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Les grands poètes français

Publié le 16/07/2011

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Saint-John Perse (1887-1975) est le poète de la célébration lyrique. Qu'il s'agisse de fêter une enfance (Vents, 1911) ou l'océan (Amers, 1957), le poème s'attache plus à en faire résonner les échos qu'à décrire ce qui est - ou ce qui fut. L'ampleur majestueuse du verset, la richesse somptueuse du vocabulaire et l’abondance du vers blanc (alexandrins et octosyllabes dissimulés dans les versets) confèrent aux objets évoqués une dignité. Le poète se fait oracle, le poème est souffle et inspiration.

... L'histoire de la poésie française s'écrit «à sauts et à gambades», pour reprendre une expression de Montaigne : c'est par surprise et au hasard du génie de quelques poètes qu'elle connaît ses progrès les plus décisifs. Des trouvères comme Rutebeuf au grand lyrisme moderne d'Apollinaire et de Saint-John Perse, la poésie ne cesse de se renouveler : tournée vers le monde ou recentrée sur l'intime, entre travail et inspiration, elle hésite entre la révolte et l'harmonie, l'accord et la discorde. On est bien en peine, dès lors, de la définir, sinon par quelques grandes voix qui ont su l'incarner.

Théophile Gautier (1811-1872) est de ceux qui infléchissent le romantisme vers d'autres esthétiques. Avec la préface de

son roman Mademoiselle de Maupin

(1835), il s'engage dans une voie qui l'amène à défendre l'art pour l'art, en

refusant tant les facilités du lyrisme que la soumission au monde extérieur. Épris de perfection, il use d'une langue séduisante, au vocabulaire chatoyant Émaux et Camées (1852) transforme

chaque mot en un «diamant», serti

dans les rythmes rares qui font du recueil un manifeste parnassien. Prophète entêté d'une littérature d'exigence, Gautier n’hésite cependant pas à jouer les feuilletonistes, et cultive une image paradoxale. Mais il trouvera une reconnaissance dans l’amitié de

Flaubert et dans le salut de Baudelaire, qui lui dédie ses Fleurs du mal, tandis que Catulle Mendès, Heredia et Leconte de Lisle verront en lui un maître.

« ET LES POÉTESSES? Lapoésie serait-elle une affaire d'hommes? Si,parmiles grandes plumesde l'histoire littéraire, on trouve surtout des messieurs, on doit pourtantciter Marie deFrance et ses Lais,au Moyen Âge ;Louise Labé, ditela Belle Cordière, dont les élégies et sonnets exaltent la passion amoureuse, et Pernette du Cuillet à la Renaissance; MarcelineDesbordes- Valmore chez les romantiques,Marie Noël un peuplus tard, et, plus prèsde nous,Hélène Cixous, Esther Tellermann, Marie Etienneet Anne-Marie Albiach. LesContemplations, cette «histoire d'une âme».

Dialogueavec un cosmosinfini, jaillissement d'images, l'écriture porte la vision d'un équilibrecosmique où l'Histoire se transcende dans l'esprit, où les faitsse fondent en symboles. Alfred deMusset (1810-1857) entre en littérature àdix-huit ans, publiée vingtans sesContes d'Espagne etd'Italie. Violence, passion, couleur localeassurent au jeunepoète une réputation qui faitde lui une des principales figures du romantisme.

Ilfera très vitecavalier seul, peu sensible au modèle du guide prophétiqueet à la mission sociale del'écrivain.

