergie car je suis convaincu que de tous les problèmes majeurs dans le monde - guerres, famines, conflits raciaux, terrorisme et armes nucléaires -, le plus sérieux est désormais le sida." Il se dit par ailleurs "déçu" de la décision du président George Bush de ne pas participer à la session spéciale de l'ONU. AFSANE BASSIR POUR Le Monde du 26 juin 2001

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