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Est-il déraisonnable de croire en Dieu ?

Publié le 04/09/2005

Extrait du document

dieu
Votre raison n'est pas plus blessée, en choisissant l'un que l'autre, puisqu'il faut nécessairement choisir. Voilà un point vidé. Mais votre béatitude ? Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu'il est, sans hésiter. »   Le pari de Pascal n'est cependant raisonnable que parce que la branche de l'alternative qu'il choisit, si elle est vraie, apporterait plus de bénéfices que l'autre. C'est le moins mauvais des choix. Cependant, notre raison reste tendue entre deux extrêmes : entre ce « il faut choisir » (nous avons montré en première partie qu'on ne pouvait pas faire autrement que de croire, par commodité) et le doute qui subsiste toujours quant à l'existence de Dieu. Notre raison, si elle se veut honnête, lutte contre elle-même : elle ne peut pas ne pas croire, mais elle se sent potentiellement dans l'erreur.

Intérêt de la question :

Que faut-il entendre par "déraisonnable" ? On pense à l'idée de preuve rationnelle de l'existence de dieu, mais aussi à l'idée de forte probabilité comme le fait Pascal. Mais, ne faut-il distinguer "rationnel" et "raisonnable" : les maths sont rationnelles, et en ce sens qui n'y adhère pas est dans l'erreur, mais certains comportements sont raisonnables, et ne pas y souscrire est, non pas une erreur, mais une attitude moralement négative, ou insensée ? Ne pas respecter le "rationnel", c'est faire une erreur, ne pas respecter le "raisonnable", c'est fauter voire pêcher. La raison peut-elle toujours justifier la croyance en Dieu ? Pourquoi serait-il plus déraisonnable que raisonnable de croire en Dieu ? Dans quelle mesure croire en Dieu serait-il absurde, contraire à la raison ? La croyance en Dieu relève de la conviction et non de la certitude. Pour Kant, c'est une certitude morale et non logique. Dieu est indémontrable ; il n'est pas rationnel (la croyance s'oppose à la science, mais dépasse l'opinion). Pourquoi la raison et la foi seraient-elles incompatibles ? La croyance est-elle nécessairement irrationnelle ? Ne peut-on choisir de croire librement et raisonnement ? Le doute pascalien montre que la raison est en exercice dans la foi, la croyance n'est pas qu'une adhésion passive à un dogme, elle nécessite une délibération, un pari. L'adhésion à un dogme religieux a aussi son efficacité : celle de moraliser l'homme. La religion est une forme de sociabilité comme le montrera Rousseau. Références utiles : Pascal, les Pensées ; Kant, Critique de la raison pure.

Afin de montrer que la question de notre sujet pose véritablement problème, sans quoi il n'y aurait aucun intérêt à le traiter, nous remarquons le fait suivant : la croyance en Dieu dans les sociétés modernes industrialisées décroît. Il semble qu'aujourd'hui, les sciences, d'une part permettent une compréhension plus précise de la nature (nous disposons par exemple d'hypothèses sur l'origine de l'univers), d'autre part accroissent le niveau de bien-être, la santé, etc. : le besoin de croire en Dieu a irrémédiablement chuté quand les sciences ont proposées des réponses fortes aux questions religieuses majeures, à tel point qu'il parait aujourd'hui déraisonnable de croire en Dieu. Pourtant, il demeure un certains nombres de questions sur lesquelles, pour l'instant, la science semble buter. Par exemple, pourquoi y a-t-il un ordre de la nature et pas un chaos désorganisé ? Ou encore pour reprendre l'interrogation de Leibniz, pourquoi y a-t-il quelque chose et non pas rien ? Seules les religions, dont la clé de voûte est la croyance en Dieu proposent aujourd'hui des réponses à ces questions, alors qu'on ne peut que supposer que la science y répondra plus tard. D'où notre question : Est-il déraisonnable de croire en Dieu ?

Analyse des notions du sujet :

  • « raisonnable « peut s'interpréter de deux manières : premièrement, est raisonnable le choix qui paraît à un moment donné être le plus opportun, ou apporter le plus de bénéfices. C'est le sens courant du mot. Deuxièmement, « raisonnable « se rapporte à « raison « : est raisonnable ce qui résulte d'un calcul de la raison, et non par exemple d'un caprice de la sensibilité.

  • La croyance est une acceptation sans preuve, du moins, sans preuve complète. Elle se meut donc dans le probable, et repose parfois sur une illusion. Ainsi, une part de doute demeure toujours dans la croyance, ce qui est un moyen de la différencier de la foi, qui est une croyance absolument ferme.

  • Enfin, « Dieu « peut être le dieu des religions ou celui des philosophes

Problématisation

Croyance et raison semble s'exclurent mutuellement : comment en effet la raison qui veut rester honnête peut-elle accepter une proposition (par exemple : « Dieu existe «) alors qu'un doute demeure ? Aussi nous posons nous dans un premier temps la question suivante, qui englobe celle de notre sujet :