Recherchant dans l'écriture l'expression communicative d'une émotion, il trouve dans unecertaine fragilité, exaltéepar les bouleversements amoureux, la sourced'un lyrismevisant à l'authenticité, modulant la plainte d'une âme déchirée (Les Nuits). Théophile Gautier(1811-1872) est de ceux quiinfléchissent le romantisme vers 'autresesthétiques. 'Avec lapréface de son roman Mademoiselle deMaupin (1835), il s'engage dans une voie qui l'amène à défendre l'art pour l'art, en refusanttant les facilités dulyrisme que lasoumission aumonde extérieur. Épris deperfection, il use d'une langue séduisante, auvocabulaire chatoyant. Émaux etCamées (1852) transforme chaque mot en un «diamant», sertidans les rythmesrares qui font durecueil unmanifeste parnassien. Prophète entêté d'une littératured'exigence, Gautier n'hésite cependant pas à jouer les feuilletonistes, et cultiveune image paradoxale.Mais il trouveraune reconnaissance dans l'amitié de Flaubert et dans le salut de Baudelaire, qui lui dédie ses Fleurs du mal, tandis que Catulle Mendès, Heredia et Leconte de Lisle verront en lui un maître. ICharlesBaudelaire(1821-1867) se distingue par |l'existence délibérément marginale d'un dandy aux amours sulfureuses. Jeanne Duval, Marie Daubrun, Mme Sabatier luiinspirent des passions et des rêveries quiparticipent d'une expérience métaphysique. L'idéalisation de la chair est à la fois mouvement vers le divin et retombée dans la matière.

C'est à l'écriture querevientla tâche de dépasser l'ennui d'unmonde voué à l'uniformité.

Le choix du mal peut ainsi être compris comme une tentativedésespérée de restaurerdu sens. Lesimages des Fleurs du mal (1857) révèlent, sous l'apparente monotoniedu monde, une «surnature»dont peut jouirl'espritrendu à l'Idée. L'écriture passe par le bizarre et joue des images les plus étranges pour révéler lesaccords secrets de l'univers. Perfectionniste, Baudelaireredécouvrela forme oubliée du sonnet, avantd'expérimenterla souplesse fascinante du poème en prose dans te Spleende Paris (1862). Une attaque cérébrale lui fait presque perdre l'usage de la parole, et dans ses derniers jours il ne peut plus prononcer qu'un seul mot : « Crénom!» Paul Verlaine (1844-1896) donne en1866 des Poèmes saturniens aux alluresǻparnassiennes, HHMH laissant entrevoir une manière singulière,triste etmusicale. Elle s'épanouit avec les Fêtes galantes (1869). L'écriture tremblante, nuancée, indécise,exprime en discrètes sensationsun désarroi qui perce sousles masques. L'inquiétude d'une vie livrée à la bohème a pour envers une aspiration à la stabilité.

Mais l'apaisement de LaBonne Chanson (1872) voleen éclats après la rencontre deRimbaud, «époux infernal» qui réveille les démons du poète.

Leur liaison tumultueuse s'achèveradans lescoups de revolverqui envoient Verlaine en prison.

Commence alors, dansl'obscurité de la cellule, unemétamorphosedont rendent compte lesRomances sans paroles (1874) et qui trouverason accomplissement dans une conversion aucatholicisme. Arthur Rimbaud (1854- 1891)-Des révoltes etdes blasphèmes d'une adolescence révoltée, Rimbaudfait feu sur tout, tentant delancer son verbe àl'assaut de l'«inouï».

Dès «Ma V bohème» apparaît l'imaged'un bonheur en marge.

Le poète donne libre cours à sonardeur ens'évadant d'une vie familiale étriquée : la Belgique, puis Londres, où s'achève sa liaison mouvementée avec Verlaine.Les Poésies vibrent d'une révolte quis'exalte dans l'hymne barbaredu «Bateau ivre».

La lettre«du voyant» transforme lescomptes à régler du lycéende Charleville en un programme où la flamboyancedu vers participe d'un«dérèglement de tous les sens». L'écriture se concentre, tente dans laliberté d'une versification bouleversée de«fixer des vertiges». Unesaisonen enfer (1873) dressera lebilan d'une expérience qui trouve toute sa mesure avec les poèmes enprose des Illuminations, où le verbe libéré semétamorphose eninstrument d'exploration du cosmos et du moi.L'expérience poétique devient chez Rimbaud fulguration, seule à même d'éclairer la nuit humaine. Ledépart pour l'Arabie, enfin, atteste l'intensité d'une expérience poussée jusqu'au silence. StéphaneMallarmé(1842-1898)rêve d'un livre parfait, auquel les fragments posthumes A'Igitur etl'éclatement typographique a'Un coup de dés jamais n'abolira le hasardnousintroduisentpeut-être. Mais sesPoésies s'éparpillent en bribes, les morceaux de circonstancene cessentde retarderle grand œuvre.Cultivant une vision sacrée de l'écriture,Mallarmé croit pourtant au travail. Ildisloque la syntaxe, sertit chaque mot dans une construction le coupant de toutréfèrent.

