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la philosophie en Islam, aient tous été des Arabes de race ou de nation; un grand nombre notamment furent des Iraniens; ils ont également écrit en persan ( à commencer par Avicenne lui-même) et parfois uniquement en persan (l'Ismaélien Nâsir Khosraw).

Publié le 21/10/2012

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la philosophie en Islam, aient tous été des Arabes de race ou de nation; un grand nombre notamment furent des Iraniens; ils ont également écrit en persan ( à commencer par Avicenne lui-même) et parfois uniquement en persan (l'Ismaélien Nâsir Khosraw). Il serait en outre inexact de se représenter le monde de l'Islam comme un monolithe ne comportant pas de différenciations profondes, et non moins inexact de parler de « philosophie musulmane « dans un sens analogue au concept de « philosophie chrétienne «. Tandis que la Scolastique latine réussissait à fonder ce concept, les philosophes (les falâsifa) sont toujours restés suspects à l'orthodoxie islamique. En face d'eux, ce que l'on appelle le Kalâm ( scolastique musulmane) n'est pas non plus à considérer comme l'équivalent d'une « philosophie musulmane «. En revanche, l'expression de « philosophie en Islam « ne préjuge d'aucune solution dogmatique; elle désigne le cadre spécifiquement et essentiellement religieux où s'inscrit le phénomène de l'avicennisme; elle sauvegarde le pluralisme doctrinal dont les virtualités fécondes retiennent de préférence l'attention du philosophe. Premier et nécessaire correctif qui en entraîne un autre. La perspective dans laquelle nos histoires de la philosophie ont longtemps situé Avicenne et l'avicennisme, était déterminée par la seule connaissance qu'en eurent nos Scolastiques, grâce aux traductions établies à Tolède au xiie siècle. Le schéma en était simple, n'y figurant que les noms connus de nos auteurs médiévaux: al-Kindî, alFârâbî, Avicenne; venait ensuite alGhazzâlî dont la critique, plus incisive encore que celle de Kant, aurait porté un coup mortel à la pensée philosophique; celle-ci tentait de s'en relever avec Averroès, dont le nom aurait marqué à la fois l'apogée et le terme de la philosophie en Islam. L'insuffisance déplorable de cette schématisation longtemps traditionnelle devait apparaître au fur et à mesure que se dévoilait la complexité des faits spirituels dans le contexte desquels Avicenne et l'avicennisme prennent leur signification. Avicenne est né en Transoxiane, à l'extrémité orientale du monde iranien, près de Boukhara, en 980. Il eut une vie admirablement remplie, à la mesure de sa personnalité puissante, curieuse de tout expérimenter : il accepte à ses dépens les fonctions de ministre auprès du prince de Hamadan; la production de son oeuvre immense lui impose un surmenage épuisant; il y consacre ses nuits, assisté de quelques disciples intimes. Il meurt en pleine force de l'âge, en 1037, entre Ispahan et Hamadan. Son oeuvre est contemporaine d'un fait majeur : l'élaboration de cet ésotérisme ismaélien dont nous entrevoyons, depuis quelques années seulement, les contours; y demeurent attachés, entre autres, quelques grands noms d'Iraniens qui devront prendre peu à peu leur place dans l'histoire de la philosophie (Abii Ta'qûb Sejestânt, Mo'ayyad Shîrâzi, Haze daddîn Kermânî, etc.). Aussi bien le père et le frère d'Avicenne appartenaient- ils à l'ismaélisme; lui-même, en son autobiographie, fait allusion à leurs efforts pour entraîner son adhésion à la secte. Mais s'il est vrai qu'il y a plus d'une analogie de structure entre l'univers avicennien et la cosmologie ismaélienne, le philosophe refusa de se lier à la sodalité. Toutefois, s'il se déroba devant le shî'isme ismaélien, l'accueil qu'il reçut auprès des princes shî'ites de Hamadan et d'Ispahan permet de conjecturer qu'il ait appartenu, nominalement au moins, au shî'isme duodécimain. Ce synchronisme élargit déjà l'horizon sur lequel se profile sa physionomie spirituelle. De son côté, l'ensemble de l'oeuvre nous fait pressentir la...
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« ment dans l'admirable épopée mystique persane de Farîdaddîn Attâr (xu• siècle) ; Salamân el Absâl sont les deux héros de la partie finale du Livre des Directives (Ishârât).

Ce ne sont point là des allé­ gories, mais des symboles.

Non pas affa­ bulations de vérités théoriques pouvant être dites autrement, mais figures rypifiant le drame intime personnel, l'apprentissage de toute une vie.

Le symbole est chiffre et silence; il dit et ne dit pas.

