VALERY et le problème de la liberté
Publié le 22/02/2012
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Mais d'où peut donc venir cette idée que l'homme est libre; ou bien l'autre, qu'il ne l'est pas ? Je ne sais si c'est la philosophie qui a commencé ou bien la police. Après tout, il s'agit ou d'innocenter entièrement les actes de l'homme, quels qu'ils soient, et de l'assimiler à un mécanisme; ou bien de le rendre, comme on dit, responsable, c'est-à-dire de lui conférer la dignité de cause première : on y a employé la logique, le sentiment, toutes les sciences de la nature, et l'on a dépensé d'immenses ressources de savoir, d'ingéniosité, d'éloquence, à poursuivre l'une ou l'autre démonstration. Observez que ce grand procès, s'il a la moindre conséquence, et s'il vaut d'avoir été engagé, n'intéresse pas seulement le moraliste ou le métaphysicien : tout l'orgueil de l'artiste, toute la vanité connue des poètes est en jeu. Une oeuvre est un acte....
... Comment donc se peut-il que l'affaire de la liberté et du libre arbitre ait excité tant de passion et animé tant de disputes sans issues concevables? C'est que l'on y portait sans doute un tout autre intérêt que celui d'acquérir une connaissance que l'on n'eût pas. On regardait aux conséquences. On voulait qu'une chose fût, et non point une autre; les uns et les autres ne cherchaient rien qu'ils n'eussent déjà trouvé. C'est à mes yeux le pire usage que l'on puisse faire de l'esprit qu'on a.
Je ne vois donc point de « Problème de la liberté »; mais je vois un problème de l'action humaine, lequel ne me semble pas avoir été scrupuleusement et rigoureusement énoncé et étudié jusqu'ici, même dans les cas les plus simples. Un acte, excité à partir d'une situation psychique et physiologique de l'individu, est certainement une suite de transformations des plus complexes, et dont nous n'avons encore aucune idée, aucun modèle : il est possible que l'étude de cet acte et les connaissances qui pourront s'y joindre, fassent apparaître la clarté dans cette ténébreuse affaire, dont l'origine est en deux propositions que voici conjointes : « Comment se peut-il que nous puissions faire ce qui nous répugne et ne pas faire ce qui nous séduit? » P. Valéry.
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