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Peut-on parler d'un devoir de mémoire ?

Publié le 27/02/2004

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Si l'histoire se définit comme la discipline ayant pour objet la reconstitution et la relation du passé des sociétés humaines, l'individu qui ressentirait les choses de manière purement historique serait celui qui serait littéralement submergé par le passé humain et absorbé en lui. Un peu plus haut, avant les lignes de Nietzsche ici proposées (il s'agit de la seconde des « Considérations »), le premier a ainsi décrit l'individu pensant de manière purement historique, sans aucun oubli du passé : « il s'arc-boute contre le poids toujours plus lourd du passé. Ce poids l'accable ou l'incline sur le côté, il alourdit son pas, tel un invisible et obscur fardeau ». Par opposition à l'animal qui vit d'une façon non historique (qui oublie aussitôt), l'homme porte un passé et peut envisager la mer immense du devenir. Observons bien que le terme utilisé ici est sentir, c'est-à-dire saisir de manière intuitive et affective. Or un homme tel, dont le « sentir » croulerait sous le poids du passé, aurait des traits communs avec un « insomniaque » : il manquerait d'obscurité, de pénombre, d'inconscience, de sommeil, ce dernier étant défini comme la cessation de l'état de veille et de conscience, comme l'état caractérisé par la suspension de cette dernière. Il aurait également des traits communs avec l'animal qui mâcherait sans arrêt des aliments revenus de l'estomac : toujours les mêmes souvenirs, toujours les mêmes aliments. Jamais rien de neuf ; tout, ici, montre l'opposition à l'action et à la vie. La vie, comme l'action, exigent du nouveau, du neuf et non point le fait de repasser les mêmes objets dans l'esprit, en les retournant. Pour créer, pour agir, pour vivre, « remâcher » est nuisible.

La mémoire humaine est diverse, variée. de la célébration d'un événement passé de l'histoire nationale au souvenir des morts, la différence est grande. Selon la nature de ce que l'on commémore, la mémoire est plus ou moins impérative. Mais, peut-on aller jusqu'à dire que, dans certains cas, la mémoire prenne la forme d'une obligation? Y a-t-il un devoir de mémoire, comme il y a un devoir de ne pas tuer ou de ne pas voler? S'agit-il d'un devoir civique, religieux, moral? A quoi ou à qui s'adresse en priorité le devoir de mémoire?

« présent à partir du passé, cad à plaquer le passé sur le présent. « Toute action exige l'oubli, comme tout organisme a besoin nonseulement de lumière, mais encore d'obscurité.

Un homme qui voudraitne sentir que d'une façon purement historique ressemblerait à quelqu'unque l'on aurait forcé de se priver de sommeil, ou bien à un animal quiserait condamner à ruminer sans cesse les mêmes aliments.

Il est doncpossible de vivre sans presque se souvenir, de vivre même heureux, àl'exemple de l'animal, mais il est absolument impossible de vivre sansoublier.

Si je devais m'exprimer, sur ce sujet, d'une façon plus simpleencore, je dirais : il y a un degré d'insomnie, de rumination, de senshistorique qui nuit à l'être vivant et finit par l'anéantir, qu'il s'agisse d‘un homme, d'un peuple ou d'une civilisation.Pour pouvoir déterminer ce degré et, par celui-ci, les limites où le passédoit être oubli é sous peine de devenir le fossoyeur du présent, ilfaudrait connaître exactement la force plastique d'un homme, d'unpeuple, d'une civilisation, je veux dire cette force qui permet de sedévelopper hors de soi-même, d'une façon qui vous est propre, detransformer et d'incorporer les choses du passé, de guérir et decicatriser les blessures, de remplacer ce qui est perdu, de refaire parsoi-même des formes brisées.

» Nietzsche, « Considérations inactuelles ». Quelle est l'idée générale du texte ? Le pouvoir d'oublier étant constitutif de l'action et du bonheur, il fautprendre en considération le degré individuel de force plastique, c'est-à-dire la puissance d'incorporation etd'assimilation, dans tout psychisme, des choses du passé.Le problème posé par ces lignes est le suivant : la faculté d'oublier a-t-elle une fonction réellement positive etne faut-il pas réhabiliter, au contraire, les vertus de la mémoire ? A trop faire l'éloge de l'oubli, ne met-on pasen question, finalement, les facultés spirituelles de l'homme ?Le texte se divise en deux grandes parties correspondant aux deux paragraphes.

Dans un premier temps,NIETZSCHE affirme la nécessité de l'oubli (jusqu'à un certain niveau).

Dans un second, il essaye de déterminerce niveau. A.

« Toute action...

civilisation.

» Toute la première grande partie du texte dénonce la rumination du passé, et souligne que l'excès de senshistorique nuit à l'être vivant.

La première sous-partie voit dans l'homme submergé par le passé un «insomniaque » coupé de la vie.

La condition de toute vie est donc l'oubli (seconde sous-partie).

La ruminationdu passé anéantit hommes, peuples, civilisations (troisième sous-partie). a) « Toute action...

aliments.

» La première phrase éclaire à la fois l'action et l'être vivant doté d'organes (l'organisme).

L'action, conçuecomme ce par quoi nous réalisons nos intentions et produisons des effets dans le monde, requiert l'oubli,c'est-à-dire l'effacement normal des souvenirs.

Comment comprendre cet énoncé ? Pour agir sur les choses,tenter de les maîtriser, pour forger des entreprises, il ne faut pas se laisser absorber dans l'ensemble dudevenir et du passé et subir leur poids.

L'homme d'action, parmi ses souvenirs, effectue un tri, en gardecertains, ceux qui sont utiles à ses entreprises, au présent et à la vie, et il évacue du champ de laconscience le poids énorme et immense de ce qui, dans le passé, est utile.

Agir, c'est sélectionner, c'est trier,ne garder que l'essentiel , répudier, de manière plus ou moins consciente, la « mer du devenir ».

Toute actionexige donc bel et bien l'effacement des souvenirs, de même que tout être vivant a besoin de lumière (devision nette, de conscience, de clarté) mais aussi d'obscurité (d'inconscience, d'opacité et, nous allons levoir, de sommeil).La première phrase fait donc de l'effacement du souvenir, de l'obscurité, du sommeil, de la perte deconscience, des nécessités impérieuses pour l'action (vitale) et l'organisme.

La seconde phrase va prolongeret expliciter cette idée et cette manière de voir.

Comment comprendre et envisager cet « homme qui voudraitne sentir que d'une façon purement historique » ? Si l'histoire se définit comme la discipline ayant pour objet lareconstitution et la relation du passé des sociétés humaines, l'individu qui ressentirait les choses de manièrepurement historique serait celui qui serait littéralement submergé par le passé humain et absorbé en lui.

Unpeu plus haut, avant les lignes de Nietzsche ici proposées (il s'agit de la seconde des « Considérations »), lepremier a ainsi décrit l'individu pensant de manière purement historique, sans aucun oubli du passé : « il s'arc-boute contre le poids toujours plus lourd du passé.

Ce poids l'accable ou l'incline sur le côté, il alourdit sonpas, tel un invisible et obscur fardeau ».

Par opposition à l'animal qui vit d'une façon non historique (qui oublieaussitôt), l'homme porte un passé et peut envisager la mer immense du devenir.

Observons bien que le termeutilisé ici est sentir, c'est-à-dire saisir de manière intuitive et affective.

Or un homme tel, dont le « sentir »croulerait sous le poids du passé, aurait des traits communs avec un « insomniaque » : il manqueraitd'obscurité, de pénombre, d'inconscience, de sommeil, ce dernier étant défini comme la cessation de l'état de. »

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