On ne l'ex­ plique jamais une fois pour toutes; il s'épanouit au fur et à mesure que chacun parvient soi-même à y éclore, c'est-à-dire à en faire le chiffre de sa propre transmu­ tation.

La figure et le rôle de l'Ange qui est l'Intelligence active, permettent de com­ prendre les destinées ultérieures de l' avi­ cennisme.

C'est à cause d'elle que fut mis en échec un pur avicennisme latin; le monothéisme orthodoxe ne pouvait qu'en être alarmé, pressentant que loin d'être immobilisé et ordonné sous sa conduite à une fin inférieure, le philosophe pouvait être entraîné par elle vers d'imprévisibles au-delà, en tout cas par-delà les dogmes.

L' avicennisme ne fructifia qu'au prix d'une altération radicale (dans l'augus­ tinisme avicennisant analysé par E.

Gil­ son).

C'est dans la direction d'Albert le Grand (celle de son disciple Ulrich de Strasbourg, celle des précurseurs des mystiques rhénans), qu'il reste à en analyser les effets.

Mais, tandis que la crue de l'averroïsme devait submerger les effets de l' avicennisme en chrétienté, tout autres en furent les destinées en Orient.

Ni la critique d' al-Ghazzâli, ni l' aver­ roïsme, n y ont été retenus, ni même connus, comme ayant l'importance que leur ont donnée nos historiens de la philosophie.

Le continuateur d'Avicenne est Sohrawardî (ob.

II9I), dont l'œuvre fut de mener à bien le projet de « philo­ sophie orientale» en l'instaurant délibé­ rément sur une base toute nouvelle; une résurrection de la philosophie de la Lumière (lshrâq), qui était celle de l'ancienne Perse.

C'est cet avicennisme sohrawardien qui connut un magnifique essor dans l'Ecole d'Ispahan au XVI 8 et au xvu• siècle, et dont les effets sont restés vivants en Iran shî 'ite jusqu'à nos jours : Mîr Dâmâd, Sadrâ Shîrâzî, Qâzî Sa'îd Q_ommî et tant d'autres grands noms, malheureusement absents de nos tableaux de philosophie comparée.

Tandis que la pensée philosophique, par­ tout ailleurs dans le monde de l'Islam, est tombée en sommeil, ces maîtres de l'avicennisme donnent à l'Islam iranien shi' ite une conscience philosophique.

L' i­ dentification de l'Ange de la Révélation, qui est l'Esprit-Saint, avec l'Intelligence active fondait une philosophie de l'Esprit, profondément différente de ce qui s'est appelé ainsi en Occident et dont l'analyse oblige à remonter jusqu'aux options pré­ cédemment signalées.

D'autre part, en transférant à l'idée de l' lmâm comme Homme Parfait, les prémisses de la pro­ phétologie posées dans la doctrine avi­ cennienne de l'intellect, l'imâmologie trouvait son expression philosophique (comme ailleurs la christologie) et donnait sa physionomie propre à l'imâmisme, c'est-à-dire à l'Islam shî'ite.

A très grands traits, cet aperçu permet d'entrevoir combien l'œuvre d'Avicenne et l' avicennisme débordent le contexte trop étroit dans lequel nous avons eu trop longtemps l'habitude de les considérer.

HENRY CORBIN AL GAZALI (Iosg-IIII) prqfessa à Damas.

Ce difenseur d'une foi que menaçait la diffusion du péripa­ tétisme et le développement de la spécula­ tion rationnelle dans l'Islam, fait montre, dans sa rifutation de la philosophie - grecque, mais aussi arabe - d'une rare exigence philosophique.

Ainsi de sa cri­ tique de l'idée de cause naturelle.

Sa pensée est par là d'apparence ambiguë, et Averroès crut qu'il cherchait à se garantir des théologiens.

Mais les titres de ses ouvrages - Destruction des Philo­ sophes, Rénovation Religieuse -, en indiquent l'intention profonde : son scepticisme philosophique lui permet d'écarter toute doctrine dont la foi s'in­ quiète.

Reprochant aux philosophes leur impuissance à démontrer l'unité de Dieu et son immatérialité, la spiritualité de l'âme et son immortalité, il s'élève contre la thèse de l'éternité du monde, incompa­ tible avec la liberté divine, contre celle de l'éternité du temps, contradictoire comme la notion même de nombre infini.

C'est aussi un moraliste, peut-être trop ingé­ nieux.

( H.D.) AVERROÈS (u26-ug8) De l'Orient du Dâr al-lslâm, nous passons à son Extrême-Occident.

Le climat spirituel est autre; tandis qu'en Orient s'élabore le platonisme néozoroas­ trien de Sohrawardî (préfigurant le des­ sein du Byzantin Gémiste Pléthon}, nous venons ici en un climat où domine un penseur qui se veut consciemment et déli­ bérément aristotélicien.

