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Ressource gratuite: La lucidité est elle un obstacle au bonheur ?

Publié le 22/07/2010

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La lucidité se définissant comme étant la tentative de regarder la vérité en face, elle semble incompatible avec la notion de bonheur, qui se réclame de l'imagination: pour l'homme, il semble plus facile d'être heureux en se détachant des contraintes du monde qui l'entoure. L'illusion dissimule la vérité, l'homme se forge d'illusions pour se protéger du monde qui l'agresse, mais aussi pour se poser en aveugle face à sa condition.  Le bonheur se construit il alors autour de simples illusions, ne peut il être réel? Le bonheur peut il être envisageable en toute lucidité, ou l'homme est il condamné à rester prisonnier de cette lucidité, sans pouvoir jamais atteindre le véritable bonheur? Peut on concilier rationalité et bonheur, ou bien est ce deux notions strictement incompatibles ?  Tout au long de cette réflexion, nous verrons dans un premier temps en quoi la lucidité apparait par définition comme un obstacle au bonheur, en quoi la recherche du bonheur pour l'homme devient extrêmement complexe, sitôt qu'il fait preuve de lucidité et de rationalité. Dans un second temps, nous verrons que la lucidité apparait pour l'homme au-delà d'un simple obstacle : elle est une force inhérente à sa nature, à laquelle il ne peut se détacher, et qui lui ouvre les yeux sur la misère de sa condition. Enfin, nous verrons que pour certaines philosophies, la lucidité n'est plus un obstacle, mais un moyen d'accès au bonheur : avoir conscience de sa condition de l'ordre du monde et du rapport de l'homme avec le temps est un moyen pour les stoïciens de trouver le bonheur, pour eux placé dans l'exercice de la vertu.    Parce que le bonheur est une aspiration commune à tout être humain, mais dépendante de chacun, il apparait comme une notion complexe, dont il est difficile de proposer une définition qui se voudrait universelle. Etymologiquement cependant, le mot bonheur signifierait "bon heur" et renverrait alors à la chance, à un état qui rencontrerait l'homme par hasard, une satisfaction qui ne dépendrait donc pas de sa simple volonté. Si certaines philosophies placent le bonheur dans la recherche des plaisirs suivant un ordre établi par la nature (épicurisme), d'autres estiment que pour l'atteindre, il faut accepter l'ordre du monde, et faire preuve de vertu (stoïcisme). La recherche du bonheur est en effet un débat philosophique nourrit d'interprétations différentes depuis l'antiquité, et encore de nos jours l'homme s'évertue à chercher ce qui pourrait bien le conduire au bonheur, quelle attitude il se doit d'adopter afin de l'atteindre. Cela prouve que cette notion de bonheur n'a jamais été complètement maitrisée par l'homme, du moins rationnellement, elle échappe à toute définition. C'est parce que le bonheur relève de la subjectivité: chacun possède sa propre conception de la vie heureuse, chacun n'éprouve pas les mêmes désirs et les mêmes satisfactions. Le bonheur dépend alors des sensations et de la sensibilité de chacun.  On retrouve aussi la notion de lucidité comme moyen d'accès au bonheur dans l'épicurisme de Lucrèce : dans le Suave mari magno, Lucrèce fait preuve d'une grande lucidité face à la condition des hommes et à sa propre condition. Or il ne l'accepte pas, comme les stoïciens, mais il en est indifférent: placé au dessus de la foule humaine, il se détache de ses douleurs et se contente de la contempler, heureux de ne pas en faire partie. La lucidité de Lucrèce l'amène à la sagesse, une sagesse qui peut alors le conduire à son tour jusqu'au bonheur. De plus, Lucrèce tire profit de sa lucidité, contrairement aux hommes, aveugles et vivant dans l'illusion quant à la connaissance de leurs besoins fondamentaux. Lucrèce, lui, sait qu'il doit accorder ses désirs en fonction de ceux de la nature, c'est ainsi que par cette lucidité sur ses besoins réels, il peut parvenir au bonheur.  La relation que l'homme entretient avec le temps compromet ses chances de parvenir au bonheur. Comme l'affirme Pascal dans ses pensées, l'homme est absent à lui-même et à la réalité, dans le sens où il remet constamment en cause le présent, entité temporelle qui lui échappe. L'homme vit dans l'attente, l'attente d'un futur meilleur ou le regret d'un passé heureux. Mais ce futur ne sera jamais là: seul le présent est réel, le futur est un temps de l'imagination. Or il ne se contente jamais de sa condition présente, ne saisit jamais ce que le temps lui offre sur le moment présent. Le bonheur est alors pour lui une expérience qu'il diffère aussi éternellement, le plaçant toujours dans "l'après", dans une attente, dans ce futur imaginaire. Pour les stoïciens, le présent est le seul temps véritable, celui "qui compte", il faut alors l'assumer : contrairement aux autres hommes, les stoïciens font encore une fois ici preuve de lucidité quant à leur place dans le temps, le présent "suffit" au stoïcien. Il peut alors vivre pleinement l'expérience du bonheur qui lui est offert à chaque instant. Faisant état de l'ordre universel et acceptant cet ordre, avec lucidité, comme ne dépendant pas de la seule volonté de l'homme, les stoïciens appréhendent alors la mort différemment : pour eux, elle n'est plus une finitude et ils ne la vivent pas dans l'angoisse, ils l'acceptent avec indifférence, car "elle ne dépend pas d'eux".    Si la lucidité apparait dans un premier temps comme un obstacle au bonheur, parce qu'elle convoque la vérité et la conscience du réel, et que le bonheur semble être un état "utopique" de satisfaction, un idéal de plaisir placé seulement dans l'illusion des hommes et leurs imaginations, il semblerait que cette conscience de la réalité et de l'ordre du monde puisse se concilier avec la recherche du bonheur. Plus encore, pour certaines philosophies, elle est un moyen d'accès à ce bonheur. La lucidité est donc certes, un obstacle au bonheur, parce qu'elle ramène constamment l'homme à la misère de sa condition : l'homme ne peut tirer de satisfaction de sa misère, semblerait-il. Mais si cet homme accepte avec indifférence cette condition, s'il parvient à se placer en accord avec le temps et le monde qui l'entoure, alors la lucidité n'est plus une force contraire au bonheur, mais bien une condition de la vie heureuse. Finalement, le bonheur est une notion propre à chacun d'entre nous : "chaque homme est l'artisan de son propre bonheur", certains trouveront satisfaction par la lucidité, d'autres en dépit de celle-ci.

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