Britannicus Acte II Scène 2
Publié le 16/01/2011
Extrait du document
Comment le récit de l'enlèvement de Junie révèle-t-il de la part de Néron un amour ambigu ?
I. Un récit en contraste
A. Le récit de deux visions
récit d'une vision réelle :
temps : cette nuit
lieu : "en ces lieux"= le palais
temps verbaux :
imparfait -> description)
passé composé -> récit d'action // passé simple (C'est le récit de l'enlèvement de Junie)
un début/une fin : arriver -> passer
un autre récit d'une scène imaginaire :
succède à l'autre : "je l'ai laissée passer dans son appartement", "J'ai passé dans le mien" remplace la vision réelle, dès qu'elle s'achève, par une scène imaginaire
seulement à l'imparfait : aspect duratif : plaisir à s'imaginer cette scène.
Pas de lieu, pas d'indice sur le moment.
A priori long moment puisque imparfait (durée) + "quelquefois"
imaginaire : "Je croyais" (vers 20) C'est la beauté du tableau qui provoque la naissance de la rêverie.
B. Un tableau en clair obscur
tableau : souvenir présenté comme une vision : "je l'ai vue"
vision statique, pas de fin au récit : C'est seulement l'arrivée de Junie ; majorité d'imparfaits
tableau en clair obscur :
obscurité/lumière vers 7 (tétramètre : beauté)
les ombres/les flambeaux vers 11
dualité accordée à la dualité de la scène
opposition des vêtements : "simple appareil" /ravisseurs en armes
opposition douceur/ violence : larmes /armes douceur/ravisseur
A la fois un souvenir et une rêverie dans un récit qui est surtout un tableau tout en contraste.
Place le texte sous le signe de la dualité, et de l'ambiguïté qui caractérise aussi l'amour de Néron.
II. Néron amoureux
A. Le ravissement :
Passivité de Néron :
position inactive : " Immobile", participes passés : "saisi" accentue l'immobilité par le sens du verbe + complément d'agent "long étonnement" (où sens étymologique frappé de stupeur < tonnerre)
excité (vers 4), " ravi "(vers 14),"occupé"(vers 24)
Absence du contrôle de soi :
vers 15 mutisme
opposition entre la volonté de Néron (" j'ai voulu ") et la réaction du corps :" " ma voix s'est perdue "
impossibilité d'échapper au souvenir (vers 19)
2 vers de conclusion : insomnie où rime à l'hémistiche + à la rime les détache pour mettre en relief l'obsession de Néron
impossibilité d'aller la voir : vers 17-18
impossibilité de déterminer les raisons de son ravissement (vers 10" Je ne sais ")
Il s'agit d'un ravissement qui témoigne de l'excès.
B. L'excès
rectification hyperbolique : "J'idolâtre Junie" : allitération en J et assonance en i : plaisir de la sonorité du nom de l'aimée ?
"pour toute ma vie/opposé à "moment" : antithèse qui révèle la soudaineté de l'amour
"trop présente" : insistance sur l'obsession.
Amour qui par son excès même et par ce qu'on sait de Néron inquiète.
III. Un tyran en puissance ?
A. Une scène de terreur
situation : Junie enlevée en pleine nuit par des officiers et ignorant la raison
insistance sur les yeux de Junie qui implore le ciel (vers 6) : goût pour l'innocente victime + triste (XVIIe) = malheureux
vocabulaire de la violence mis en relief par le contraste douceur/ victime : arracher vers 9 (enjambement), flambeaux, cris, farouche aspect, fiers ravisseurs.
B. La perversion
voyeurisme de Néron qui se nourrit de cette vision pour fantasmer toute la nuit ensuite
amour d'une image seulement : Junie = une idole = l'incarnation de l'innocence, d'où champ lexical du regard : son image le poursuit + "j'idolâtre" : aime en Junie non pas la personne (pas d'échange) mais ce qu'elle représente.
un sadique en puissance : dans la peinture du souvenir, se plaît à insister sur l'opposition violence/douceur à plusieurs reprises + propension à jouir de la souffrance infligée à autrui + dans sa rêverie : réitère la scène, mais cette fois c'est lui qui est en action et qui inflige la souffrance, et qui l'aime : vers 21 + menace mais sadisme réversible en masochisme :" trop tard, je lui demandais grâce
" scène imaginée où de toute façon elle est celle qui se refuse puisqu'il essaie de la convaincre : même dans la rêverie, ne rêve pas à l'accomplissement de l'amour mais simplement au désir : confirme que Junie = une idole, et lui un pervers.
CONCLUSION
Tirade sous le signe du double : amour doublé de perversion, passivité et violence, clair-obscur, amour qui introduit une scission en Néron : ne se commande plus, il en devient inquiétant. Il est surprenant pour le spectateur que les premières paroles de Néron soient des paroles d'amour alors qu'il nous a été présenté dans l'acte I comme un monstre. Mais au sein même de ce discours amoureux s'exprime sa cruauté : amour et violence sont toujours chez Racine intimement liés.
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