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Louis XIV peint par lui-même.

Publié le 22/02/2012

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louis xiv

« Je m'imposois pour loi de travailler régulièrement deux fois par jour et deux ou trois heures chaque fois avec diverses personnes, sans compter les heures que je passois seul en particulier, ni le temps que je pouvois donner aux affaires extraordinaires s'il en survenait ; n'y ayant pas un moment où il ne fût permis de m'en parler, pour peu qu'elles fussent pressées ; à la réserve des ministres étrangers qui trouvent quelquefois dans la familiarité qu'on leur permet de trop favorables conjonctures soit pour obtenir, soit pour pénétrer, et que l'on ne doit guère écouter sans y être préparé.

Je ne puis vous dire quel fruit je recueillis aussitôt après cette résolution. Je me sentis comme élever l'esprit et le courage, je me trouvois tout autre, je découvris en moi ce qui n'y était pas et je me reprochois avec joie de l'avoir si longtemps ignoré. Cette première timidité, que le jugement donne toujours et qui me faisoit peine surtout quand il falloit parler un peu longtems et en public, se dissipa en moins de rien. Il me sembla alors que j'étois roi et né pour l'être. J'éprouvai enfin une douceur difficile à exprimer et que vous ne connaîtrez point vous-même qu'en la goûtant comme moi. La fonction des rois consiste principalement à laisser agir le bon sens qui agit toujours naturellement, sans peine. Ce qui nous occupe est quelquefois moins difficile que ce qui nous amuseroit seulement. L'utilité suit toujours un roi ; quelque éclairés et quelque habiles que soient ses ministres, il ne porte point lui-même la main à l'ouvrage sans qu'il y paroisse.

Tout ce qui est le plus nécessaire à ce travail est en même temps agréable, car c'est, en un mot, mon fils, avoir les yeux ouverts sur toute la terre, apprendre incessamment les nouvelles de toutes les provinces et de toutes les nations, le secret de toutes les cours, l'humeur et le foible de tous les princes et de tous les ministres étrangers ; être informé d'un nombre infini de choses qu'on croit que nous ignorons ; voir autour de nous-même ce qu'on nous cache avec le plus de soin ; découvrir les vues les plus éloignées de nos propres courtisans, leurs intérêts les plus obscurs, qui viennent à nous par des intérêts contraires ; et je ne sais enfin quel autre plaisir nous ne quitterions pas pour celui-là, si la seule curiosité nous le donnoit. « (Œuvres de Louis XIV.)

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