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Shoah

Publié le 19/02/2013

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1   PRÉSENTATION

Shoah, extermination des Juifs européens par les nazis de 1933 à 1945.

Ce crime, au cœur du programme nazi, fonde la singularité du nazisme par rapport aux autres régimes totalitaires.

2   DES MOTS DIFFÉRENTS POUR UNE MÊME RÉALITÉ

Le vocabulaire pour désigner l’extermination des Juifs par les nazis varie selon les pays : en France, le mot Shoah, signifiant en hébreu « catastrophe «, tend à s'imposer depuis le documentaire réalisé par Claude Lanzmann (Shoah, 1985). Auparavant, le terme qui a longtemps prévalu est le terme de génocide, mot forgé en 1944 par le juriste polonais Raphaël Lemkin pour caractériser « la pratique de l'extermination de nations et de groupes ethniques «. Mais le mot génocide a souffert de voir son usage banalisé et utilisé dans de nombreuses polémiques pour désigner d'autres massacres de populations (Arméniens et Kurdes par les Turcs, Biafrais par le Nigeria, etc.). En Israël et dans les pays anglo-saxons est utilisé le mot Holocauste : dans le Livre de l'Exode de la Bible, il désigne des offrandes sacrificielles dédiées à Dieu. Toutefois, il ne fait pas l'unanimité, en raison de son caractère sacré qui sous-entend un sacrifice des Juifs pour plaire à Dieu. En Allemagne, ce sont les termes de solution finale (Endlösung) ou de destruction (Vernichtung) qui sont les plus couramment employés.

3   L'ANTISÉMITISME AU CENTRE DE LA VISION DU MONDE NAZIE

L'antijudaïsme a une histoire aussi longue que celle du peuple juif, victime de pogroms réguliers et de conversions forcées, surtout orchestrés par les églises chrétiennes au nom de la lutte pour la « vraie foi «. Cette persécution religieuse s’est transformée en antisémitisme au xixe siècle en se parant de fausses analyses scientifiques, qui s’appuient sur des interprétations erronées des hypothèses de Charles Darwin sur l'évolution des espèces. L'antisémitisme se fonde ainsi sur une vision raciale et raciste de l'humanité, qui se retrouve dans toute l'Europe, en Russie où des lois antijuives sont proclamées, en France lors de l'affaire Dreyfus ou en Grande-Bretagne dans les écrits de Houston Stewart Chamberlain.

Ces théories antisémites, Hitler les place au cœur de sa vision du monde : pour lui, l'histoire du monde repose sur l'affrontement entre les peuples, qu’il désigne par le vocable de « races «, et notamment sur la lutte entre Aryens et Juifs. Pour les nazis, le judaïsme représente le Mal absolu, et un complot juif vise à dominer le monde en détruisant les civilisations « supérieures «. En outre, le peuple juif est dit « inférieur «, car il n'a pas de territoire national, « parasite « . L’objectif des nazis est donc de l’éliminer.

Une fois au pouvoir, Hitler applique une politique de discrimination systématique contre les Allemands juifs, puis une politique d'extermination étendue à tous les pays que l’Allemagne contrôle directement ou indirectement à partir du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.

4   PERSÉCUTION DES ALLEMANDS JUIFS DANS L'ALLEMAGNE NAZIE

Des mesures discriminatoires sont prises par les nazis dès l'accession d'Hitler au pouvoir en janvier 1933 : boycott des magasins tenus par des Allemands juifs, aryanisation de leurs biens, exclusion de la fonction publique. Pour appliquer ces mesures, il faut déterminer qui est juif. C'est le critère religieux qui est retenu : le 11 avril 1933, toute personne ayant un parent ou un grand-parent juif est déclarée juive ou demi-juive, et donc susceptible de tomber sous le coup de la loi.

