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RESSOURCE GRATUITE: Peut-on être esclave de soi-même ?

Publié le 23/07/2010

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esclave

Calliclès , dans le Gorgias de Platon, affirme que le bonheur , l’accomplissement de soi passe par la satisfaction de tous ses désirs, le fait de « laisser prendre à ses passions tout l’accroissement possible et d’être capable de leur donner satisfaction « . Par conséquent , toute limitation des désirs apparaît comme un esclavage , une soumission. Cependant , n’Est-ce pas être incapable de se commander à soi-même réplique Socrate ? La maitrise de soi ne fait-elle pas partie de la liberté? Confondre la liberté et la satisfaction de nos désirs n’Est-ce que pas confondre la liberté avec l’indépendance , mieux avec un fantasme que la réalité ne cesse de démentir ? Mais encore , n’Est-ce pas méconnaitre que la liberté ne concerne pas seulement la puissance que le monde extérieur m’offre ou me dérobe de réaliser mes désirs, mais qu’elle est aussi, et peut-être d’abord , une certaine manière de vivre le rapport à soi-même? Quel rapport de soi à soi-même est exigé par l’idée de liberté ? Qu’Est-ce qu’être libre moralement parlant ?    I - L’opinion commune : l’esclave est un homme qui ne s’appartient pas , qui est soumis à la volonté d’un autre, son maître. Être libre, c’est ne pas être soumis à la volonté d’un autre, c’est pouvoir faire sa volonté, c’est-à-dire agir selon son bon plaisir, sans contrainte . On ne peut donc être esclave que d’un autre ou des autres. A la limite, toute contrainte est une forme d’esclavage . Il est dont absurde de parler d’un esclavage de soi-même, car être libre, c’est être son propre maître. Cependant, suffit-il de faire « sa volonté « pour être libre ? Certains désirs ne sont-ils pas satisfaits contre notre propre intérêt ? Contrairement à ce que pense Calliclés , la satisfaction de tous nos désirs ne conduirait-elle pas , comme le montre l’exemple de l’enfant gâté et son impossibilité de connaitre son véritable désir , masqué par tous ses caprices, au malheur et à une insatisfaction désespérante ? Qu’Est-ce qu’au fond une volonté libre ? En effet , est-ce être libre que de ne pouvoir se commander à soi même , de ne rien faire qui nous soit vraiment utile , de pas considérer l’avenir , de le sacrifier au plaisir immédiat, de sacrifier le bonheur au plaisir et d’être victime de ses désirs ? Le véritable esclavage n’est il pas non celui qui a les autres hommes pour origine ,mais celui que nous nous infligeons à nous-mêmes ?    II - Être libre moralement parlant, c’est ne pas être soumis à ses impulsions , c’est être maître de soi. La volonté n’est libre que si elle ne succombe pas aux passions déraisonnables . La tempérance, la modération dans la satisfaction des désirs est donc nécessaire; la liberté est le résultat d’une éducation qui permet la liberté de la volonté.  L’homme est naturellement esclave de lui-même , de ses désirs, c’est un être de passion , violent; la liberté est le dépassement de l’esclavage . Pour le philosophe stoïcien , notre liberté dépend entièrement de nous-mêmes , de notre capacité à vivre conformément à la nature , à notre nature d’être doué de raison. La liberté véritable consiste dans l’accord avec soi-même et elle ne s’obtient que par le perfectionnement moral par lequel on est maître de soi. Au fond , tout esclavage est intérieur , il consiste à céder à soi, à donner la direction à ce qui en nous ne doit pas diriger.  On doit donc ne pas être esclave de soi-même , parce que c’est être esclave de ce qui en soi n’est pas soi, le mécanisme aveugle du désir et de la passion ,ou encore le mécanisme du corps , mais un corps rendu fou par l’esprit . Cependant si la maîtrise de soi et la tempérance sont les conditions de la liberté , elles permettent de se libérer des chaines internes , mais elles ne suffisent pas à définir positivement la liberté ,comme liberté pour , engagement . Et, à ce niveau, se joue un autre esclavage vis-à-vis de soi-même : l’incapacité à s’engager , à se résoudre donc à sacrifier quelque chose de soi, à sortir du sentiment sans mélange de sa souveraineté sur soi-même . C’est à une telle impasse que ressemble parfois la conception héroïque du sage stoïcien , tout entier absorbé dans son autarcie , imprenable au fond de sa citadelle intérieure.    III - La liberté consiste dans l’autonomie de la volonté , c’est-à-dire l’autodétermination de la volonté , elle est donc la conséquence de notre raison raisonnable. La raison indique que à tout homme les règles qui s’imposent à sa conduite concernant le respect de sa dignité et de celle de tout être humain. Mais cette autodétermination est engagement et renoncement , car on ne peut s’engager sans sacrifier ses possibles , sans se replier dans la pure contemplation d’une volonté souveraine , vide d’engagement et d’autant plus souveraine qu’elle ne renoncerait à rien, volonté qui en sacrifiant tout, ne sacrifiait rien ; une conception de la sagesse morale du monde ,l’impureté de toute action soumise aux aléas de la fortune et de la société humaine . Ce serait une autre manière d’être esclave de soi-même ,l’esclavage d’une fausse liberté , d’une indépendance inhumaine. Une manière de singer le sage . D’un autre côté , le mal dont souffre Sérénus à qui s’adresse Sénèque dans son De la tranquillité de l’âme, pourrait être considéré comme l’autre face de ce refus de l’engagement , de la décision ; le personnage étant autant plus esclave de soi-même , de son atermoiement , de ses hésitations d’autant plus mécontent de soi, qu’il se veut libre et qu’il souffre de cette irrésolution comme d’un mal existentiel.  Si la liberté n’est pas la licence et s’il n’y a de liberté que raisonnable , c’est-à-dire réfléchie, ce qui implique une distance vis-à-vis des désirs qui se présentent spontanément ou encore ce qui montre qu’il n’y a de liberté que s’il y a choix possible , la liberté n’est cependant pas seulement négative , c’est-à-dire dépassement des désirs immédiats , elle apparait , si être libre c’est être pleinement soi-même , comme une autodétermination , comme un engagement dans une décision qui s’impose à soi-même comme venant de soi-même , elle est « liberté pour « , possibilité offerte , autonomie , le fait de se donner à soi-même sa propre règle. C’est dans la mesure où tout être humain est doué de raison qu’il lui est possible non seulement de se libérer de l’emprise des désirs aveugles, mais surtout de décider lui-même , de vouloir au sens de s’engager dans le monde. La liberté est positive dans la mesure où elle pose une décision , une détermination et la fait exister ; ainsi la liberté est création et non esclavage des désirs , comme la pense le sens commun , ni l’esclavage narcissique .    En conclusion , s’il est vrai que les hommes peuvent être esclaves de leurs passions , cette aliénation de leur liberté est toujours de leur responsabilité. D’un point de vue moral , c’est un devoir d’échapper à cette aliénation et de rétablir sa liberté, c’est-à-dire son autonomie. Mais cette dernière ne consiste pas pour autant , car ce serait refuser un esclavage pour tomber dans un autre , dans la contemplation de sa propre négativité , de son propre reflet , indifférence à tout ce qui est autre que soi , elle consiste plutôt à assumer cet autre en se déterminant , donc est décision en engagement.

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