Saint-John PERSE Pour Dante

Saint-John PERSE

Pour Dante (1965)

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Il s’agit d’un extrait d’un discours en l’honneur du 7e centenaire du grand poète de la renaissance italienne, Dante Alighieri.

Nous t’invoquons, Poète, à l’ouverture d’un nouvel âge. Il n’est rien de futur qui ne s’ouvre au poète. Créer, toujours, fut promouvoir et commander au loin. Et le poète proféré se hâte dans l’histoire... Eternelle invasion de la parole poétique !

5 Pareils aux Conquérants nomades maîtres d’un infini d’espace, les grands poètes transhumants, honorés de leur ombre, échappent longuement aux clartés de l’ossuaire. S’arrachant au passé, ils voient, incessamment, s’accroître devant eux la course d’une piste qui d’eux-mêmes procède. Leurs œuvres, migratrices, voyagent avec nous, hautes 10 tables de mémoire que déplace l’histoire.

Et celui-là fut d’Occident, où le songe est action, et l’action, novatrice. Dante debout dans le vent de l’histoire a porté sans faiblesse sa charge d’humanité ; et tôt levé dans la grandeur, instigateur et médiateur, il fut de ces grands devanciers pour qui vivre est créer, et créer 15 s’engager dans une éternité d’histoire.

Poète, face invisible de l’homme... Le torrent poétique où se lave l’histoire s’écoule, inentendu des foules riveraines. Mais sur la face sainte de la terre, quelques soulèvements d’humeur nous laissent trace pour longtemps de leur puissant relief : entre deux grands versants de 20 l’âge occidental, la haute intersection s’éclaire encore jusqu’à nous.

Pour Dante (extrait), © Ed. Gallimard.

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