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Commentaire comparatif des textes de Flaubert et Laforgue

Publié le 07/06/2011

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Commentaire comparatif des textes de

Flaubert et Laforgue

 

L’ennui et la mort sont des thèmes fréquents dans la littérature. Gustave Flaubert et Jules Laforgue, à leurs manières, suivent cette tradition. Le premier décrit dans le chapitre 9 de la première partie de Madame Bovary le monde provincial dans lequel Emma évolue. Jules Laforgue, quant à lui, présente dans sa Complainte d’un autre dimanche le dégoût de la vie à travers des allusions picturales. Dans quelle mesure peut-on comparer ces deux textes de genres différents ? La dimension descriptive de ces deux écrits sera d’abord étudiée, puis nous verrons comment ils peuvent s’inscrire dans la lignée du spleen baudelairien. Enfin, nous nous interrogerons sur la visée de ces textes.

            Ces deux textes sont de nature descriptive. En effet, le lecteur peut relever les outils de la langue propres à la description. Flaubert comme Laforgue utilise l’imparfait descriptif « elle était triste », « le vent, sur la grande route, soufflait » dans l’extrait 1. Dans Complainte d’un autre dimanche on note au vers 1 « c’était un très… », ce qui permet de planter le décor. De plus, les auteurs utilisent des compléments circonstanciels qui permettent de localiser les lieux : on peut prendre comme exemple «sur les toits», «sur la grand route», «au loin» dans Madame Bovary et «en plein», «dans cette chambre» chez Laforgue. On trouve également des adjectifs épithètes, des propositions relatives et des compléments du nom qui permettent aux lecteurs de s’imaginer la scène : «sonnerie monotone, coups fêlés, sabots cirés, les petits enfants qui sautillaient nu-tête devant eux». De même, Laforgue utilise ces procédés : «très au-vent d’octobre, glabre paysage, couchant mal bâti, bandages livides». Le romancier comme le poète donnent à voir au lecteur.

            Mais ils convoquent également d’autres sens, ils donnent à voir et à entendre. Pour l’ouïe le vent est présent dans les deux textes et son bruit est suggéré par des sonorités choisies par les auteurs : « Le vent (…) soufflait des traînées de poussières. » chez Flaubert et chez Laforgue « des rafales encor plus mesquines ». Pour la vue, on note de nombreux adjectifs comme « blanchâtre, rayons pâles » chez Flaubert et «mals blancs, tuiles sales, bandages livides» chez Laforgue. Ainsi le lecteur est plongé dans un autre univers.

            Les écrivains nous décrivent, pour l’un, un petit village de province, avec ses habitants, leurs vies monotones et le petit jardin d’Emma. Pour l’autre, c’est une chambre parisienne avec vue sur le Val de Grâce qui est présentée. Bien que les deux textes appartiennent à des genres différents, roman et poésie, tous deux décrivent des lieux.

 

            Ces deux textes peuvent évoquer le spleen baudelairien. La nature joue un rôle important et affecte le moral des humains. Le jour joue un rôle essentiel, dans les deux textes : il s’agit du dimanche, symbole de l’ennui et de la tristesse. La saison est triste, c’est l’automne pour Laforgue et l’hiver pour Flaubert, le vent souffle, la lumière est terne, les arbres comme la vigne ont perdu leurs feuillages. Flaubert utilise une comparaison avec un «serpent malade» pour décrire les sarments de vigne et Laforgue utilise une métaphore pour faire allusion aux branches dénudées des glycines : « la vigne comme un grand serpent malade », « les squelettes des glycines ».

            Un bestiaire particulièrement suggestif apparaît dans les deux écrits. Dans Madame Bovary, il y a « un chien » qui « hurlait », « un grand serpent malade » et « des cloportes à pattes nombreuses » qui se traînent. Ces animaux inspirent le dégoût comme chez Laforgue où le lecteur retrouve une « sordide limace ».

            Chez Flaubert, les thèmes de l’ennui et de la solitude sont présents comme dans le spleen baudelairien. Il se manifeste par l’utilisation de rythmes ternaires tout au long de l’extrait : « Elle écoutait, dans un hébétement attentif, tinter un à un les coups fêlés de la cloche. », « et la cloche, à temps égaux, continuait sa sonnerie monotone qui se perdait dans la campagne. » Ces rythmes instaurent une monotonie qui est propre à l’ennui d’Emma. L’utilisation de l’imparfait de valeur itérative vient renforcer l’idée de répétition et de lassitude : « on sortait, étaient chargés, il fallait… ». Emma est également seule, elle ne se mélange pas aux autres comme Flaubert le montre en utilisant les pronoms indéfinis « on » et « tout ». En effet, on peut être étonné de voir que les humains sont évoqués comme des objets : « tout rentrait chez soi. » Ils forment donc un bloc dont Emma ne fait pas partie. Un sentiment d’enfermement est également perceptible dans le dernier paragraphe car on a l’impression qu’Emma reste enfermée tout l’hiver excepté quand le soleil brille : « les jours qu’il faisait beau, elle descendait dans le jardin. » Tous ces éléments renvoient le lecteur au spleen baudelairien. En effet les mêmes sentiments d’enfermement, de solitude et d’ennui sont éprouvés.

            Laforgue rend la monotonie par la structure de la complainte avec la reprise à la rime du dernier mot du premier vers et du dernier mot du cinquième vers. Mais il va beaucoup plus loin car c’est le dégoût qui l’emporte sur la lassitude. Le lecteur est complètement dégoûté par les images fortes qu’il utilise. Par exemple, il compare des guêtres pendues à  des mals blancs qui souilleraient le paysage : cette comparaison est particulièrement répugnante par son allusion au pus qui sera repris au vers suivant par le participe présent  « suppurant du livide ». Ces allusions vont crescendo car on passe du pus et de la maladie à l’agonie. Nous sommes bien en présence d’un poème évoquant le spleen baudelairien.

 

            Malgré toutes les ressemblances que nous avons énoncées, il y a des différences importantes. En effet, Flaubert utilise un narrateur omniscient  et crée un personnage fictif, à travers sa vie monotone et ennuyeuse, c’est la province qu’il critique. Une province où la vie est terne, où les hommes passent leurs soirées à l’auberge, où les femmes portent des sabots et où même les statues sont décrépites.

            Chez Laforgue c’est plus une autocritique qui est faite. En effet, il décrit son mal-être. Il y a une opposition entre les trois premiers quintils et le dernier dans lequel  il se sermonne lui même. Cela est perceptible par l’emploi des pronoms « je » et « tu ». Il est en colère contre lui même, on le note par les nombreuses exclamations. L’utilisation du pronom « tu » traduit soit un dédoublement de personnalité, soit la prise de distance entre son personnage de poète maudit et sa vraie personnalité. Le jeu de mot « Qu’est-ce que je fais (…) des vers. (…) ô sordide limace ! » renforce cette idée et montre le côté inutile de la littérature.

 

            Pour conclure, je pense que ces deux textes se ressemblent en beaucoup de points mais restent différents par leurs formes et leurs contenus. Le premier reste un passage de roman à caractéristiques réalistes et l’autre est une complainte qui traduit le mal être.

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