Dès lors, la répression s'organise : apposition de la lettre « J « sur les passeports, création de cartes d'identité spéciales, exclusion des lieux publics, arrestations arbitraires, incarcération dans les camps de concentration ouverts à partir de 1933 pour enfermer les opposants au nazisme (communistes, socialistes, chrétiens…), les homosexuels, les tsiganes, les juifs et les détenus de droit commun. La « Loi pour la protection du sang et de l'honneur allemands « est promulguée le 15 septembre 1935 lors du Congrès de Nuremberg : elle interdit mariage et relations sexuelles entre juifs et non-juifs. Le texte sur la nationalité allemande la complète le 14 novembre 1935 : il exclut de la citoyenneté toute personne ayant soit trois grands-parents juifs, soit deux grands-parents juifs si elle pratique la religion juive ou est mariée à un Juif.

4.1   L’aryanisation de l’économie

Mis au ban de la société politique et civique, les Allemands juifs sont également exclus de la vie économique : ils ne peuvent plus être fonctionnaires, médecins, avocats, artistes. Le régime hitlérien cherche à leur rendre la vie impossible, pour qu'ils s’exilent — mais à la condition qu'ils abandonnent leurs biens. Une économie de pillage des biens juifs se met en place : de 1933 à 1939, le parti nazi entreprend, avec l’aide des organismes publics, des banques et des entreprises, de spolier les biens juifs. Les entreprises juives sont soit mises en liquidation et leurs stocks saisis, soit achetées à une valeur nettement inférieure à leur prix réel, par des entreprises n’appartenant pas à des Juifs. Cette campagne est officiellement appelée « politique d'aryanisation « par l'État nazi. Sans travail, 150 000 Allemands juifs sur 500 000 quittent leur pays, abandonnant tout. Mais à la suite de l'Anschluss, au printemps 1938, on dénombre 185 000 Autrichiens juifs dans le Reich. Le SS Adolf Eichmann crée alors à Vienne l’Agence centrale pour l'émigration juive, qui chasse en six mois le quart des Autrichiens juifs et récupère leurs biens.

4.2   La Nuit de cristal

Dans ce contexte, Joseph Goebbels saisit le prétexte de l'assassinat à Paris d’un diplomate allemand par un jeune Juif pour déclencher à travers toute l'Allemagne la Nuit de cristal : dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938, les synagogues et 7 000 magasins sont incendiés, les cimetières juifs détruits. Les violences sont innombrables et une centaine de personnes sont assassinées. Des milliers de personnes sont arrêtées et internées en camp de concentration. Une amende d'un milliard de marks est infligée aux organisations religieuses. Au nom du principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d'un État, les grandes puissances ne réagissent pas.

5   L’ÉLIMINATION SYSTÉMATISÉE DES JUIFS D'EUROPE

L’élimination des Juifs débute dès septembre 1939, avec l'annexion par l'Allemagne de la moitié de la Pologne où vivent 2 millions de Polonais juifs : les autorités allemandes les regroupent par déportation dans la région de Lublin et dans des ghettos surpeuplés (celui de Varsovie compte 550 000 personnes). La famine est organisée par les nazis (dans le ghetto de Varsovie, chaque personne dispose de 300 calories par jour contre 2 300 pour un Allemand). De la nourriture de contrebande est vendue au marché noir à des prix très élevés, mais la pauvreté et le chômage frappent une grande partie de la population, et les épidémies se développent.

À la même époque, Hitler élabore le plan Madagascar, qui consiste à transférer dans l'île du même nom tous les Juifs d'Europe sous la direction de la SS. Mais la guerre contre la Grande-Bretagne rend ce plan irréalisable, ce qui n’empêche pas l'extermination de s'accélérer encore après le déclenchement de l'offensive allemande contre l'URSS en 1941. Le but de la guerre à l'Est, contre l'URSS, est en effet la destruction du judéo-bolchevisme. Dans l'esprit nazi, communisme et judaïsme se confondent. L'extermination est alors une politique calculée, planifiée et exécutée. À cette fin sont créés des groupes d'intervention mobiles (Einsatzgruppen) de policiers ou de SS chargés d'exécuter dans les territoires conquis sur l'URSS les communistes et les Soviétiques juifs. Des centaines de milliers d'hommes, de femmes et d’enfants disparaissent, comme à Babi Yar, en Ukraine, où en deux jours 33 771 Juifs sont exécutés.

