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Mohamed Atta, pièce maîtresse d'un réseau de terroristes bien tranquilles

Publié le 17/01/2022

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11 septembre 2001 L'UN a habité un moment à trois rues du quartier général de la CIA, près de Washington. Un autre avait choisi comme sujet de thèse universitaire, en Allemagne, le renouveau urbain. Un autre encore, respectable père de famille, avait organisé une fête d'adieu, début septembre, pour les enfants du voisinage en Floride avant d'évacuer sa famille. Et un autre avait demandé à l'homme qui l'hébergeait de l'aider à rédiger une petite annonce pour trouver une fiancée mexicaine. De la masse de détails posthumes déjà réunis par les enquêteurs et les médias sur les dix-neuf pirates de l'air morts le 11 septembre après avoir provoqué la mort de plus de cinq mille Américains émerge une image surréaliste, celle d'un complot préparé depuis des mois, voire des années, avec des gens envoyés aux Etats-Unis vivre des vies d'Américains bien tranquilles. Parmi les dix-neuf kamikazes, tous d'origine arabe et âgés pour la plupart de vingt à trente-cinq ans, un homme se détache, Mohamed Atta, qui semble avoir eu un rôle de leader. Né il y a trente-trois ans soit en Egypte soit dans les Emirats, il était aux commandes de l'appareil assurant le vol American Airlines 11, le premier à s'être encastré dans le World Trade Center et le vol sur lequel, pour des raisons encore inexpliquées, les terroristes avaient concentré leurs plus gros effectifs : cinq hommes à bord, dont quatre pilotes, alors qu'ils étaient quatre, dont un pilote, dans chaque autre appareil. Globe- trotter, Mohamed Atta était le plus mobile. On retrouve sa trace non seulement à Hambourg mais aussi à Zurich où cet été, il avait acheté deux couteaux suisses, et en Espagne : selon le quotidien La Vanguardia, Mohamed Atta, venant d'un pays d'Afrique du Nord, avait en juillet fait un petit séjour dans la station balnéaire de Salou, en Catalogne. A Hambourg, Mohamed Atta, Marouan Al Shehhi (23 ans) et Ziad Jarrahi (25 ans) ont laissé le souvenir de modestes étudiants de l'Université technique, sympathiques et assidus. Tous trois régulièrement enregistrés auprès de la police, ils ne tenaient, selon leurs professeurs et leurs condisciples, que des propos modérés : rien dans leur comportement ne trahissait un islamisme militant. Mohamed Atta était arrivé en Allemagne au début des années 90, apparemment sous le couvert d'un passeport des Emirats arabes unis. Il est resté inscrit jusqu'en 1999 à l'institut électro-technique où il n'était pas le plus brillant des étudiants : en huit ans, c'est à peine s'il a réussi à décrocher son diplôme. Dans un sac laissé à l'aéroport de Boston, où il a pris le vol AA 11, les enquêteurs ont trouvé un passeport saoudien, un permis de conduire international, des vidéos d'entraînement au pilotage des Boeing et un livre de prières islamiques et une lettre dans laquelle Mohamed Atta déclarait son intention de mourir pour aller au ciel comme martyr. La lettre daterait de 1996, époque à laquelle il se trouvait à Hambourg ; c'est, semble-t-il, au cours des dernières années de son séjour allemand qu'il est devenu islamiste militant, se laissant pousser la barbe et obtenant l'ouverture d'une salle de prières dans l'université. Le 18 février 2000, le consulat général des Etats-Unis à Hambourg lui a délivré un visa. Depuis ce même mois, son modeste appartement au 54 Marienstrasse, dans le quartier de Harburg, qu'avait partagé Marouan Al Shehhi, paraît avoir été plus souvent vide qu'occupé, mais le loyer était régulièrement payé. Le troisième homme venu de Hambourg aux Etats-Unis, Ziad Jarrahi, considéré comme le pirate qui a pris les commandes du vol UA 93 qui s'est écrasé en Pennsylvanie, était libanais, né avec la guerre dans la plaine de la Bekaa. Sa famille s'insurge : il ne pouvait être qu'otage, certainemant pas terroriste, c'était un bon étudiant en génie aéronautique, que la religion n'intéressait pas, qui buvait de l'alcool et avait une petite amie turque. Aux Etats-Unis, Mohamed Atta rejoint la Floride, base de plusieurs autres membres des futurs commandos du 11 septembre, dont sept suivent une formation de pilote auprès d'écoles privées. Là, il retrouve Marouan Al Shehhi, et ils suivent ensemble pour 38 000 dollars les cours de pilotage à l'institut Huffman Aviation à Venice, puis prendront quelques heures de cours sur simulateur de vol de Boeing 727 à Miami. Un instructeur les trouve « polis, presque timides » . Le propriétaire de leur dernier logement, Charles Lisa, a confié au Miami Herald qu'ils étaient le genre de jeunes gens qu'on aimerait emmener à un match de base-ball... Lorsqu'il leur a demandé une adresse où les joindre après leur départ, Atta a souri en répondant : « je vous enverrai une carte postale » . Non loin de là, à Vero Beach, la famille Al Omari, dont le père, Abdulaziz, rejoindra Mohamed Atta à bord du vol AA 11, coule jusqu'à début septembre des jours paisibles et discrets dans une petite maison à 1 400 dollars par mois. Paisibles, si ce ne sont les réunions tardives qui attirent de nombreux visiteurs et intriguent parfois les voisins. Un autre groupe de trois terroristes s'est installé à San Diego, en Californie, où le nom de Nawaq Al-Hamzi (vol AA 77) figure toujours sur l'annuaire téléphonique. Dans le banal immeuble de deux étages du quartier de Clairemont qu'ont un moment occupé Khalid Al- Midhar (vol AA77) et Nawaq Al- Hamzi, qui se disaient amis d'enfance, les voisins se souviennent avoir vu une femme voilée, des hommes en combinaison de pilote et des voitures de luxe qui passaient les chercher à toutes heures. Ils ont aussi vécu dans le quartier de Lemon Grove, chez une personnalité de la communauté islamique de San Diego, Abdussattar Shaikh. Celui-ci a déclaré au San Diego Union Tribune qu'il pensait héberger des étudiants d'Arabie saoudite venus apprendre l'anglais, rencontrés au centre islamique de la mosquée de Clairemont. « Toujours gentils », ils ne manifestaient aucun sentiment anti-américain mais, rétrospectivement, c'est vrai « qu'ils sortaient toujours pour passer leurs coups de fil ». Fin août, les pirates de l'air ont acheté leurs billets d'avion - aller simple - pour le 11 septembre, certains sur Internet par Travelocity, d'autres directement auprès des compagnies aériennes. Plusieurs d'entre eux avaient choisi la classe affaires. Pas pour le confort, pour être plus près du cockpit.

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