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Pourquoi désirer ce qui n'est pas nécessaire ?

Publié le 21/07/2010

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Il est fréquent que l'expression d'un désir suscite une réprobation consistant à souligner l'inutilité de son objet. A l'enfant qui désire un nouveau jouet, on répond ainsi qu'il en a tellement qu'il n'aura même pas l'occasion d'en profiter! A quoi bon dès lors consentir à satisfaire un tel désir, puisque son objet n'est pas nécessaire? Chez l'adulte, cependant, qui peut prétendre obtenir ses satisfactions par lui-même, le désir de choses sans nécessité immédiate se manifeste fréquemment, qu'il s'agisse de changer d'automobile pour en acquérir une plus prestigieuse ou, plus modestement, d'ajouter un vêtement à sa garde-robe de printemps. Pourquoi désirer de la sorte ce qui n'est en effet pas nécessaire?    I. Le nécessaire et le superflu    A. L'exemple épicurien    A partir d'une classification rigoureuse, la morale des épicuriens n'admet que la satisfaction des désirs "naturels et nécessaires", c'est à dire de ceux correspondant en fait aux besoins vitaux (boire, manger, dormir dans les conditions les plus "naturelles" possibles). Cette conception mène à un ascétisme où se marque l'intervention d'une volonté bien humaine.    B. La critique de Kant    Mais cette morale se distingue de l'animalité par des aspects qui vont au-delà du nécessaire : manger ne suffit pas : il existe partout des règles organisant la cuisine et les "manières de table". La culture ajoute à la nécessité naturelle une nécessité autre, qui est celle du superflu.    II. La création de valeurs nouvelles.    A. Valeur du nécessaire.    Le nécessaire a sa valeur en lui-même, qui s'impose à l'homme (également à l'animal, même s'il n'en a pas conscience).    B. Désir et valeur.    Chez Platon, le désir est articulé sur un manque (ex: le désir érotique naît du manque de la moitié perdue selon le mythe d'Aristophane). On peut au contraire considérer, comme le fait Spinoza, que le désir est producteur : l'objet n'a pas de valeur avant d'être désiré, c'est le désir qui lui attribue une valeur jusqu'alors inaperçue.    C. Le mouvement du désir    Une fois satisfait par un objet, le désir renaît à propos d'un autre; ainsi se propagent des valeurs nouvelles. il peut arriver qu'elles soient trompeuses ou moralement contestables - ce serait le cas des valeurs attachées aux objets "de prestige" (la voiture la plus luxueuse, le tableau le plus cher...) ; il n'en reste pas moins qu'elles signalent le jeu social dans lequel évolue l'individu.    III. Superflu et société.    A. Le désir du désir.    Hegel fait remarquer qu'un objet (ou un être : cas de la relation érotique) est d'autant plus désiré qu'il l'a déjà été par un autre ( c'est le principe de la vente aux enchères, de la publicité, ou de la mode). Une telle circulation du désir, surtout lorsqu'elle vise du non-nécessaire, confirme l'appartenance à l'humanité : je ne désire pas ce que désire un animal (sauf si je me trouve dans des conditions de vie me rabaissant à son niveau).    B. L'univers humain vit de valeurs.    L'homme quête et accorde inlassablement des valeurs aux éléments de son univers. il ne se contente pas des faits ou des choses à l'état brut ou insignifiant, il faut que ceux-ci offre un sens relatif à son existence, et suscitent son intérêt    C. Le désir de superflu est constitutif de la société.    Désirer le superflu, c'est confirmer que la culture et la société sont détachées de la nature et de la nécessité naturelle. C'est aussi participer à leur évolution, puisqu'elles se transforment pour acquérir ce qui est d'abord inexistant : l'histoire d'une culture est aussi celle constituée par la découverte de valeurs et d'objets dont la conception n'est possible qu'à partir d'un certain seuil de satisfaction ou d'aisance.    Conclusion    L'être humain s'est progressivement installé dans un univers dont il produit les valeurs par l'insatiable désir de ce qui n'existe pas encore. Sans doute ces additions sont-elles sans nécessité naturelle, mais elles sont porteuses d'une autre nécessité : celle qui tient à l'inachèvement même de l'homme et à sa capacité d'autotransformation. S'il est vrai qu'un désir sans obstacle serait vide, il l'est aussi qu'un homme sans désir ne connaitrait de l'existence qu'une version tronquée.

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