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Ricardo Lagos, Le principal artisan du retour de la démocratie

Publié le 17/01/2022

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16 janvier 2000 En pleine dictature militaire, Ricardo Lagos avait ébranlé la société chilienne. Le 25 avril 1988, au cours d'une intervention télévisée, le représentant socialiste avait pointé un index accusateur vers les caméras, exhortant le général Augusto Pinochet à quitter le pouvoir. Ce geste marqua le début de la carrière politique et transforma cet avocat et économiste formé aux Etats-Unis en leader des forces de gauche et en principal artisan du retour de la démocratie. Président de l'Alliance démocratique, qui regroupait, dans les années 80, la majorité des partis opposés à la dictature militaire, il fut l'un des politiciens les plus convaincus de la nécessité de participer au plébiscite d'octobre 1988, qui se solda par un échec du général Pinochet. Deux ans plus tôt, M. Lagos avait été emprisonné à la suite d'un attentat perpétré contre le général Pinochet, au cours duquel furent tués cinq gardes du corps du dictateur. Le dirigeant socialiste fut libéré trois semaines plus tard, grâce à une intense campagne internationale. Fidèle allié du président Salvador Allende, Ricardo Lagos n'occupa pas de poste au sein du gouvernement de l'Unité populaire (1970-1973). Mais il fut chargé de la liquidation de la banque Edwards, appartenant à une des familles les plus riches du Chili. "J'ai été un partisan d'Allende, ce dont je suis fier. Mais mon monde est différent de celui d'Allende", souligne aujourd'hui M. Lagos. Sous sa conduite, le socialisme chilien s'est associé, en 1989, à la démocratie-chrétienne, qui s'était opposé au président Allende, pour créer la Concertation démocratique, au pouvoir depuis dix ans. "La Concertation est l'instrument qui nous a permis d'effectuer la transition de la dictature à la démocratie", dit M. Lagos. RÉDUIRE LES INÉGALITÉS Il reconnaît, toutefois, les imperfections d'une transition démocratique fondée sur un "pacte de l'oubli" du passé et le maintien d'une Constitution héritée de Pinochet. Décidé à effectuer une réforme politique, il souligne que la droite est "très forte, avec un immense pouvoir dans les milieux d'affaires et la majorité de la presse". Politicien habile et pragmatique, plus enclin au consensus qu'à l'affrontement, Ricardo Lagos se définit comme un social-démocrate. Membre de l'Internationale socialiste, il estime que la "troisième voie" prônée par Tony Blair, le premier ministre britannique, "ne peut pas avoir le même accent au Chili qu'en Europe, où le revenu par habitant est de 30 000 dollars, alors qu'en Amérique latine il est inférieur à 5 000 dollars". M. Lagos insiste sur les grandes inégalités sociales au Chili, qui, dit-il, est un pays "profondément injuste". Dans son entourage, on prête au président élu un tempérament irritable. Ses détracteurs lui reprochent son air hautain. M. Lagos, lui, affirme avoir de bonnes relations avec les forces armées et les milieux économiques. Beaucoup d'hommes d'affaires l'ont pourtant critiqué avant le second tour des élections, ne cachant pas leurs préférences pour Joaquin Lavin, le candidat de la droite. L'impact des résultats du premier tour de la présidentielle, le 12 décembre, où M. Lavin était arrivé pratiquement à égalité avec lui, a conduit M. Lagos à changer le style de sa campagne. Plus souriant, adoptant des costumes moins austères, il a remplacé le slogan "Croître dans l'égalité" par celui d'un "Chili meilleur". Afin de récupérer le vote féminin, il a modifié la conduite de sa campagne avant le second tour, en la confiant à Soledad Alvear, ancien ministre de la justice et figure charismatique de la démocratie-chrétienne. Dans un pays où l'Eglise est toute-puissante, M. Lagos se confesse agnostique. Il est favorable à l'avortement thérapeutique et à une nouvelle législation sur le divorce, interdit au Chili, ce qui conduit à considérer 46 % des nouveau-nés comme des enfants naturels. Lors du retour de la démocratie, le président démocrate-chrétien Patricio Aylwin (1990- 1993) avait attribué à M. Lagos le portefeuille de l'éducation. A ce poste, il fut le promoteur d'une réforme visant à assurer l'égalité des chances dans l'accès à l'éducation. En 1994, l'actuel président Eduardo Frei le nomma ministre des travaux publics. Ricardo Lagos favorisa alors la participation du secteur privé, qui investit plus de 5 milliards de dollars pour la construction d'un réseau routier de 2 000 kilomètres. CHRISTINE LEGRAND Le Monde du 18 janvier 2000

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