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TEXTE: MEDITATIONS METAPHYSIQUES, REPONSES DE L'AUTEUR AUX PREMIERES OBJECTIONS. DESCARTES

Publié le 22/02/2012

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Puis, ayant succinctement accordé les choses qu'il a jugé être suffisamment démontrées, et ainsi les ayant appuyées de son autorité, il est venu au noeud de la difficulté, qui est de savoir ce qu'il faut ici entendre par le nom d'idée, et quelle cause cette idée requiert. Or j'ai écrit quelque part, que l'idée est la chose même conçue, ou pensée, en tant qu'elle est objectivement dans l'entendement, lesquelles paroles il feint d'entendre tout autrement que je ne les ai dites, afin de me donner occasion de les expliquer plus clairement. mais que je parle de l'idée, qui n'est jamais hors de l'entendement, et au respect de laquelle être objectivement ne signifie autre chose, qu'être dans l'entendement en la manière que les objets ont coutume d'y être. mais si on demande de l'idée du soleil ce que c'est, et qu'on réponde que c'est la chose pensée, en tant qu'elle est objectivement dans l'entendement, personne n'entendra que c'est le soleil même, en tant que cette extérieure dénomination est en lui. en telle sorte que l'idée du soleil est le soleil même existant dans l'entendement, non pas à la vérité formellement, comme il est au ciel, mais objectivement, c'est-à-dire en la manière que les objets ont coutume d'exister dans l'entendement : Car il dit, premièrement, qu'une chose ainsi existante dans l'entendement par son idée, n'est pas un être réel ou actuel, c'est-à-dire, que ce n'est pas quelque chose qui soit hors de l'entendement ; Mais néanmoins il ajoute, parce que cette chose est seulement conçue, et qu'actuellement elle n'est pas (c'est-à-dire, parce qu'elle est seulement une idée, et non pas quelque chose hors de l'entendement), elle peut à la vérité être conçue, mais elle ne peut aucunement être causée ou mise hors de l'entendement, c'est-à-dire, qu'elle n'a pas besoin de cause pour exister hors de l'entendement ; Ainsi, si quelqu'un a dans l'esprit l'idée de quelque machine fort artificielle, on peut avec raison demander quelle est la cause de cette idée ; et celui-là ne satisferait pas, qui dirait que cette idée hors de l'entendement n'est rien, et partant qu'elle ne peut être causée, mais seulement conçue ; Car que cette idée contienne un tel artifice objectif plutôt qu'un autre, elle doit sans doute avoir cela de quelque cause, et l'artifice objectif est la même chose au respect de cette idée, qu'au respect de l'idée de Dieu la réalité ou perfection objective. car ou c'est quelque réelle et semblable machine qu'on aura vue auparavant, à la ressemblance de laquelle cette idée a été formée, ou une grande connaissance de la mécanique qui est dans l'entendement de celui qui a cette idée, ou peut-être une grande subtilité d'esprit, par le moyen de laquelle il a pu l'inventer sans aucune autre connaissance précédente. Et il faut remarquer que tout l'artifice, qui n'est qu'objectivement dans cette idée, doit par nécessité être formellement ou éminemment dans sa cause, quelle que cette cause puisse être. Le même aussi faut-il penser de la réalité objective qui est dans l'idée de Dieu. c'est pourquoi il confesse qu'on peut demander pourquoi cette idée contient cette réalité objective plutôt qu'une autre : à laquelle demande il a répondu, premièrement, que de toutes les idées, il en est de même que de ce que j'ai écrit de l'idée du triangle, savoir est que, bien que peut-être il n'y ait point de triangle en aucun lieu du monde, il ne laisse pas d'y avoir une certaine nature, ou forme, ou essence déterminée du triangle, laquelle est immuable et éternelle, et laquelle il dit n'avoir pas besoin de cause. car, encore que la nature du triangle soit immuable et éternelle, il n'est pas pour cela moins permis de demander pourquoi son idée est en nous. Car, en effet, il n'est pas plus probable de dire que la cause pourquoi l'idée de Dieu est en nous, soit l'imperfection de notre esprit, que si on disait que l'ignorance des mécaniques fût la cause pourquoi nous imaginons plutôt une machine fort pleine d'artifice qu'une autre moins parfaite. Car, tout au contraire, si quelqu'un a l'idée d'une machine, dans laquelle soit contenu tout l'artifice que l'on saurait imaginer, l'on infère fort bien de là, que cette idée procède d'une cause dans laquelle il y avait réellement et en effet tout l'artifice imaginable, encore qu'il ne soit qu'objectivement et non point en effet dans cette idée. Et par la même raison, puisque nous avons en nous l'idée de Dieu, dans laquelle toute la perfection est contenue que l'on puisse jamais concevoir, on peut de là conclure très évidemment, que cette idée dépend et procède de quelque cause, qui contient en soi véritablement toute cette perfection, à savoir, de Dieu réellement existant. Et certes la difficulté ne paraîtrait pas plus grande en l'un qu'en l'autre, si, comme tous les hommes ne sont pas