 

dieu

« delà de la faculté conceptuelle du grand nombre pour que l'on puisse prétendre que la nouvelle en soit déjàparvenue, bien moins encore, que d'aucuns se rendent compte de ce qui s'est réellement passé, comme de tout cequi doit désormais s'effondrer, une fois ruinée cette croyance, pour avoir été fondée sur elle, et pour ainsi direenchevêtrée en elle : par exemple notre morale européenne dans sa totalité. Cette longue et féconde succession de ruptures, de destructions, de déclins, de bouleversements, qu'il faut prévoirdésormais : qui donc aujourd'hui la devinerait avec assez de certitude pour figurer comme le maître, l'annonciateurde cette formidable logique de terreurs, le prophète d'un obscurcissement, d'une éclipse de soleil comme jamais il nes'en produisit en ce monde [...] ? D'où vient que même nous autres, nous envisagions la montée de cetobscurcissement sans en être vraiment affectés, et surtout sans souci ni crainte pour nous-mêmes ? Subirions-noustrop fortement peut-être l'effet des conséquences immédiates de l'événement - conséquences immédiates qui pournous autres ne sont, contrairement à ce que l'on pourrait peut-être en attendre, nullement affligeantes niassombrissantes, mais bien plutôt comme une lumière, une félicité, un soulagement, un égaiement, un réconfort, uneaurore d'une nouvelle sorte qui ne se décrit que difficilement... En effet, nous autres philosophes, nous autres "esprits libres", à la nouvelle que le "vieux dieu est mort", nous noussentons comme touchés par les rayons d'une nouvelle aurore : notre coeur, à cette nouvelle, déborde dereconnaissance, d'étonnement, de pressentiment, d'attente - voici l'horizon à nouveau dégagé, encore qu'il ne soitpoint clair, voici nos vaisseaux libres de reprendre leur course, de reprendre leur course à tout risque.

» Le texte de Nietzsche répond en apparence de manière radicale, non pas à la question : « la raison peut-ellecroire ? » mais à celle du sujet.

Il faudrait pourtant se garder de dire qu'avec Nietzsche, puisque Dieu est mort, ilest déraisonnable d'y croire.

« Dieu est mort » signifie plutôt que l'évaluation « Dieu » (tout est interprétation ouévaluation selon Nietzsche), n'est plus une commodité utile.

Autrement dit, nous n'en avons plus besoin.

Il est aucontraire temps de créer, et c'est désormais possible, de nouvelles valeurs (c'est le sens du dernier paragraphe). Les valeurs, ce que nous croyons être vrai, sont toujours des commodités pour la raison (au sens large, c'est-à-direpour l'esprit).

Ce sont certes des illusions ; pourtant, la raison ne saurait s'en passer.

Autrement dit : la raison nepeut pas ne pas croire (en la validité ou vérité d'une valeur).

Raison et croyance ne s'excluent donc pas.

Lacroyance devient au contraire le mode normal de fonctionnement de la raison : il n'est pas déraisonnable de croire,tant que, pour Nietzsche, nous croyons (ou évaluons) de manière à toujours affirmer notre force, à ne jamais nier lemouvement de la vie. Nietzsche affirme la mort de Dieu en tant qu'évaluation, il ne démontre toutefois pas que Dieu n'existe pas.

Notreseconde question conserve donc sa pertinence : II – En quel Dieu est-il raisonnable de croire ? Avec Nietzsche, nous avons affirmé la mort de Dieu, c'est-à-dire, l'inutilité de l'évaluation « Dieu ».

Nous n'avonspourtant pas démontré qu'il n'existait pas, ce qui est impossible.

Le doute subsistera donc toujours.

C'est en cesens que l'on peut trouver raisonnable le fameux pari de Pascal (in : Les Pensées ) « — Examinons donc ce point, et disons : «Dieu est, ou il n'est pas.» Mais de quel côté pencherons-nous ? La raisonn'y peut rien déterminer : il y a un chaos infini qui nous sépare.

Il se joue un jeu, à l'extrémité de cette distanceinfinie, où il arrivera croix ou pile.

Que gagerez-vous ? Par raison, vous ne pouvez faire ni l'un ni l'autre; par raison,vous ne pouvez défaire nul des deux. Ne blâmez donc pas de fausseté ceux qui ont pris un choix; car vous n'en savez rien. — Non; mais je les blâmerai d'avoir fait, non ce choix, mais un choix; car, encore que celui qui prend croix et l'autresoient en pareille faute, ils sont tous deux en faute : le juste est de ne point parier. — Oui, mais il faut parier; cela n'est pas volontaire, vous êtes embarqué.

Lequel prendrez-vous donc ? Voyons.Puisqu'il faut choisir, voyons ce qui vous intéresse le moins.

(...) .Votre raison n'est pas plus blessée, en choisissantl'un que l'autre, puisqu'il faut nécessairement choisir.

Voilà un point vidé.

Mais votre béatitude ? Pesons le gain et laperte, en prenant croix que Dieu est.

Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout; si vous perdez,vous ne perdez rien.

Gagez donc qu'il est, sans hésiter.

» Le pari de Pascal n'est cependant raisonnable que parce que la branche de l'alternative qu'il choisit, si elle est vraie,apporterait plus de bénéfices que l'autre.

C'est le moins mauvais des choix.

Cependant, notre raison reste tendueentre deux extrêmes : entre ce « il faut choisir » (nous avons montré en première partie qu'on ne pouvait pas faireautrement que de croire, par commodité) et le doute qui subsiste toujours quant à l'existence de Dieu.

Notre raison,si elle se veut honnête, lutte contre elle-même : elle ne peut pas ne pas croire, mais elle se sent potentiellementdans l'erreur. Aussi nous demandons-nous s'il ne serait pas possible d'envisager un dieu dont l'existence de pourrait être niée,. »

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