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LE DROIT ET LA FORCE

Publié le 09/02/2011

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Thomas Hobbes (1588-1679) développe cette thèse en son Leviathan. Pour lui, le droit se ramène dans tous les cas à la force, mais il distingue deux moments dans l'histoire de l'humanité : l'état de nature et l'état politique1. Dans l'état de nature, pour Hobbes — comme pour Spinoza qui reprend ce thème — le droit de chacun est très exactement mesuré par sa puissance réelle. Spinoza dira ainsi que les poissons ont le droit de nager et les gros poissons le droit de manger les petits ; tout ce qui est possible est permis. Le droit s'étend aussi loin que la puissance et cela se justifie pour Spinoza dans un contexte panthéiste puisque Dieu est par lui identifié à la nature, toute force naturelle n'est qu'une parcelle de la puissance même de Dieu.

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« chef d'entreprise désire trouver devant lui des employés «libérés» de ces syndicats organisés qu'étaient lescorporations, des ouvriers isolés et sans défense devant leurs maîtres bourgeois. Bien entendu, Marx ne s'indigne nullement de cette situation (il ne se fait jamais l'apôtre d'une justice absolue,indépendante des puissances de l'histoire).

Les bourgeois de 1789 avaient raison puisqu'ils étaient les forcesmontantes de l'histoire.

Et Marx ne manque pas de rendre hommage au grand capitalisme qui a modernisé les vieillessociétés agricoles.

Si, pour Marx, le droit bourgeois ne vaut plus rien aujourd'hui, c'est qu'il exprime l'égoïsme d'uneclasse sociale décadente qui, demain, n'aura plus aucune force.

Le droit authentique se confond avec les intérêtsde la classe ouvrière parce que c'est la classe qui est «dans le sens de l'histoire», c'est la classe quenécessairement l'évolution du monde portera au pouvoir demain. Remarquons cependant que de telles théories — développées par les marxistes en de savants ouvrages — sontd'ordinaire assez dissimulées par les orateurs politiques et les journalistes.

Ils savent que ces idées n'auront aucuneprise sur leurs lecteurs.

Le lecteur populaire, en effet, ne désire pas la révolution parce qu'elle est «dans le sens desforces de l'histoire», il la désire parce qu'il la croit juste.

Car la conscience distingue spontanément ce que toutesles théories précédentes s'ingénient à confondre : à savoir le fait et le droit. En effet, qu'il s'agisse de Hobbes, de Hegel, de Marx, le droit est confondu avec la force, la valeur avec l'être,l'ordre de ce qui doit être avec l'ordre de ce qui est.

Or, la conscience proteste contre cette confusion.

Tout lemonde conviendra (si l'on veut bien faire abstraction des théories) que je peux avoir raison et cependant êtrevaincu.

La distinction du plus valable et du moins valable est d'un tout autre ordre que la distinction du plus fort etdu moins fort. A quoi bon parler de droit si le droit se confond avec la force ? « Supposons, écrit Rousseau...

ce prétendu droit duplus fort, je dis qu'il n'en résulte qu'un galimatias inexplicable.

Car, sitôt que c'est la force qui fait le droit, l'effetchange avec la cause...

Sitôt qu'on peut désobéir impunément, on le peut légitimement.

Et puisque le plus fort atoujours raison, il ne s'agit que de faire en sorte qu'on soit le plus fort! Or, qu'est-ce qu'un droit qui périt quand laforce cesse ? On voit donc que ce mot de droit n'ajoute rien à la force ; il ne signifie ici rien du tout ». Or, nous constatons que même le vainqueur injustifié et brutal parle de droit plus que quiconque.

Hitler et lesexterminateurs des camps nazis ne se prétendaient-ils pas « les champions du droit et de la civilisation»? Leurpropagande hypocrite était tout à fait révélatrice.

Elle montrait que la force brutale cherche toujours à se masquersous des prétextes honorables.

Car la force brutale serait sans pouvoir sur les consciences.

C'est l'opinion, non laforce, qui soumet les hommes, notait Pascal.

La force doit pour régner se faire passer pour le droit.

Tenons pourassuré qu'il serait radicalement impossible de mobiliser une nation pour une guerre qui franchement s'avoueraitinjuste et immorale! Mais la valorisation hypocrite de la force n'est-elle pas une sorte d'hommage que la forcebrutale rend au droit ? Devons-nous conclure pourtant que force et droit sont choses radicalement différentes et absolument étrangèresl'une à l'autre? Dirons-nous par exemple qu'il suffit d'avoir le bon droit pour soi et que, dans ces conditions, peuimporte qu'on soit victorieux ou vaincu? Mais un droit qui renoncerait à triompher sur le plan du réel, un droitdédaigneux de son incarnation concrète ne serait pas autre chose qu'un rêve.

Certes, identifier le droit à la forcetriomphante c'est adopter une morale de la violence qui n'est plus une morale.

Mais adopter, à l'inverse, une théoriepurement idéaliste, c'est laisser la valeur s'évanouir dans le rêve.

Faite pour élever, la morale n'est pas faite pourexiler.

Tout droit doit s'efforcer d'acquérir «force de loi».

A l'égard du réel, la morale ne doit être ni une simpleacceptation, ni une évasion désincarnée mais elle se doit d'être une incarnation effective des valeurs dans le réel. Mais nous abordons ici un problème très délicat.

Si le bon droit a le devoir de s'incarner, faut-il donc accepter lalutte contre l'injustice et éventuellement la violence? Reconnaissons que l'idéal de non-violence absolue estimpensable sans contradiction : admettons, s'il ne s'agit que de ma personne, que j'aie le droit de me laisser immolersans résistance par l'ennemi injuste.

Mais si je refuse de me porter au secours de mon ami molesté, je deviens enquelque sorte le complice de ses agresseurs.

Si j'opte pour la non-violence dans un monde où en fait la violenceexiste, je me rends complice, consciemment ou non, des brutaux au profit desquels la violence s'exerce. La légitimation de la violence doit rester exceptionnelle, cependant, car on ne saurait justifier systématiquement laréalisation d'une fin morale par des moyens immoraux.

Machiavel, il est vrai, pense qu'en politique (où l'action metenjeu des intérêts très importants, qui concernent des nations entières), un but conforme au bon droit justifietoujours des moyens abominables : Annibal, dit-il, eut une armée puissante et disciplinée « où jamais ne se leva une seule dissension»; il dut ce résultatà son «inhumaine cruauté» qui le rendait aux yeux de ses soldats à la fois «vénérable et terrible».

Scipion enrevanche, «doux et compatissant », subit en Espagne une terrible révolte de ses soldats.

La douceur de Scipion eutdonc en définitive des conséquences plus catastrophiques que la cruauté d'Annibal1.

De même Borgia eut l'habiletéde confier l'administration de la Romagne à «Messire Remy d'Orque», «homme cruel et expéditif» qui, à force deviolences, «remit le pays en tranquillité et union» mais s'attira bien des haines sourdes par ses rigueurs.

Aussi Borgian'hésita pas à le faire « un beau matin à Cesena mettre en deux morceaux au milieu de la place avec un billot debois et un couteau sanglant près de lui.

La férocité de ce spectacle fit tout le peuple demeurer en même tempssatisfait et stupide ».

Selon Machiavel tant de fourberie et d'atrocité n'était pas un prix excessif pour obtenir enfinla paix publique.. »

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