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POÈMES DE CIRCONSTANCE

Publié le 29/03/2015

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se fondent et reposent. Je n'ai que faire des poèmes qui ne reposent sur rien.«

Comme Reverdy le fera plus tard, il réfute la thèse selon laquelle certains sujets ne sont pas poétiques :

«Qu'on ne dise pas que la réalité manque d'intérêt poé­tique; un poète fait ses preuves lorsque précisément son esprit sait découvrir dans un sujet banal quelque chose d'intéressant. La réalité doit fournir le motif, le point de départ, le noyau proprement dit; mais c'est l'affaire du poète d'en former un tout qui soit beau, animé.«

Ces remarques de Goethe ont suscité des débats qui se sont prolongés jusqu'à nos jours et que nous évoquerons plus loin. Pourtant, quand on examine ces discussions, on se rend compte qu'elles consistent à isoler la phrase étudiée ici de son contexte et à faire dire à Goethe autre chose que ce qu'il a vraiment dit. Une lecture attentive des Conversations mettrait certainement tout le monde d'accord.

Le «poème de circonstance« n'est pas pour Goethe un poème improvisé dans le cadre d'un jeu de salon pour rele­ver un défi ou faire plaisir à un invité. Il peut arriver à Goethe de pratiquer cet exercice. Ainsi Eckermann raconte qu'il écrivit deux vers pour remercier une dame qui lui avait apporté des cédrats et souhaitait de sa part un autographe. Mais, quand il accepte d'agir ainsi, Goethe parle d'une « plaisanterie« et ce n'est pas à ce type de texte qu'il pense quand il parle à Eckermann de « poèmes de circonstance«.

Goethe, répondant à Eckermann, pense à l'ensemble de ses oeuvres poétiques. Il veut bien faire comprendre à son inter­locuteur la nécessité de garder le contact avec le réel et de se distinguer en cela de certains écrivains romantiques. Si le poète n'est capable que d'exprimer sa propre subjectivité, il sera semblable à un chanteur n'ayant à sa disposition que quelques notes. Si, au contraire, il est capable de ressentir le réel qui l'entoure et de l'exprimer, il sera pareil à un chan­teur ayant à sa disposition d'importantes parties de la gamme (29 janvier 1826) :

« Aussi longtemps qu'il n'exprime que ses quelques sen‑

joue en l'occasion que le rôle d'un déclic. Goethe est bien loin, on le voit, d'un poète mondain rédigeant des impromp­tus pour le plaisir des dames. Simplement, il juge plus important de rendre la substance d'un coin du réel que de faire partager au lecteur les affres de son moi.

Au « poème de circonstance« va être par la suite oppo­sée la « poésie pure « qui tord le cou à la rhétorique et tire ses effets du simple agencement des vocables, mais certains auteurs comme Aragon vont réagir contre cette tendance à couper l' oeuvre du réel et se réclameront de Goethe. Dans Chronique du bel canto (1947), Aragon répond à ceux qui se scandalisent d'une intrusion de la circonstance. Pour lui, le poème apparaît « non comme un arrangement arbitraire de mots, mais comme l'expression d'une époque, et d'une sorte d'homme dans cette époque... «. D'ailleurs, dit-il, il viendra un jour où un critique nous apprendra que Le Cime­tière marin et La Jeune Parque sont en fait des poèmes de circonstance.

Aragon va même plus loin, analysant le problème de la cir­constance du point de vue du lecteur. Ainsi, un poème sur un homme en prison séparé de celle qu'il aime et obsédé par l'idée de la femme peut perdre de son actualité et donc de sa résonance dans une société paisible. Il se trouvera revivifié à la suite d'un changement politique instaurant un système dans lequel la prison devient un élément dominant :

«... la poésie s'éteint et meurt quand s'évanouissent les circonstances, mais renaît et prend force quand celles-ci se répètent, si bien qu'on peut dire avec Goethe qu'il n'y a de poésie que de circonstance.«

Reverdy réagira à ce point de vue et opposera à la poésie de circonstance «Circonstance de la poésie «, un article paru dans la revue L'Arche n° 21, novembre 1946. (Chronique du bel canto est paru en volume en 1947, mais ce recueil est composé d'articles parus l'année précédente.) Reverdy y affirme que «La poésie n'est certainement pas dans les choses... «, pas plus qu'il n'existe de «mots poétiques«. Pour lui, il n'y a rien d'autre dans une locomotive, une

aurore, la nature, que ce que le poète y met, et qu'il apprend à ses contemporains à y mettre. Le poète n'extrait pas la substance du réel comme l'abeille en tire le miel. La poésie est chose purement humaine. « C'est la mainmise souve­raine de l'homme sur les choses de la création. «

La poésie est dans le poète et non dans les choses : El.

Différentes formes du moi : El, D, El.

Poète écho du réel : E].

 

Peu d'importance du sujet : El.

« §1 .

Poèmes de circonstance / 227 se fondent et reposent.

Je n'ai que faire des poèmes qui ne reposent sur rien.» Comme Reverdy le fera plus tard, il réfute la thèse selon laquelle certains sujets ne sont pas poétiques : «Qu'on ne dise pas que la réalité manque d'intérêt poé­ tique ; un poète fait ses preuves lorsque précisément son esprit sait découvrir dans un sujet banal quelque chose d'intéressant.

La réalité doit fournir le motif, le point de départ, le noyau proprement dit; mais c'est l'affaire du poète d'en former un tout qui soit beau, animé.» ......

Ces remarques de Goethe ont suscité des débats qui se sont prolongés jusqu'à nos jours et que nous évoquerons plus loin.

Pourtant, quand on examine ces discussions, on se rend compte qu'elles consistent à isoler la phrase étudiée ici de son contexte et à faire dire à Goethe autre chose que ce qu'il a vraiment dit.

Une lecture attentive des Conversations mettrait certainement tout le monde d'accord.

Le «poème de circonstance» n'est pas pour Goethe un poème improvisé dans le cadre d'un jeu de salon pour rele­ ver un défi ou faire plaisir à un invité.

Il peut arriver à Goethe de pratiquer cet exercice.

Ainsi Eckermann raconte qu'il écrivit deux vers pour remercier une dame qui lui avait apporté des cédrats et souhaitait de sa part un autographe.

Mais, quand il accepte d'agir ainsi, Goethe parle d'une «plaisanterie» et ce n'est pas à ce type de texte qu'il pense quand il parle à Eckermann de «poèmes de circonstance».

Goethe, répondant à Eckermann, pense à l'ensemble de ses œuvres poétiques.

Il veut bien faire comprendre à son inter­ locuteur la nécessité de garder le contact avec le réel et de se distinguer en cela de certains écrivains romantiques.

Si le poète n'est capable que d'exprimer sa propre subjectivité, il sera semblable à un chanteur n'ayant à sa disposition que quelques notes.

Si, au contraire, il est capable de ressentir le réel qui l'entoure et de l'exprimer, il sera pareil à un chan­ teur ayant à sa disposition d'importantes parties de la gamme (29 janvier 1826) : «Aussi longtemps qu'il n'exprime que ses quelques sen-. »

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