savants en la mécanique, et pour cela ne peuvent pas avoir des idées de machines fort artificielles, ainsi tous n'avaient pas la même faculté de concevoir l'idée de Dieu. mais nous oublions une autre chose que l'on doit principalement considérer, et d'où dépend toute la force, et toute la lumière, ou l'intelligence de cet argument, qui est que cette faculté d'avoir en soi l'idée de Dieu ne pourrait pas être en nous, si notre esprit était seulement une chose finie, comme il est en effet, et qu'il n'eut point, pour cause de son être, une cause qui fût Dieu. mais je l'ai principalement et précisément recherchée en tant que je suis une chose qui pense, qui, entre plusieurs autres pensées, reconnais avoir en moi l'idée d'un être souverainement parfait ; Premièrement, parce que cette idée me fait connaître ce que c'est que Dieu, au moins autant que je suis capable de le connaître ; En second lieu, parce que c'est cette même idée qui me donne occasion d'examiner si je suis par moi ou par autrui, et de reconnaître mes défauts. car alors, voyant que dans l'idée du corps il ne se rencontre point une telle puissance, il lui sera aisé d'inférer de là que ce corps n'est pas par soi, et ainsi il prendra ce mot par soi positivement. mais si nous avons auparavant recherché la cause pourquoi il est, ou pourquoi il ne cesse point d'être, et que, considérant l'immense et incompréhensible puissance qui est contenue dans son idée, nous l'ayons reconnue si pleine et si abondante qu'en effet elle soit la vraie cause pourquoi il est et pourquoi il continue ainsi toujours d'être, et qu'il n'y en puisse avoir d'autre que celle-là, nous disons que Dieu est par soi, non plus négativement, mais au contraire très positivement. En l'un desquels il était question de savoir si quelque chose de réel était contenu dans l'idée que nous formons de Dieu, ou bien s'il n'y avait qu'une négation de chose (ainsi qu'on peut douter si, dans l'idée du froid, il n'y a rien qu'une négation de chaleur), ce qui peut aisément être connu, encore qu'on ne comprenne pas l'infini. et remarquer que l'existence possible est contenue dans la notion ou l'idée de toutes les choses que nous concevons clairement et distinctement, mais que l'existence nécessaire n'est contenue que dans l'idée seule de Dieu. Car je ne doute point que ceux qui considéreront avec attention cette différence qui est entre l'idée de Dieu et toutes les autres idées, n'aperçoivent fort bien, qu'encore que nous ne concevions jamais les autres choses, sinon comme existantes, il ne s'ensuit pas néanmoins de là qu'elles existent, mais seulement qu'elles peuvent exister ; Puis, pour ôter l'autre partie de la difficulté, il faut prendre garde que les idées qui ne contiennent pas de vraies et immuables natures, mais seulement de feintes et composées par l'entendement, peuvent être divisées par l'entendement même, non seulement par une abstraction ou restriction de sa pensée, mais par une claire et distincte opération ; Mais si je me représente un triangle, ou un carré (je ne parle point ici du lion ni du cheval, parce que leurs natures ne nous sont pas encore entièrement connues), alors certes toutes les choses que je reconnaîtrai être contenues dans l'idée du triangle, comme que ses trois angles sont égaux à deux droits, etc. et d'un carré, tout ce que je trouverai être contenu dans l'idée du carré ; Mais si je considère que dans l'idée d'un corps très parfait, l'existence est contenue, et cela parce que c'est une plus grande perfection d'être en effet et dans l'entendement que d'être seulement dans l'entendement, je ne puis pas de là conclure que ce corps très parfait existe, mais seulement qu'il peut exister. Car je reconnais assez que cette idée a été faite par mon entendement même, lequel a joint ensemble toutes les perfections corporelles ; Et de plus, à cause qu'en examinant l'idée du corps, je ne vois en lui aucune force par laquelle il se produise ou se conserve lui-même, je conclus fort bien que l'existence nécessaire, de laquelle seule il est ici question, convient aussi peu à la nature du corps, tant parfait qu'il puisse être, qu'il appartient à la nature d'une montagne de n'avoir point de vallée, ou à la nature du triangle d'avoir ses trois angles plus grands que deux droits. Mais si nous examinons soigneusement, savoir, si l'existence convient à l'être souverainement puissant, et quelle sorte d'existence, nous pourrons clairement et distinctement connaître, premièrement, qu'au moins l'existence possible lui convient, comme à toutes les autres choses dont nous avons en nous quelque idée distincte, même à celles qui sont composées par les fictions de notre esprit. et ainsi nous connaîtrons que l'existence nécessaire est contenue dans l'idée d'un être souverainement puissant, non par une fiction de l'entendement, mais parce qu'il appartient à la vraie et immuable nature d'un tel être, d'exister ; et il nous sera aussi aisé de connaître qu'il est impossible que cet être souverainement puissant n'ait point en soi toutes les autres perfections qui sont contenues dans l'idée de Dieu, en sorte que, de leur propre nature, et sans aucune fiction de l'entendement, elles soient toutes jointes ensemble, et existent dans Dieu. , encore que je nie qu'il y ait en lui aucune des choses qui sont contenues en l'idée du corps ;