5.1   La « Solution finale «

Un mois après le début des opérations mobiles dans l’URSS occupée, le numéro deux de l’Allemagne nazie, Hermann Göring, envoie une directive au chef de la Gestapo, Reinhard Heydrich, lui confiant la mission de mettre en place une « Solution finale à la question juive « dans toute l'Europe. Dès septembre 1941, les Juifs d’Allemagne et ceux des territoires conquis sont obligés de porter une étoile jaune sur leurs vêtements. Au cours des mois qui suivent, des dizaines de milliers d’entre eux sont déportés vers des ghettos de Pologne et d’URSS.

La gestion administrative de l'extermination se perfectionne et l'ensemble de l'État nazi est mobilisé pour mettre en application la Solution finale. Les responsables nazis, réunis à la conférence de Wannsee le 20 janvier 1942, en font une priorité : il s'agit désormais de mettre en place une industrie de la mort pour accélérer l'efficacité du processus d’élimination.

5.2   Camps de concentration et camps d'extermination

Le système concentrationnaire repose sur des camps de concentration et sur six camps d'extermination.

À Belzec, à Chelmno, à Sobibór et à Treblinka, les arrivants sont immédiatement exécutés dans des camions ou dans des chambres à gaz dans lesquels sont introduits soit du monoxyde de carbone, soit de l'acide prussique ou cyanhydrique (l'insecticide connu sous le nom de Zyklon B).

Auschwitz-Birkenau et Lublin-Majdanek sont des camps mixtes, de concentration et d'extermination. Les déportés qui ne sont pas immédiatement gazés fournissent une main d’œuvre gratuite pour l'industrie allemande, ou sont utilisés comme cobayes par des médecins nazis. Les corps des prisonniers des camps d'extermination, morts en quelques semaines, sont enterrés dans de vastes fosses communes ou brûlés dans des fours crématoires.

Afin de conserver secrets leurs agissements, les autorités nazies privilégient la communication orale, ou accompagnent leurs ordres de la mention écrite « très secret «. Un langage codé, anodin, est utilisé : « traitement spécial « signifie exécution, « évacuation, réinstallation « signifient liquidation physique ; les « actions spéciales « ou les « corvées spéciales « désignent les massacres dans les chambres à gaz. Mais des informations selon lesquelles les Juifs déportés sont exterminés en masse parviennent néanmoins aux Juifs survivants et aux gouvernements des Alliés.

D’autre part, en avril 1943, les 30 000 Juifs qui étaient encore dans le ghetto de Varsovie résistent à la police allemande, venue procéder à la dernière rafle. Les combats durent trois semaines (voir ghetto de Varsovie, insurrection du). Mais les Alliés n'interviennent pas ; ils ne mesurent pas l'ampleur des assassinats et craignent d'être détournés de leur but de guerre, c’est-à-dire la capitulation sans condition de l'Allemagne.

5.3   Les déportations

Les arrestations et déportations des Juifs d'Europe s'accompagnent partout de la confiscation de leurs biens et de la spoliation économique. Ces pillages alimentent le Trésor allemand. Ils enrichissent également les collaborateurs ou de grandes sociétés bancaires et industrielles.

Le transport des déportés s’effectue généralement par le rail, dans des wagons de marchandises scellés, sans eau, nourriture ou sanitaire, aussi beaucoup meurent avant même leur arrivée dans les camps.

Dans les États vaincus, l'ordre allemand se met en place. Dans les pays alliés à l’Allemagne, tels que les États satellites de Slovaquie et de Croatie, les déportations sont négociées sur le plan diplomatique : il ne s'agit pas d'épargner les Juifs par humanité, mais de faire respecter la souveraineté de l'État, comme dans le cas de la Roumanie où le gouvernement, responsable par ailleurs de massacres de grande envergure dans l’URSS occupée, refuse de livrer sa population juive aux Allemands.