Hermétique,son versrayonne en images concentriques.Plutôt que de nommer, ilfigure, n'abordant la réalitéqu'à travers les images et les symboles: chaque poème se tisse ainsid'absence, jusqu'à ne plus rien désigner,jusqu'à n'être plus qu'un pur assemblagede mots. Mais aussi... Leconte deLisle, Jules Laforgue, Tristan Corbière, Théodore de Banville,Jean Moréas, José Maria de Heredia. rm mPaul Claudel (1868-1955) n'appartientqu'à moitiéà la modernité. Réinventant le verset et nourrissantsa poésied'une spiritualité agitée, ilprolonge l'expérience deRimbaud, découverten 1886, l'année même où le jeune Claudel se convertit au catholicisme.Dans lemême temps, ses référencessont enquelquesorte intemporelles, à commencer par la culture biblique, avec laquelleil entretientune relationfervente, entre inspiration etdialogue. Lapoésie des Cinq Grandes Odes, écrites au début du xxesiècle, résonne de la même vibration exaltée, tentant dans lasaturation du sens de retrouver lemystère. ^^ Guillaume i-B^s Apollinaire (1880- 1918) est le chef de filedes avant-gardes a(C^»^ 1U''^rissent dans i^k £^^feles années 1910. ^ki^Ê H Chantre del'esprit IB"M H nouveau, ilfeint d'avoir«oublié l'ancien jeu des vers», célèbre l'«antitradition» futuristeet nourrit son art d'un jeu cubiste de contrastes et de collages, réinvestissant les formes vieilles dans latentative de donner voix aumonde. Sesgrands thèmes? Lafuite d'un temps qui va jusqu'à s'abolir, la distance infranchissableentre les êtres, l'ambiguïté du monde, la maîtrise par leverbe de cet univers. Lelyrisme est alors la tentative deréunir en une voixcette variété en mouvement (Alcools, 1913). Blessé pendant la guerre, le poète revient à Paris,où il collabore àdenombreuses revues, poursuitson œuvre en prose et donne une pièce «surréaliste», LesMamelles deTirésias, avant d'être emporté par la grippeespagnole, trois jours avant l'armistice. Paul Valéry (1871-1945). Dusymbolisme où se  forge son écriture, il retient lavolonté de perfection, l'idéal aussi d'une pureté qui ne serait pas tant celle du verbeque celle de l'être. L'expérience du moi pur est à l'horizon de toute sa création littéraire,du personnage de Monsieur Teste au mythe de Narcisse qui hante ses premières œuvres. L'œuvre poétique deValéry, commencéeà l'ombre de Mallarmé, prend alors la forme d'une méfiance extrême devant la parole,accusée detrahir laconscience. Letravail poétique sera épuration de la langue,du sens, un soucide précision qui peut aller jusqu'à l'obscurité : en témoignent LaJeuneParque etLe Cimetière marin. Saint-John Perse (1887-1975) est le poète de la célébration lyrique. Qu'il s'agisse de fêter une enfance (Vents, 1911) ou l'océan (Amers, 1957), le poème s'attache plus à en faire résonner les échos qu'à décrire ce qui est - ou ce qui fut. L'ampleur majestueuse du verset, la richesse somptueuse du vocabulaire et l'abondance du vers blanc (alexandrins et octosyllabesdissimulésdans les versets) confèrentaux objets évoqués une dignité.

Le poète se fait oracle,le poème est souffle etinspiration. Paul Eluard (1895-1952). Rejoignant très vite le surréalisme,Eluard sera de tous lescombats du groupe, avant de s'éloigner à la fin des années 1930.