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« Car, tout au contraire, si quelqu'un a l'idée d'une machine, dans laquelle soit contenu tout l'artifice que l'on saurait imaginer, l'oninfère fort bien de là, que cette idée procède d'une cause dans laquelle il y avait réellement et en effet tout l'artifice imaginable,encore qu'il ne soit qu'objectivement et non point en effet dans cette idée. Et par la même raison, puisque nous avons en nous l'idée de Dieu, dans laquelle toute la perfection est contenue que l'on puissejamais concevoir, on peut de là conclure très évidemment, que cette idée dépend et procède de quelque cause, qui contient ensoi véritablement toute cette perfection, à savoir, de Dieu réellement existant. Et certes la difficulté ne paraîtrait pas plus grande en l'un qu'en l'autre, si, comme tous les hommes ne sont pas savants en lamécanique, et pour cela ne peuvent pas avoir des idées de machines fort artificielles, ainsi tous n'avaient pas la même faculté deconcevoir l'idée de Dieu. mais nous oublions une autre chose que l'on doit principalement considérer, et d'où dépend toute la force, et toute la lumière, oul'intelligence de cet argument, qui est que cette faculté d'avoir en soi l'idée de Dieu ne pourrait pas être en nous, si notre espritétait seulement une chose finie, comme il est en effet, et qu'il n'eut point, pour cause de son être, une cause qui fût Dieu. mais je l'ai principalement et précisément recherchée en tant que je suis une chose qui pense, qui, entre plusieurs autres pensées,reconnais avoir en moi l'idée d'un être souverainement parfait ; Premièrement, parce que cette idée me fait connaître ce que c'est que Dieu, au moins autant que je suis capable de le connaître ; En second lieu, parce que c'est cette même idée qui me donne occasion d'examiner si je suis par moi ou par autrui, et dereconnaître mes défauts. car alors, voyant que dans l'idée du corps il ne se rencontre point une telle puissance, il lui sera aisé d'inférer de là que ce corpsn'est pas par soi, et ainsi il prendra ce mot par soi positivement. mais si nous avons auparavant recherché la cause pourquoi il est, ou pourquoi il ne cesse point d'être, et que, considérantl'immense et incompréhensible puissance qui est contenue dans son idée, nous l'ayons reconnue si pleine et si abondante qu'eneffet elle soit la vraie cause pourquoi il est et pourquoi il continue ainsi toujours d'être, et qu'il n'y en puisse avoir d'autre que celle-là, nous disons que Dieu est par soi, non plus négativement, mais au contraire très positivement. En l'un desquels il était question de savoir si quelque chose de réel était contenu dans l'idée que nous formons de Dieu, ou bien s'iln'y avait qu'une négation de chose (ainsi qu'on peut douter si, dans l'idée du froid, il n'y a rien qu'une négation de chaleur), ce quipeut aisément être connu, encore qu'on ne comprenne pas l'infini. et remarquer que l'existence possible est contenue dans la notion ou l'idée de toutes les choses que nous concevons clairement etdistinctement, mais que l'existence nécessaire n'est contenue que dans l'idée seule de Dieu. Car je ne doute point que ceux qui considéreront avec attention cette différence qui est entre l'idée de Dieu et toutes les autresidées, n'aperçoivent fort bien, qu'encore que nous ne concevions jamais les autres choses, sinon comme existantes, il ne s'ensuitpas néanmoins de là qu'elles existent, mais seulement qu'elles peuvent exister ; Puis, pour ôter l'autre partie de la difficulté, il faut prendre garde que les idées qui ne contiennent pas de vraies et immuablesnatures, mais seulement de feintes et composées par l'entendement, peuvent être divisées par l'entendement même, non seulementpar une abstraction ou restriction de sa pensée, mais par une claire et distincte opération ; Mais si je me représente un triangle, ou un carré (je ne parle point ici du lion ni du cheval, parce que leurs natures ne nous sontpas encore entièrement connues), alors certes toutes les choses que je reconnaîtrai être contenues dans l'idée du triangle, commeque ses trois angles sont égaux à deux droits, etc. et d'un carré, tout ce que je trouverai être contenu dans l'idée du carré ; Mais si je considère que dans l'idée d'un corps très parfait, l'existence est contenue, et cela parce que c'est une plus grandeperfection d'être en effet et dans l'entendement que d'être seulement dans l'entendement, je ne puis pas de là conclure que cecorps très parfait existe, mais seulement qu'il peut exister. Car je reconnais assez que cette idée a été faite par mon entendement même, lequel a joint ensemble toutes les perfectionscorporelles ;. »

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