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D. Hume, Enquête sur l'entendement humain, II

Publié le 23/03/2015

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Rien, à première vue, ne peut paraître plus libre que la pensée humaine, qui non seulement échappe à toute autorité et à tout pouvoir humain, mais que ne contiennent même pas les limites de la nature et de la réalité. Former des monstres et unir des formes et des apparences discordantes, cela ne coûte pas plus de troubles à l'imagination que de concevoir les objets les plus familiers [...]. Ce qu'on a jamais vu, ce dont on n'a jamais entendu parler, on peut pourtant le concevoir ; et il n'y a rien au-dessus du pouvoir de la pensée sauf ce qui implique une absolue contradiction.

Mais, bien que notre pensée semble posséder cette liberté illimitée, nous trouverons, à l'examiner de plus près, qu'elle est réellement resserrée en de très étroites limites et que tout ce pouvoir créateur de l'esprit ne monte à rien de plus qu'à la faculté de composer, de transposer, d'accroître ou de diminuer les matériaux que nous apportent les sens et l'expérience. Quand nous pensons à une montagne d'or, nous joignons seulement deux idées compatibles, or et montagne, que nous connaissions auparavant [...]. Bref, tous les matériaux de la pensée sont tirées de nos sens, externes ou internes ; [...] quand nous analysons nos pensées ou nos idées, quelque composées ou sublimes qu'elles soient, nous trouvons toujours qu'elles se résolvent en des idées simples qui ont été copiées de quelque manière de sentir, ou simplement antérieure [...]. L'idée de Dieu, en tant qu'elle signifie un Être infiniment intelligent, sage et bon, naît de la réflexion sur les opérations de notre propre esprit quand nous augmentons sans limites ces qualités de bonté et de sagesse. Nous pouvons poursuivre cette enquête aussi loin qu'il nous plaira ; nous trouverons toujours que chaque idée que nous examinons est copiée d'une impression semblable.

D. Hume, Enquête sur l'entendement humain, II, GF,

© Flammarion, p. 64-65

 

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« Textes commentés 47 a) Il n'y a pas chez Hume de différence de nature entre l'imagination .

-~~ i et l'entendement.

Dans les deux cas, penser consiste à associer des idées en l'absence des impressions sensibles correspondantes.

En pra­ tique cette absence favorise toutes les combinaisons, mais dans le cas de l'entendement l'habitude et l'expérience introduisent un élément 1· régulateur des vagabondages de la pensée.

A priori peu de chose distingue un champignon d'un autre et je pourrais en déduire qu'ils · sont tous également comestibles si des expériences désagréables ne 1 1 m'amenaient à réviser mon jugement.

Mais la pensée tourne à vide .

dès qu'elle est privée du correctif constitué par l'expérience.

1 b) Or c'est bien ce qui se passe lorsqu'elle est livrée à elle-même dans l'imagination parce que l'expérience sensible n'est plus là pour opérer 1 la distinction entre le sens d'une phrase et la réalité à laquelle elle réfère ce qui rend possible la combinaison arbitraire de toutes les 1 idées possibles pourvu que leur association ne soit pas ouvertement 1 incohérente.

C'est ainsi qu'il est grammaticalement correct de parler [ d'une « montagne d'or » sans que la phrase décide de l'existence réelle ou fantastique de ce dont on parle.

Et sans doute est-ce cette [ confusion qui favorise l'émergence des mythes de toute sorte dont la 1 1 crédibilité ne relève pas seulement des faiblesses de l'affectivité.

De [ fait, si les mythes sont crédibles c'est aussi qu'ils ne sont pas [ invention pure mais écho transfiguré et transformé d'.impressions déjà [ ressenties par ceux qui y sont sensibles.

c) De ce point de vue il n'y a pas contrairement aux apparences 1 discontinuité entre le mythe et la raison.

Si l'expérience exerce une vigilance de chaque instant sur l'usage que nous faisons des principes de notre entendement, nos raisonnements seront valides et 1 consistants.

Mais si, comme il arrive souvent, la pensée s'aventure au delà des limites de l'expérience elle s'abandonne à un usage métaphy­ sique dont l'illusion est dissimulée par la complicité que le langage entretient avec la rationalité.

Ainsi l'idée d'un Dieu sage et bon naît­ elle de l'hypostase de concepts différentiels dont la pensée a besoin pour penser son objet ; le caractère fini de la bonté humaine prend son sens dans la différence qu'elle entretient avec la réalité infinie de son contraire.

Mais ce faisant, la métaphysique ne fait que prolonger le mythe sur un mode conceptuel.. »

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