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TEXTE: LE MONDE OU TRAITÉ DE LA LUMIERE, CHAPITRE XI, De la pesanteur. DESCARTES

Publié le 22/02/2012

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descartes
remarquez que, lorsque j'ai dit que les corps les plus solides et les plus massifs tendaient à s'éloigner du centre de quelque ciel, j'ai supposé qu'ils se mouvaient déjà auparavant de même branle que la matière de ce ciel. Car il est certain que, s'ils n'ont point encore commencé à se mouvoir, ou, s'ils se meuvent, pourvu que ce soit moins vite qu'il n'est requis pour suivre le cours de cette matière, ils doivent d'abord être chassés par elle vers le centre autour duquel elle tourne ; puis considérez aussi la matière du ciel, qui remplit non seulement tout l'espace qui est entre les cercles ABCD, et 5, 6, 7, 8, mais encore tous les petits intervalles qui sont au-dessous entre les parties de l'air, de l'eau et de la terre, et pensez que ce ciel et cette terre tournant ensemble autour du centre T, toutes leurs parties tendent à s'en éloigner, mais beaucoup plus fort celles du ciel que celles de la terre, à cause qu'elles sont beaucoup plus agitées ; En sorte que si tout l'espace qui est au-delà du cercle ABCD était vide, c'est-à-dire n'était rempli que d'une matière qui ne pût résister aux actions des autres corps, ni produire aucun effet considérable, car c'est ainsi qu'il faut prendre le nom de vide, toutes les parties du ciel qui sont dans le cercle ABCD en sortiraient les premières, puis celles de l'air et de l'eau les suivraient, et enfin aussi celles de la terre, chacune d'autant plus promptement qu'elle se trouverait moins attachée au reste de sa masse, en même façon qu'une pierre sort hors de la fronde en laquelle elle est agitée, sitôt qu'on lui lâche la corde, et que la poussière que l'on jette sur une pirouette pendant qu'elle tourne s'en écarte tout aussitôt de tous côtés. Or il est évident que cette pierre contenant en soi beaucoup plus de la matière de la terre, et en récompense en contenant d'autant moins de celle du ciel qu'une quantité d'air d'égale étendue, et même ses parties terrestres étant moins agitées par la matière du ciel que celle de cet air, elle ne doit pas avoir la force de monter au-dessus de lui, mais bien lui au contraire doit avoir la force de la faire descendre au-dessous ; en sorte qu'il se trouve léger étant comparé avec elle, au lieu qu'étant comparé avec la matière du ciel toute pure, il est pesant. Et ainsi vous voyez que chaque partie des corps terrestres est pressée vers T, non pas indifféremment par toute la matière qui l'environne, mais seulement par une quantité de cette matière justement égale à sa grosseur, qui, étant au-dessous, peut prendre sa place en cas qu'elle descende ; Mais s'il vous semble que la matière du ciel, faisant ainsi descendre la pierre R vers T au-dessous de l'air qui l'environne, la doive aussi faire aller vers 6 ou vers 7, c'est-à-dire vers l'occident ou vers l'orient, plus vite que cet air, en sorte qu'elle ne descende pas tout droit et à plomb, ainsi que font les corps pesants sur la vraie terre, considérez premièrement que toutes les parties terrestres comprises dans le cercle 5, 6, 7, 8 étant pressées vers T par la matière du ciel, en la façon que je viens d'expliquer, et ayant avec cela des figures fort irrégulières et diverses, se doivent joindre et accrocher les unes aux autres, et ainsi ne composer qu'une masse qui est emportée tout entière par le cours du ciel ABCD, en telle sorte que, pendant qu'elle tourne, celles de ses parties qui sont, par exemple, vers 6 demeurent toujours vis-à-vis de celles qui sont vers 2 et vers F, sans s'en écarter notablement ni çà ni là, qu'autant que les vents ou les autres causes particulières les y contraignent. Puis, afin que vous sachiez qu'encore que la matière du ciel fasse approcher la pierre R de ce centre, à cause qu'elle tend avec plus de force qu'elle à s'en éloigner, elle ne doit pas tout de même la contraindre de reculer vers l'occident, bien qu'elle tende aussi avec plus de force qu'elle à aller vers l'orient-, considérez que cette matière du ciel tend à s'éloigner du centre T, parce qu'elle tend à continuer son mouvement en ligne droite, mais qu'elle ne tend de l'occident vers l'orient que simplement, parce qu'elle tend à le continuer de même vitesse, et qu'il lui est d'ailleurs indifférent de se trouver vers 6 ou vers 7. Et toutefois, afin que vous sachiez aussi qu'encore que cette matière du ciel ait plus de force à faire descendre cette pierre R vers T, qu'à y faire descendre l'air qui l'environne, elle ne doit pas tout de même en avoir plus à la pousser devant soi de l'occident vers l'orient, ni par conséquent la faire mouvoir plus vite que l'air en ce sens-là ; considérez qu'il y a justement autant de cette matière du ciel qui agit contre elle pour la faire descendre vers T, et qui y emploie toute sa force, qu'il en entre de celle de la terre en la composition de son corps, et que, d'autant qu'il y en entre beaucoup davantage qu'en une quantité d'air de pareille étendue, elle doit être pressée beaucoup plus fort vers T que n'est cet air, mais que, pour la faire tourner vers l'orient, c'est toute la matière du ciel contenue dans le cercle R qui agit contre elle et conjointement contre toutes les parties terrestres de l'air contenu en ce même cercle ;

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