confondirent l'affreuse mélancolie de leur peine.
Publié le 29/10/2013
Extrait du document
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Chapitre
9
Au Havre, dèslesjours suivants, JacquesetSéverine semontrèrent d'unegrande prudence, pris
d'inquiétude.
PuisqueRoubaud savaittout,n'allait-il paslesguetter, lessurprendre, pourse
venger d'eux,dansunéclat ? Ilsse rappelaient sesemportements jalouxd'autrefois, ses
brutalités d'ancienhommed'équipe, tapantàpoings fermés.
Et,justement, illeur semblait, àle
voir, silourd, simuet, avecsesyeux troubles, qu'ildevait méditer quelque farouche
sournoiserie, unguet-apens, oùilles tiendrait ensapuissance.
Aussi, pendant lepremier mois,nesevirent-ils qu'avecmilleprécautions, toujoursenalerte.
Roubaud, cependant, deplus enplus, s'absentait.
Peut-êtrenedisparaissait-il ainsiquepour
revenir àl'improviste etles trouver auxbras l'undel'autre.
Maiscette crainte neseréalisait
pas.
Aucontraire, sesabsences seprolongeaient àun tel point, qu'iln'était plusjamais là,
s'échappant dèsqu'il était libre, nerentrant qu'àlaminute précise oùleservice leréclamait.
Les semaines dejour, iltrouvait lemoyen, àdix heures, dedéjeuner encinq minutes, puisdene
pas reparaître avantonzeheures etdemie et,lesoir, àcinq heures, lorsque soncollègue
descendait leremplacer, ilfilait, souvent pourlanuit entière.
Apeine prenait-il quelques heures
de sommeil.
Ilen était demême dessemaines denuit, librealors dèscinq heures dumatin,
mangeant etdormant dehorssansdoute, entout casnerevenant qu'àcinqheures dusoir.
Longtemps, danscedésarroi, ilavait gardé uneponctualité d'employémodèle,toujours présent
à la minute exacte, siéreinté parfois, qu'ilnetenait passurses jambes, maisdebout pourtant,
consciencieux àsa besogne.
Puis, maintenant, destrous seproduisaient.
Deuxfoisdéjà, l'autre sous-chef, Moulin,avaitdû
l'attendre uneheure même, unmatin, aprèsledéjeuner, apprenant qu'ilnereparaissait pas,il
était venu lesuppléer, enbrave homme, pourluiéviter uneréprimande.
Ettout leservice de
Roubaud commençait ainsiàse ressentir decette désorganisation lente.Lejour, cen'était plus
l'homme actif,n'expédiant ounerecevant untrain qu'après avoirtoutvupar sesyeux,
consignant lesmoindres faitsdans sonrapport auchef degare, duraux autres etàlui-même.
La nuit, ils'endormait d'unsommeil deplomb, aufond dugrand fauteuil deson bureau.
Éveillé,
il semblait sommeiller encore,allaitetvenait surlequai, lesmains croisées derrièreledos,
donnait d'unevoixblanche lesordres, dontilne vérifiait pasl'exécution.
Tout marchait quandmême, parlaforce acquise del'habitude, saufuntamponnement dûà
une négligence desapart, untrain devoyageurs lancésurune voie degarage.
Sescollègues,
simplement, s'égayaient,encontant qu'ilfaisait lanoce.
La vérité étaitqueRoubaud, àprésent, vivaitaupremier étageducafé duCommerce, dansla
petite salleécartée, devenue peuàpeu untripot.
Onracontait quedesfemmes s'yrendaient,
chaque nuit mais onn'y enaurait trouvé réellement qu'une,lamaîtresse d'uncapitaine en
retraite, âgéed'aumoins quarante ans,joueuse enragée elle-même, sanssexe.
Lesous-chef ne
satisfaisait làque lamorne passion dujeu, éveillée enlui, aulendemain dumeurtre, parle
hasard d'unepartie depiquet, grandie ensuiteetchangée enune habitude impérieuse, pour
l'absolue distraction, l'anéantissement qu'elleluiprocurait.
Ellel'avait possédé jusqu'àchasser
le désir delafemme, chezcemâle brutal elleletenait désormais toutentier, comme
l'assouvissement unique,oùilse contentait.
Cen'était pasque leremords l'eûtjamais
tourmenté dubesoin del'oubli mais,danslasecousse dontsedétraquait sonménage, au
milieu deson existence gâtée,ilavait trouvé laconsolation, l'étourdissement debonheur
égoïste, qu'ilpouvait goûterseul ettout sombrait maintenant, aufond decette passion, qui
achevait deledésorganiser.
L'alcoolneluiaurait pasdonné desheures pluslégères, plus
rapides, affranchies àce point.
Ilétait dégagé dusouci même delavie, illui semblait vivreavec
une intensité extraordinaire, maisailleurs, désintéressé, sansqueplus rienletouchât des
ennuis dontjadisilcrevait derage.
Etilse portait fortbien, endehors delafatigue desnuits.
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