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Mme Sukarnoputri, plus qu'une héritière

Publié le 17/01/2022

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1er juin 2001 Megawati Sukarnoputri est adulée, et le phénomène dépasse largement les îles de Java et de Bali, où elle a ses racines. En juin 1999, lors des premières élections libres depuis quatre décennies, son mouvement, le Parti démocrate indonésien de lutte (PDI-P), a remporté le tiers des suffrages et devancé largement le Golkar, une formation s'appuyant pourtant sur l'administration encore en place et qui a été, pendant un quart de siècle, le relais politique de l'autocratique Suharto. Se voyant alors présidente, Mme Sukarnoputri avait été très déçue, quatre mois plus tard, quand un collège électoral présidentiel lui avait préféré Abdurrahman Wahid. Elle avait dû se contenter de la vice-présidence dans un duo qui n'a pas fonctionné. Echaudée, elle est depuis restée sur ses gardes, ne voulant pas être tenue pour responsable d'une gestion sur laquelle elle n'a aucune prise. Tout indique aujourd'hui qu'elle devrait succéder à son vieil allié. La fille aînée de feu Sukarno n'a pas toujours eu la vie facile. Après une enfance dans les palais présidentiels, son univers s'est défait quand l'armée s'est retournée contre son père en 1965. Elle avait alors dix-huit ans. Son premier mari, un pilote de l'armée de l'air, s'est tué dans un accident d'avion en 1970 après lui avoir donné deux enfants. Sa deuxième union, avec un diplomate égyptien, a été annulée sur-le-champ. En 1973, elle a épousé Taufik Kiemas, son mari actuel, homme d'affaires de Sumatra, dont elle a eu un troisième enfant. Elue député en 1987, Megawati Sukarnoputri ne s'engage vraiment en politique qu'en 1993, quand le Parti démocrate indonésien (PDI), l'une des trois formations autorisées par Suharto, la porte à sa présidence. Suharto la chasse de la direction du PDI et fait prendre d'assaut, le 27 juillet 1996, le siège de ce parti à Djakarta au prix de cinq morts et de vingt-trois disparus. Mme Sukarnoputri devient ainsi le symbole de la résistance à un autocrate vieillissant. Légaliste, s'opposant à toute violence, elle attend son heure. En janvier 1998, cinq mois avant le limogeage de Suharto, elle condamne le régime et le pillage des ressources du pays par la famille régnante. Au côté de M. Wahid, un ami d'enfance, elle trouve de moins en moins ses marques. Découragée par le comportement erratique du président, elle se réfugie dans un silence désapprobateur. Dans la cacophonie ambiante, ce silence tranche favorablement : ceux qui la connaissent ne doutent pas de la fermeté, de la patience et de la capacité à s'organiser d'une femme de principes, dont la défense de l'unité indonésienne - héritage paternel - arrive au premier rang. Face à la paralysie croissante des institutions et du gouvernement, Mme Sukarnoputri est contrainte d'organiser la suite sans attendre, s'il le faut, la fin en 2004 du mandat de M. Wahid. Mais elle ne veut ni créer un précédent ni affaiblir l'institution présidentielle, à un moment où l'Histoire semble la rattraper et où l'héritière a l'intention d'imposer sa marque.

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