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Platon & La sagesse humaine.

Publié le 22/02/2012

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platon
... Un jour que [Khairéphon] était allé à Delphes, il osa poser à l'oracle la question que voici,... il demanda, dis-je, s'il y avait au monde un homme plus sage que moi. Or, la pythie lui répondit qu'il n'y en avait aucun.... ... Lorsque j'eus appris cette réponse de l'oracle, je me mis à réfléchir en moi-même : « Que veut dire le dieu. et quel sens recèlent ses paroles? Car moi, j'ai conscience de n'être sage ni peu ni prou. Que veut-il donc dire, quand il affirme que je suis le plus sage? car il ne ment certainement pas! cela ne lui est pas permis. » Pendant longtemps, je me demandai quelle était son idée; enfin je me décidai, quoiqu'à grand-peine, à m'en éclaircir de la façon suivante ; je me rendis chez un de ceux qui passent pour être des sages, pensant que je ne pouvais, mieux que là, contrôler l'oracle et lui déclarer : « Cet homme-ci est plus sage que moi, et toi, tu m'as proclamé le plus sage. » J'examinai donc cet homme à fond; je n'ai pas besoin de dire son nom, mais c'était un de nos hommes d'Etat, qui, à l'épreuve, me fit l'impression dont je vais vous parler. Il me parut en effet, en causant avec lui, que cet homme semblait sage à beaucoup d'autres et surtout à lui-même, mais qu'il ne l'était point. J'essayai alors de lui montrer qu'il n'avait pas la sagesse qu'il croyait avoir. Par là, je me fis des ennemis de lui et de plusieurs des assistants. Tout en m'en allant, je me disais en moi-même : « Je suis plus sage que cet homme-là. Il se peut qu'aucun de nous deux ne sache rien de beau ni de bon; mais lui croit savoir quelque chose, alors qu'il ne sait rien, tandis que moi, si je ne sais pas, je ne crois pas non plus savoir. Il me semble donc que je suis un peu plus sage que lui par le fait même que ce que je ne sais pas, je ne pense pas non plus le savoir.... » Après les hommes d'Etat, j'allais trouver les poètes.... Je pris donc avec moi ceux de leurs ouvrages qu'ils me paraissaient avoir le plus travaillés et je leur demandai ce qu'ils voulaient dire, afin de m'instruire en même temps auprès d'eux. Or j'ai honte, Athéniens, de vous dire la vérité. Il le faut pourtant. Eh bien, tous ceux qui étaient là présents, ou peu s'en faut, auraient mieux parlé de leurs poèmes qu'eux-mêmes qui les avaient faits. Je reconnus donc bien vite que les poètes aussi ne sont point guidés dans leurs créations par la science, mais par une sorte d'instinct et par une inspiration divine, de même que les devins et les prophètes, qui, eux aussi, disent beaucoup de belles choses, mais sans se rendre compte de ce qu'ils disent. Les poètes me parurent être à peu près dans le même cas. Et je m'aperçus en même temps qu'à cause de leur talent poétique, ils se croyaient sur tout le reste les plus sages des hommes, ce qu'ils n'étaient pas du tout-Je les quittai donc, pensant que j'avais sur eux le même genre de supériorité que sur les hommes d'Etat. A la fin, je me rendis chez les artisans; car si moi, j'avais conscience que je ne savais à peu près rien, j'étais sûr de trouver en eux du moins des gens qui savent beaucoup de belles choses. En cela, je ne fus pas déçu; ils savaient en effet des choses que je ne savais pas et, en cela, ils étaient plus savants que moi. Seulement, Athéniens, ces bons artisans me parurent avoir le même défaut que les poètes. Parce qu'ils faisaient bien leur métier, chacun d'eux se croyait très entendu même dans les choses les plus importantes, et cette illusion éclipsait leur savoir professionnel; si bien que, pour justifier l'oracle, je me demandais si je ne préférerais pas être tel que j'étais, sans partager ni leur science ni leur ignorance, plutôt que d'avoir l'une et l'autre comme eux. Aussi je répondis à moi-même et à l'oracle que j'avais avantage à être tel que j'étais. Ce sont ces enquêtes, Athéniens, qui ont soulevé contre moi tant de haines si amères et si redoutables, et c'est de ces haines que sont venues tant de calomnies et cette renommée de sage qu'on m'a faite; car ceux qui m'entendent s'imaginent toujours que je sais les choses sur lesquelles je démasque l'ignorance des autres. Mais il y a bien des chances, juges, que le dieu soit réellement sage et que par cet oracle il veuille dire que la sagesse humaine n'est pas grand-chose ou même qu'elle n'est rien. Et s'il a nommé Socrate, il semble bien qu'il ne s'est servi de mon nom que pour me prendre comme exemple. C'est comme s'il disait : « Le plus sage d'entre vous, hommes, c'est celui qui a reconnu comme Socrate que sa sagesse n'est rien. » PLATON

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