En France, le gouvernement de Vichy développe une politique antisémite, de sa propre initiative : le maréchal Pétain signe la loi sur le « Statut des Juifs «, qui les exclut de la communauté nationale dès le 3 octobre 1940, et l'appareil d'État français organise dans toute la France des rafles de populations juives qui, après avoir transité par les camps de Drancy ou de Pithiviers, sont déportées en Allemagne.

Pour sa part, le gouvernement fasciste italien refuse de coopérer avec l’Allemagne nazie — jusqu’à ce que l’Italie soit occupée par les forces allemandes en septembre 1943. De même, la Hongrie est réticente à livrer sa population juive — là encore jusqu’à ce que les troupes allemandes conquièrent le pays, en mars 1944.

6   LE BILAN

À Chelmno, 150 000 personnes sont gazées dans des camions ; à Belzec, 600 000 Juifs, provenant pour la plupart de Galicie, sont exterminés dans des chambres à gaz, 250 000 à Sobibór et entre 700 000 et 800 000 à Treblinka ; à Auschwitz, le nombre de victimes s’élève à plus d’un million.

Mais chiffrer le nombre des disparitions est difficile lorsqu'il s'agit des exécutions sommaires menées par les Einsatzgruppen ou les gardiens des ghettos. Au total, les estimations les plus fiables avancent le chiffre de 5,1 millions de personnes mortes parce que juives. Rapportés aux chiffres des populations juives vivant en 1937, 90 p. 100 des Juifs de Pologne et des pays baltes, 75 p. 100 des Juifs de Grèce, de Tchécoslovaquie et des Pays-Bas, 65 p. 100 des Juifs de Biélorussie et d'Ukraine, 60 p. 100 des Juifs de Yougoslavie et de Belgique et près du tiers des Juifs des autres pays d'Europe ont été exterminés.

6.1   La Shoah après la guerre

Les Juifs d'Europe ont été abandonnés à leur sort pendant la guerre et ils n'ont pu compter que sur eux-mêmes pour survivre et sur quelques rares gestes de solidarité individuels. Le Vatican a gardé le silence. Les Alliés ont donné la priorité à leurs buts de guerre.

La guerre finie toutefois, les Alliés poursuivent en justice devant un tribunal international les responsables nazis survivants lors du procès de Nuremberg. Vingt et un accusés sont jugés, dont Alfred Rosenberg, le théoricien du racisme nazi. Il sont poursuivis pour conjuration, crimes contre la paix, crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Cette dernière inculpation est spécialement forgée pour qualifier la monstruosité des crimes accomplis contre les Juifs d'Europe, qu’on ne découvre qu’au retour des déportés.

Les survivants qui rentrent des camps ne peuvent témoigner, écrasés par l'horreur vécue, ou sont peu entendus. Mais des romanciers, tels Primo Levi ou David Rousset dénoncent le système totalitaire et concentrationnaire.

En 1948, le jugement en Allemagne de 23 responsables des Einsatzgruppen et la condamnation à mort de 13 d'entre-eux, sont rapidement oubliés. Mais les poursuites contre les anciens nazis continuent, car le crime contre l'humanité ne connaît pas de prescription. Ainsi, en 1961, l'affaire Adolf Eichmann, jugée à Jérusalem, souligne de nouveau la singularité de la Shoah, et un véritable travail de mémoire, de souvenir et d'histoire se met en place. De même, le procès Klaus Barbie (1987), en France, conduit la population française a faire face à son passé et l’État à légiférer afin que la Shoah ne puisse être niée.

6.2   La condamnation du négationnisme

L'existence de la Shoah est, en effet, mise en cause sous la plume de Paul Rassinier en 1950. Il est relayé par des militants d'extrême droite, des nostalgiques de l'ordre de Vichy, ou des militants d'extrême gauche hostiles à l'État d'Israël. Se nommant révisionnistes, ces hommes sont, en fait, des négationnistes qui nient la réalité historique, pratiquent amalgames et désinformations pour mieux tenter de réhabiliter les idées racistes nazies et fascistes. Depuis 1990 en France, le négationnisme est un délit poursuivi par les tribunaux.

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