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FOI, RELIGION ET SUPERSTITION ?

Publié le 13/02/2004

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Certes, certains vous avoueront qu'ils sont « un peu superstitieux », mais ils le feront toujours avec un demi-sourire, une sorte d'autodérision. Être superstitieux serait une faiblesse, un reste des religions primitives.D'ailleurs, même la notion de « religion » est devenue suspecte, sans doute parce qu'on la rejette dans le camp de la superstition. Les chrétiens d'aujourd'hui vous diront qu'ils ont la foi, mais ils ajouteront que la foi chrétienne n'est pas une religion. Certains théologiens, Bonhoeffer par exemple, et aussi Bultmann, ont prôné un christianisme non religieux. Et ils ont fait la différence entre la foi et le sentiment religieux.De fait, la critique de la « religion » a marqué des points (surtout au XVIIIe siècle et au début du XXe) non seulement parmi les athées, les scientifiques et les rationalistes, mais aussi parmi les « croyants ». Les chrétiens, les chrétiens protestants en particulier, ont voulu faire la différence entre d'une part la foi et, d'autre part, la superstition, voire la religion, la religion étant considérée comme une forme de superstition - même si celle-ci a été consacrée par une institution et par une pensée théologique.On posera donc d'abord cette première question : quelle différence y a-t-il entre la foi, la religion et la superstition ? Et ensuite on tentera de répondre à cette deuxième question : peut-on être croyant sans être un peu superstitieux ?
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« croyances religieuses relèvent de la superstition.

Spinoza considérait que la croyance dans les miracles, la prédestination, la validité des prophéties relevait de la superstition, toutcomme le fait d'attribuer à Dieu une forme de volonté et même detranscendance.

Et Voltaire aurait dit peu ou prou la même chose.Et bien sûr, à ce compte-là, toutes les convictions religieuses relèvent de lasuperstition.

On aurait donc le choix entre être athée et être croyant-superstitieux ; on ne pourrait pas être croyant sans être d'une manière oud'une autre superstitieux.De fait, on a l'impression qu'il y a une sorte de continuité entre foi, religion etsuperstition.

Ce qui pour certains relève de la foi est déjà pour d'autres del'ordre de la religion et de la superstition.Croire en un homme, Jésus de Nazareth, fils de Dieu, né sans père etressuscité après sa mort, est-ce de l'ordre de la foi, de la religion ou de lasuperstition ? Croire en un Dieu qui peut infléchir le cours de l'histoire, fairedes miracles, répondre à nos prières, est-ce de l'ordre de la foi, de la religionou de la superstition ? Comment différencier la foi de la religion et la religionde la superstition ? Peut-on croire en Dieu sans être superstitieux ? Et c'est ainsi que nous en venons à notre deuxième question : peut-on croireen Dieu sans être plus ou moins superstitieux ?Cette question a hanté et hante toujours le christianisme, celui de la Réforme et du protestantisme du XXe siècle,mais aussi celui de la scolastique du x siècle qui a essayé de prôner une forme de foi épurée de toute trace desuperstition et même de religion.Le christianisme a tenté d'éradiquer la superstition de la foi, et ce de trois manières différentes :– la rationalisation théologique.

Des théologiens comme saint Augustin, saint Anselme, saint Bonaventure, saintThomas d'Aquin et bien d'autres ont tenté de constituer la foi comme un théisme plus ou moins philosophique etrationnel, ne serait-ce qu'en donnant des preuves de l'existence de Dieu.

Dieu est présenté comme un Principetranscendant, une sorte de cinquième dimension par rapport à notre monde à quatre dimensions (celles de l'espaceet celle du temps).

Il constitue une sorte de référentiel extérieur au monde, indépendant de l'espace et du temps.Dieu peut être aussi présenté comme l'Être, source et fondement de tout ce qui est, ou comme le Bien, source etfondement de tout ce qui est bien, ou la Vérité, source et fondement de toute vérité, ou quelquefois le Beau,source et fondement de toute beauté ;– la tradition de la mystique est aussi une tentative pour épurer la foi.

La mystique est une forme d'extase devantun Dieu sans nom et sans visage qui est seulement défini comme l'Ailleurs, l'Au-delà, la Nuit, le Silence (chez saintJean de la Croix) et le Rien(chez saint Jean de la Croix et Maître Eckhart).

La foi est une simple béance silencieuse vis-à-vis d'un mystèreincompréhensible et inconnaissable.

Dieu ne peut être défini que de manière négative : on ne peut dire que ce qu'iln'est pas ;– l'insistance sur l'incarnation de Dieu est aussi une manière de débarrasser la religion de la superstition.

En disantque Dieu s'est fait homme, on réduit la théologie (qui en principe devrait être un discours sur un Dieu transcendantet tout autre) à une anthropologie (un discours sur l'homme).

On ne croit plus en Dieu, on croit en l'homme, ou plusprécisément en Dieu mis en abîme dans l'homme, ou encore en l'homme fait« dieu ».

C'est ce qu'exprime très bien Feuerbach qui écrit dans L'essence du christianisme :« La religion, du moins le christianisme, est la relation de l'homme à lui-même, ou plus exactement à son essencecomme à un autre être.

» Et Feuerbach dit aussi : « Loin de rabaisser la théologie à l'anthropologie, j'élève plutôtl'anthropologie à l'état de théologie » De fait, la plupart des pseudo-confessions de foi d'aujourd'hui (celles issuesdes camps scouts, par exemple) vont dans ce sens.

On se contente de valoriser l'homme, la vie, la liberté et l'amouren habillant, in extremis, cette soi-disant confession de foi purement profane, laïque, humaniste et éthique d'unevague référence à Jésus-Christ, présenté comme l'homme qui a vécu l'amour jusque dans sa mort.À mon sens, dans ces conditions, il serait plus honnête de se reconnaître comme un humaniste agnostique.

À tropvouloir considérer le christianisme comme la religion de la sortie de la religion, il n'a plus rien de religieux.

Il n'est plusen rien une forme de croyance en Dieu. La religion réhabilitée. « Peut-être faut-il finir cette notion en revenant sur l'exemple par lequel on l'a ouvert, et reposer la question qu'ontcru trancher de façon définitive les philosophes du soupçon : la foi religieuse repose-t-elle vraiment sur l'illusion ?Correspond-elle seulement à une forme de conscience primitive naïvement animiste, que l'être humain seraitnécessairement amené à rejeter au fur et à mesure qu'il gagnerait en savoir et en maturité ? Il est certain qu'à lalecture de Marx, de Nietzsche, de Freud, de Sartre semble inviter à une telle conclusion.

Mais il n'est pas moinsévident que ces analyses destructrices n'ont pas entraîné, comme on a cru jadis qu'elles le feraient, la disparition dela religion, et que celle-ci reste d'une étonnante vitalité : même dans les pays les plus développés et les plussceptiques, où elle a connu une crise indiscutable, qui l'a fortement marginalisée, son rôle a été redéfini (s'intégrantsans trop de heurts dans un cadre politico-philosophique fondamentalement laïque) plus qu'il n'a disparu.

Et c'est enfait l'athéisme radical qui paraît aujourd'hui daté, et qui a cessé d'apparaître comme une position intellectuelleavancée : l'influence notamment de l'anthropologie, qui montre dans le fait religieux une des formes les plusuniverselles de la culture, a souvent conduit à sa relégitimation intellectuelle même par ceux qui se déclarent. »

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