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L'amélioration des structures sociales est-elle une condition nécessaire et suffisante de l'amélioration de la moralité ?

Publié le 26/03/2004

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De bonnes structures sociales ne sont donc pas indispensables à la vie morale. Mais, on ne saurait le nier, elles seraient un facteur puissant de progrès moral. Aussi répondrons-nous par l'affirmative à la première partie de la question : l'amélioration des structures sociales est une condition nécessaire de l'amélioration de la moralité. A. Point de vue économique. - Une augmentation de bien-être n'entraîne pas automatiquement une élévation du niveau moral. Bien plus, au-delà d'un certain degré, la facilité de la vie et l'abondance des plaisirs débilitent et détourent de l'idéal. Il n'en reste pas moins qu'un certain bien-être, en règle générale, est favorable ou même nécessaire à la moralité. Quand le ventre crie famine, quand on a froid ou qu'on est anxieux du lendemain, ou encore quand on est pris par un travail épuisant et qui ne laisse aucun instant de liberté, il n'est pas facile de s'élever aux belles considérations que nous proposent les moralistes. Ensuite, dans des circonstances inhumaines d'existence, l'individu est naturellement porté à satisfaire ses besoins par des moyens que condamne la morale : il vole, il ment.

« II.

— CONDITION SUFFISANTE Mais suffit-il d'introduire de bonnes structures sociales pour que se produise infailliblement une amélioration de lamoralité ? A.

En quel sens on peut en clouter. — A première vue, il semble bien qu'à cette seconde question il convient de faire une réponse négative.On pourrait faire valoir d'abord que la valeur morale augmente avec la difficulté ; par suite, une organisation socialedans laquelle le devoir serait accompli sans effort constituerait, du point de vue de la moralité, un recul et non unprogrès.

Mais cette observation repose sur un postulat erroné : c'est l'attachement au bien, et non l'effortnécessaire pour l'accomplir, qui fixe le niveau moral de chacun ; la grandeur de la difficulté vaincue ne fournit qu'uneoccasion de mesurer la force de cet attachement ; cette force est tout aussi réelle lorsque, par suite des facilitésde la vie, elle n'est pas mise à l'épreuve. Il y a une objection plus sérieuse à faire à ceux qui prétendent réformer les hommes en changeant les structuressociales : cet attachement au bien qui fait la moralité est affaire de détermination individuelle, et rien ne peut laremplacer ; vous ne pouvez pas vouloir à ma place et pas davantage l'assemblée législative ou les organismes qu'elleaura institués.

Bien plus, une structure sociale capable d'assurer infailliblement la moralité des hommes lestransformerait en robots, alors que la liberté est la condition première de toute vie morale.D'ailleurs, il est chimérique d'imaginer un monde si bien organisé que la vertu y serait aussi facile que le vice et d'oùla tentation serait bannie.

L'ordre moral exigera toujours, sur terre, un choix personnel, qui ne se fera pas sanssacrifices. B.

En quel sens on peut l'affirmer. — Mais ces critiques prêtent aux réformateurs sociaux des prétentions que du moins les plus sages d'entre eux ne formulent pas : il s'agit, non pas d'assurer une fidélité quasi automatique à la loimorale, mais seulement d'obtenir une amélioration de la moralité ; cette amélioration affecterait, non tous lesmembres du corps social individuellement, mais le corps social lui-même, dans lequel serait créé un nouveau climat.Or, ce résultat, une amélioration des structures sociales suffirait à l'obtenir.

Il est d'abord incontestable qu'elleatténuerait la lutte entre les hommes et les haines suscitées par les injustices résultant de l'organisation actuelle.Ensuite, il est permis de croire que la moralité elle-même, c'est-à-dire le sens et le respect de la dignité humaine, enserait améliorée : ils sont légion, en effet, les hommes de bonne volonté auxquels une amélioration des conditionsd'existence permettrait de se rapprocher de l'idéal ; cette observation ne s'applique pas seulement aux travailleursbesogneux, elle vaut aussi, à l'autre extrémité de l'échelle sociale, de ceux pour lesquels une trop grande fortune etsurtout une trop grande facilité de gagner de l'argent constitue une source de constantes tentations.

Qu'à cettemasse de médiocres ou de faibles on procure des conditions de vie morale plus facile, et ils rentreront dans l'ordre.Ils n'y rentreront pas seuls car, comme le dit le proverbe, personne n'est bon ou mauvais uniquement pour soi :l'exemple est plus efficace que les exhortations, et le progrès moral d'une catégorie particulière entraînenécessairement une amélioration de la moralité générale. Conclusion.

— On peut donc soutenir, nous semble-t-il, à la condition de ne pas majorer l'affirmation de cette thèse, que l'amélioration des structures sociales est une condition nécessaire et suffisante d'une amélioration de lamoralité générale.

Ainsi peut se justifier, si elle est bien comprise, une maxime qui naguère choquait bien des esprits: « Politique d'abord ».

Maxime inadmissible si « d'abord » exprime un ordre de valeurs, mais parfaitement justifiablesi ce mot n'indique qu'un plan d'action et si on entend par « politique », non la lutte des partis pour la conquête dupouvoir, mais le gouvernement des Etats : la politique, comme les transformations de structures sociales, n'estqu'un moyen, mais c'est le premier moyen à mettre en oeuvre pour obtenir une amélioration morale de l'homme.Nous ne sommes pas pour autant près du but, car il reste à résoudre un problème dans la solution duquel la divisiondes penseurs semble atteindre son maximum : quelle serait la bonne structure de la société ? Aussi la réponse à laquestion posée reste-t-elle théorique.

Si les structures sociales étaient améliorées, il s'ensuivrait une améliorationde la moralité, mais il est difficile de déterminer avec certitude les changements de structure qui constitueraient uneamélioration.. »

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