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De quelle vérité l'opinion est-elle capable ?

Publié le 04/02/2004

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ou un « de mon point de vue... » qui signaleraient immédiatement un enracinement dans la singularité, et ne laisseraient présager, en guise de ce que l'on nomme si volontiers « débat d'opinions », qu'un affrontement de jugements a priori dont ne pourrait sortir aucune idée claire, chaque intervenant demeurant en général, à la fin d'un tel débat, sur ses positions initiales. L'opinion, une fois affirmée par un individu, semble en effet lui appartenir en propre, faire partie de lui-même, au point que devoir y renoncer lui semble impossible, parce que cela signifierait une sorte d'appauvrissement de son être même.Mais on peut souligner, d'un point de vue différent, que l'opinion n'est en fait jamais personnelle : elle dépend d'une mentalité, d'un groupe social, d'une classe, et, sous cet aspect, participe des «idées reçues », admises sans discussion comme des sortes d'évidences, grâce auxquelles l'individu qui y adhère confirme du même coup son appartenance à un collectif. La revendication subjective serait ainsi en trompe-l'oeil, et il est possible de considérer qu'elle n'est possible que parce que l'opinion est en fait anonyme, et sans responsable initial repérable. Adhérer à l'opinion, c'est ainsi faire sienne une rumeur, un on-dit, et profiter de son absence d'auteur pour faire comme si elle était sienne. Choisir l'adhésion, c'est simplement admettre que l'opinion est suffisamment vraisemblable pour n'avoir nul besoin d'être vérifiée.Ce manque de vérification ou de preuve constitue, du point de vue de l'exigence rationnelle, le plus grave défaut de l'opinion : on ne sait jamais très bien d'où elle sort ni sur quoi elle s'appuie ; elle a simplement en elle de quoi séduire dans la situation où l'on se trouve, elle paraît ainsi convaincante et persuasive, et cela suffit pour déterminer l'adhésion.Il n'est donc pas étonnant que, lorsque les philosophes établissent un classement des modes de connaissances, l'opinion se situe toujours au degré inférieur. Pour Platon, elle correspond à la doxa, en relation seulement avec les images et reflets des choses.

« [III.

Opinion et choix radicaux] L'existence ne se déroule pas dans un constant souci de vérité scientifique.

Et il y a bien des domaines où cettedernière fait défaut, domaines qui ne sont pas négligeables pour autant, puisqu'ils peuvent concerner au contrairedes choix radicaux que tout individu est amené à faire.Il est par exemple difficile – c'est le moins qu'on puisse dire – de choisir «scientifiquement» un parti politique.Considérer que l'engagement politique ne peut être qu'une affaire d'opinion, ce n'est pourtant pas le condamner àl'erreur systématique (du moins faut-il l'espérer !).

Or il n'existe pas d'autorité qui puisse légitimement(rationnellement) m'obliger à choisir tel parti plutôt que tel autre, et je sais d'avance que « mon » opinion, tellequ'elle s'exprimera par mon choix, sera bien collective – en sorte qu'à cette opinion politique, on ne peut reprocherde revendiquer un caractère strictement personnel (ce qui l'est, par contre, c'est mon choix).Il en va évidemment de même dans le domaine des croyances religieuses.

Malgré les efforts des philosophes pourélaborer des preuves de l'existence de Dieu, il est peu probable que l'une d'elles ait jamais convaincu un individu – etKierkegaard signale précisément que prétendre démontrer l'existence de Dieu ne démontre en fait que l'insuffisancede la foi et l'orgueil de la pensée...

L'opinion religieuse n'a rien de méprisable : elle implique un engagement total dela personne, une modification profonde de sa vie et de sa conduite, et la proposition « Dieu existe » constitue pourelle, désormais, une vérité incontestable, même si elle n'a rien de scientifique.C'est évidemment par rapport à de telles opinions que la proclamation de la liberté d'opinion a du sens, et nonrelativement aux opinions superficielles qui consistent trop souvent à aliéner la pensée dans l'air du temps. [Conclusion] S'il n'y avait que des vérités scientifiques, l'opinion ne pourrait en aucun cas en être capable, puisqu'elle n'est jamaistotalement rationnelle.

L'élaboration des vérités scientifiques a d'ailleurs balayé bon nombre d'opinions collectives quien occupaient auparavant le terrain.

Mais l'homme vit aussi dans la pratique, il a en lui des interrogations auxquellesla science ne peut répondre, et cela autorise à affirmer des vérités d'un autre genre par le seul recours à l'opinion.On aurait donc tort de ne prendre ce terme qu'en mauvaise part : il présente aussi un versant positif, et qui peutconcerner ce qu'il y a de plus intime dans un individu.. »

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