La réputation des grands philosophes de l'Andalousie (Ibn Masarra, Ibn Badja, Ibn Tofayl) pâlit quelque peu devant le nom d'Averroès (Ibn Roshd}, le philosophe de Cordoue.

Il semblerait que le souci dominant de chaque historien ait été de montrer qu'Averroès appartint à son propre camp, dans le grand débat mettant en cause les rapports de la philosophie et de la religion.

Renan fit de lui un libre penseur avant la lettre; par réaction, des travaux récents tendent à le montrer comme un apologiste du Koran, voire comme un théologien, le plus souvent sans s' expli­ quer sur le sens de ce mot.

On ne devrait jamais oublier que les problèmes qui ont absorbé la chrétienté, n'ont pas forcé­ ment leurs équivalents exacts en Islam; ne pas oublier surtout que ce dernier ignore tout magistère dogmatique ana­ logue à celui de l'Eglise.

En fait, le propos d'Averroès est déterminé par un impérieux discernement des esprits; le texte religieux comporte une lettre exoté­ rique (zâhir) et un ou plusieurs sens ésotériques (bâtin); mais l'on provo­ querait les pires catastrophes psycholo­ giques et sociales en dévoilant intempes­ tivement aux ignorants et aux faibles le sens ésotérique des enseignements reli-gieux.

Néanmoins, il s'agit toujours d'une même vérité se présentant à des plans d'in­ terprétation différents.

Il était abusif d'attribuer à Averroès lui-même l'idée de deux vérités contradictoires.

Pour en arriver là, il fallait tout ignorer des propriétés de cette opération mentale qui s'appelle ta 'wîl, c'est-à-dire exégèse symbolique.

Précisément, on ne peut étu­ dier le ta 'wîl pratiqué par Averroès, sans connaître comment il fut mis en œuvre ailleurs, chez un Avicenne, un Sohrawardî, d'une manière générale dans le soufisme et dans le shi' isme, et par excellence dans l'ismaélisme.

La com­ paraison peut alors dégager les motifs et les conséquences de la cosmologie d'Averroès qui aboutit à détruire la seconde hiérarchie de l' angélologie avi­ cennienne, celle des Ames célestes repré­ sentant en propre le monde des Images et de l'Imagination active, par qui sub­ siste l'univers des symboles.

Avec la disparition de ce monde intermédiaire, s'efface l'idée d'une nouvelle naissance de l'âme liée à sa progression dans la nuit des symboles.

Le ta 'wîl peut dégé­ nérer en pure technique.

Au lieu de s'interroger sur le rationalisme d' Aver­ roès en présupposant les données qui furent propres aux conflits internes de la pensée chrétienne, il convient d'insérer la question dans le .

seul contexte qui lui donne son sens vraJ.

Parce que son propos est de restaurer une cosmologie qui soit dans le pur esprit d'Aristote, Averroës reproche à Avicenne son schéma triadique qui inter­ pose l'Ame céleste entre l'Intelligence séparée et l'orbe céleste.

Le moteur de chaque orbe est une vertu, une énergie finie, acquérant une puissance infinie par le désir qui le meut vers un être qui n'est ni un corps, ni une puissance subsistant dans un corps, mais une Intelligence séparée qui meut ce désir comme étant sa cause finale.

C'est par homonymie, pure métaphore, que l'on peut donner le nom d'âme à cette énergie motrice, à ce désir qui est un pur acte d'intellection.

Ce qui motive cette critique, c'est une prise de position fondamentale contre l' é­ manatisme avicennien, contre l'idée d'une procession successive des Intelligences à partir de l'Un.

Dans ce qui l'apparente encore à l'idée de création, cette idée est inintelligible à un péripatéticien de stricte observance.

Il n'est point de cause créatrice.

S'il existe une hiérarchie dans la cosmologie, c'est parce que le moteur de chaque orbe désire non seulement l'intelligence particulière à son Ciel, mais également l'Intelligence suprême.

Celle-ci peut alors en être dite la cause, non point comme émanatrice, mais au sens où « ce qui est compris » est cause de « ce qui le comprend », c'est-à-dire comme cause finale.

De même que toute substance intelligente et intelligible peut en ce sens être cause de plusieurs êtres, puisque chacun de ces êtres la comprend à sa manière, de même le Primum Movens, puisque de Ciel en Ciel le moteur de chaque orbe le comprend dif­ féremment.

Ainsi donc, ni création ni processions successives, mais simulta­ néité dans un commencement éternel; le principe rigoureux - Ex uno non fit 377. »

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