Son écriture fluide etharmonieuse est marquée par la thématique amoureuse, deCapitale de ladouleur (1926) àCorps mémorable (1947). Cala, puis Nuschseront les musesd'un poète fragile, obsédé par la solitude et la mort; il trouve aussi danslecompagnonnage communiste et dans la Résistance les voies d'une ouverture aumonde et aux hommes. André Breton (1896-1966).Fondateur avec LouisAragon et PhilippeSoupault de la revue Littérature, Breton y publie les premiers textes surréalistes.Contre ladictature stérilisante de la pensée rationnelle et de l'esprit scientiste, les surréalistesveulent fairel'expérience d'une vision irrationnelle, à même d'exprimer l'inconscientet de manifester lefonctionnement véritable de la pensée. L'écriture automatique, visant à supprimer le contrôle de laconscience sur le texte écrit, sera sansdoute la voie la plus originale du surréalisme; Breton en donne, encopaternitéavec Soupault, le premier exemple avec Les Champs magnétiques (1920).

Des images étranges ysurgissentqui, à la suite de la libération entreprise par Baudelaire, Rimbaud, puis Reverdy, ne tentent plus de faire sens : elles ne sont plus interprétables,ou en tout cas pas d'une seule façon,puisqu'ellene respectent pas les canons de la logique, réunissantdeux termes sans rapport aucun dans lemonde réel et qui ne peuventse connecter que dans le monde mystérieux del'inconscient, tel que l'écriture s'applique à le révéler. Le Manifeste du surréalisme, en 1924,vient donner un appui théoriqueàlanouvelle école qui,dès la findes années1920, se déchire, notammentsur la question politiquement sensible del'adhésion aucommunisme. Louis Aragon (1897- 1982),lié en sa jeunesseausurréalisme dont il est de tous les combats,ne donnera sa pleine mesure de poète qu'en retrouvantun art plus classique. La profusion étincelante de ses premiers livres prélude à une redécouverte des charmes du vers régulier,auquel il va s'attacher à rendre toute sa puissance explosive. C'est en virtuose de la langue qu'il monte les constructions complexes de poèmes à double rime, comme on en trouve dans son chef-d'œuvre,grand livre d'amour et hymneà la Résistance : Les Yeux d'Eisa (W2). Robert Desnos (1900-1945)étonne le groupe surréaliste par les talents qu'il déploie dans le «rêve éveillé» et l'écriture automatique, celle par laquelleon tente de se délivrer ducontrôle de la raison.

La Liberté en amour(1927)témoigne pourtant déjàd'unéloignement du surréalisme, au profitd'une poésie plus prochedecelle deNerval : le rêve, l'amour,plustard la douleur, mais aussi la fraternité deshommes dans la Résistance (Fortunes, 1942). Jacques Prévert(1900-1977) passe I par le surréalisme avant des'en mettre envacances,préférant le rythme insouciant de ses compositions aux impératifs contraignants d'une école littéraire. Paroles, en1946, puis LaPluie et le Beau Temps (1955) révèlentune écriture en liberté, peu soucieuse de métrique, jouant facilementsur lesmots,visantavant tout à procurer au lecteurce dépaysementqui apparaît comme la clé de l'écriture de Prévert. Selaisser dépayser, c'est accepter de sortir de ses représentations, retrouverl'étonnementde l'enfance, goûter les délicesde l'imagination; le vers libre, cher à Prévert, est bien sûr le meilleurchemin decette liberté. René Char (1907-1988) publiedès 1928LesCloches du cœur.

Sonengagement dans la Résistance s'accompagne d'une exploration poétique dont témoignera en 1948le grand recueil de Fureur etMystère : l'écriture oraculaire se concentre jusqu'à l'extrême, se fait obscure, moins pour dire l'inconscient d'un être que pour capter l'harmonie secrète dumonde, inaccessible à la raison. Mais aussi... Francis Jammes,Pierre Reverdy, Max Jacob, BiaiseCendrars, Tristan Tzara, Henri Michaux, Francis Ponge, Yves Bonnefoy, Philippe Jaccottet, Jacques Roubaud, Jacques Dupin.. »

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