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La mathématique est une théorie.

Publié le 11/05/2011

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A. — Le fait est que le mathématicien renvoie aux définitions, postulats et axiomes, toutes les hypothèses qu'il se croit autorisé à faire dans son domaine et, cela, sans explications du comment, ni raison du pourquoi. Le devoir du mathématicien est de donner préalablement la spécification complète de ce qu'il veut supposer et, en outre, de le faire assez clairement pour que, le cas de s'en servir échéant, il en résulte évidemment qu'il ne tire exactement parti que de ce à quoi il s'est réservé le droit de recourir ; mais les abstractions qui l'ont conduit à établir les notions préalables et à leur attribuer, dans les postulats et les axiomes, les propriétés déterminées qu'il leur donne, bien plus même, la preuve préalable qu'il ne leur a réellement attribué ni trop, ni trop peu de propriétés, tout cela ne le regarde pas. Il n'est, en sa qualité de mathématicien, responsable que d'une chose : c'est de mettre celui qui lui concède toutes ses hypothèses dans la nécessité, par des déductions certaines, de lui concéder de même tout ce qu'il en déduira lui-même. Ainsi sa conclusion devra pratiquement prouver qu'il a fait un nombre suffisant d'hypothèses. Le fait qu'il n'ait pas émis trop d'hypothèses ne saurait être prouvé aussi directement ; mais, si le mathématicien avait commis cette faute, il serait exposé à se voir prouver par d'autres, que telles de ses hypothèses étaient contradictoires, ne pouvaient dériver les unes des autres. ZEUTHEN.

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B. — Revenons à notre défenseur de l'intuition. De quelle façon présente-t-il ses objections à la géométrie de Lobatchevski, par exemple. Ce qu'il en dit se résume au fond à la formule commode que voici : Il est contraire au bon sens d'admettre que par un point on puisse tirer à une droite donnée plus d'une parallèle. Ne nous attardons pas à nous demander par quel miracle le sens commun y verra plus clair que l'esprit géométrique le plus affiné. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Notre contradicteur pense évidemment opposer l'un à l'autre sa conception de l'espace sensible et le schéma lobatschefskyen. Mais les mots mêmes qu'il emploie le trahissent. Ni le point, ni la droite, nous le savons bien, ne sont des objets réalisables autrement que par la pensée. Il n'y a dans l'espace sensible ni points ni droites ; l'univers intuitivement connu que le bon sens veut opposer aux espaces non euclidiens n'est donc en fait et tout simplement que le schéma géométrique d'Euclide. Le conflit, s'il existe, n'est donc pas entre notre intuition et une théorie douteuse, mais entre un premier schéma dont nous avons tellement pris l'habitude que nous lui conférons une existence en quelque sorte matérielle, et un autre schéma dont la nouveauté surprend notre esprit. Qu'on veuille encore une fois se représenter que notre intuition et la connaissance dite scientifique ne diffèrent pas essentiellement. Si nous en voulons prendre conscience, nous nous arrêterons à des schémas intellectuels plus ou moins définis : plus ils sont arrêtés et cohérents et plus ils sont scientifiques. Nous sommes ainsi faits, que nous n'explicitons notre savoir que sous forme de « théories « — le mot étant pris dans le même sens que dans « Théorie de la lumière « ou « Théorie de l'espace «. La campagne de l'Intuition contre la Théorie est donc un épisode de la grande « Guerre des Théories «, qui prit naissance en même temps que la spéculation scientifique. et qui ne disparaîtra qu'avec elle. GONSETH.

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