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NATURE ET CULTURE

Publié le 13/04/2012

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culture

Cette absence de règles semble apporter le critère le plus sûr qui permette de distinguer un processus naturel d'un processus culturel. Rien de plus suggestif, à cet égard, que l'opposition entre l'attitude de l'enfant, même jeune, pour qui tous les problèmes sont réglés par de nettes distinctions, plus nettes et plus impératives parfois que chez l'adulte, et les relations entre les membres d'un groupe simien, tout entières abandonnées au hasard et à la rencontre, où le comportement d'un sujet n'apprend rien sur celui de son congénère, où la conduite du même individu aujourd'hui ne garantit en rien sa conduite du lendemain. C'est, en effet, qu'il y a un cercle vicieux à chercher dans la nature l'origine de règles institutionnelles qui supposent - bien plus, qui sont déjà - la culture, et dont l'instauration au sein d'un groupe peut difficilement se concevoir sans l'intervention du langage. La constance et la régularité existent, à vrai dire, aussi bien dans la nature que dans la culture. Mais, au sein de la première, elles apparaissent précisément dans le domaine où, dans la seconde, elles se manifestent le plus faiblement, et inversement. Dans un cas, c'est le domaine de l'hérédité biologique, dans l'autre celui de la tradition externe. On ne saurait demander à une illusoire continuité entre les deux ordres de rendre compte des points par lesquels ils s'opposent. Aucune analyse réelle ne permet donc de saisir le point du passage entre les faits de nature et les faits de culture, et le mécanisme de leur articulation. Mais la discussion précédente ne nous a pas seulement apporté ce résultat négatif; elle nous a fourni, avec la présence ou l'absence de la règle dans les comportements soustraits aux déterminations instinctives, le critère le plus valable des attitudes sociales. Partout où la règle se manifeste, nous savons avec certitude être à l'étage de la culture. Symétriquement, il est aisé de reconnaître dans l'univers le critère de la nature. Car ce qui est constant chez tous les hommes échappe nécessairement au domaine des coutumes, des techniques 'et des institutions par lesquelles leurs groupes se différencient et s'opposent. A défaut d'analyse réelle, le double critère de la norme et de l'universalité apporte le principe d'une analyse idéale, qui peut permettre - au moins dans certains cas et dans certaines limites - d'isoler les éléments naturels des éléments culturels qui interviennent dans les synthèses de l'ordre plus complexe. Posons donc que tout ce qui est universel, chez l'homme, relève de l'ordre de la nature, et se caractérise par la spontanéité, que tout ce qui est astreint à une norme appartient à la culture et présente les attributs du relatif et du particulier.

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