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confondirent l'affreuse mélancolie de leur peine.

Publié le 29/10/2013

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confondirent l'affreuse mélancolie de leur peine. C'était une infinie souffrance, sans oubli possible, sans pardon. Ils pleuraient, et ils sentaient sur eux les forces aveugles de la vie, faite de lutte et de mort. « Allons, dit Jacques, en se dégageant, il est l'heure de songer au départ... Ce soir, tu seras au Havre. « Séverine, sombre, les regards perdus, murmura, après un silence : « Encore, si j'étais libre, si mon mari n'était plus là !... Ah ! comme nous oublierions vite ! « Il eut un geste violent, il pensa tout haut. « Nous ne pouvons pourtant pas le tuer. « Fixement, elle le regarda, et lui tressaillit, étonné d'avoir dit cette chose, à laquelle il n'avait jamais songé. Puisqu'il voulait tuer, pourquoi donc ne le tuait-il pas, cet homme gênant ? Et, comme il la quittait enfin, pour courir au dépôt, elle le reprit entre ses bras, le couvrit de baisers. « Oh ! mon chéri, aime-moi bien. Je t'aimerai plus fort, plus fort encore... Va, nous serons heureux. « Chapitre 9   Au Havre, dès les jours suivants, Jacques et Séverine se montrèrent d'une grande prudence, pris d'inquiétude. Puisque Roubaud savait tout, n'allait-il pas les guetter, les surprendre, pour se venger d'eux, dans un éclat ? Ils se rappelaient ses emportements jaloux d'autrefois, ses brutalités d'ancien homme d'équipe, tapant à poings fermés. Et, justement, il leur semblait, à le voir, si lourd, si muet, avec ses yeux troubles, qu'il devait méditer quelque farouche sournoiserie, un guet-apens, où il les tiendrait en sa puissance. Aussi, pendant le premier mois, ne se virent-ils qu'avec mille précautions, toujours en alerte. Roubaud, cependant, de plus en plus, s'absentait. Peut-être ne disparaissait-il ainsi que pour revenir à l'improviste et les trouver aux bras l'un de l'autre. Mais cette crainte ne se réalisait pas. Au contraire, ses absences se prolongeaient à un tel point, qu'il n'était plus jamais là, s'échappant dès qu'il était libre, ne rentrant qu'à la minute précise où le service le réclamait. Les semaines de jour, il trouvait le moyen, à dix heures, de déjeuner en cinq minutes, puis de ne pas reparaître avant onze heures et demie  et, le soir, à cinq heures, lorsque son collègue descendait le remplacer, il filait, souvent pour la nuit entière. A peine prenait-il quelques heures de sommeil. Il en était de même des semaines de nuit, libre alors dès cinq heures du matin, mangeant et dormant dehors sans doute, en tout cas ne revenant qu'à cinq heures du soir. Longtemps, dans ce désarroi, il avait gardé une ponctualité d'employé modèle, toujours présent à la minute exacte, si éreinté parfois, qu'il ne tenait pas sur ses jambes, mais debout pourtant, consciencieux à sa besogne. Puis, maintenant, des trous se produisaient. Deux fois déjà, l'autre sous-chef, Moulin, avait dû l'attendre une heure  même, un matin, après le déjeuner, apprenant qu'il ne reparaissait pas, il était venu le suppléer, en brave homme, pour lui éviter une réprimande. Et tout le service de Roubaud commençait ainsi à se ressentir de cette désorganisation lente. Le jour, ce n'était plus l'homme actif, n'expédiant ou ne recevant un train qu'après avoir tout vu par ses yeux, consignant les moindres faits dans son rapport au chef de gare, dur aux autres et à lui-même. La nuit, il s'endormait d'un sommeil de plomb, au fond du grand fauteuil de son bureau. Éveillé, il semblait sommeiller encore, allait et venait sur le quai, les mains croisées derrière le dos, donnait d'une voix blanche les ordres, dont il ne vérifiait pas l'exécution. Tout marchait quand même, par la force acquise de l'habitude, sauf un tamponnement dû à une négligence de sa part, un train de voyageurs lancé sur une voie de garage. Ses collègues, simplement, s'égayaient, en contant qu'il faisait la noce. La vérité était que Roubaud, à présent, vivait au premier étage du café du Commerce, dans la petite salle écartée, devenue peu à peu un tripot. On racontait que des femmes s'y rendaient, chaque nuit  mais on n'y en aurait trouvé réellement qu'une, la maîtresse d'un capitaine en retraite, âgée d'au moins quarante ans, joueuse enragée elle-même, sans sexe. Le sous-chef ne satisfaisait là que la morne passion du jeu, éveillée en lui, au lendemain du meurtre, par le hasard d'une partie de piquet, grandie ensuite et changée en une habitude impérieuse, pour l'absolue distraction, l'anéantissement qu'elle lui procurait. Elle l'avait possédé jusqu'à chasser le désir de la femme, chez ce mâle brutal  elle le tenait désormais tout entier, comme l'assouvissement unique, où il se contentait. Ce n'était pas que le remords l'eût jamais tourmenté du besoin de l'oubli  mais, dans la secousse dont se détraquait son ménage, au milieu de son existence gâtée, il avait trouvé la consolation, l'étourdissement de bonheur égoïste, qu'il pouvait goûter seul  et tout sombrait maintenant, au fond de cette passion, qui achevait de le désorganiser. L'alcool ne lui aurait pas donné des heures plus légères, plus rapides, affranchies à ce point. Il était dégagé du souci même de la vie, il lui semblait vivre avec une intensité extraordinaire, mais ailleurs, désintéressé, sans que plus rien le touchât des ennuis dont jadis il crevait de rage. Et il se portait fort bien, en dehors de la fatigue des nuits

« Chapitre 9   Au Havre, dèslesjours suivants, JacquesetSéverine semontrèrent d'unegrande prudence, pris d'inquiétude.

PuisqueRoubaud savaittout,n'allait-il paslesguetter, lessurprendre, pourse venger d'eux,dansunéclat ? Ilsse rappelaient sesemportements jalouxd'autrefois, ses brutalités d'ancienhommed'équipe, tapantàpoings fermés.

Et,justement, illeur semblait, àle voir, silourd, simuet, avecsesyeux troubles, qu'ildevait méditer quelque farouche sournoiserie, unguet-apens, oùilles tiendrait ensapuissance. Aussi, pendant lepremier mois,nesevirent-ils qu'avecmilleprécautions, toujoursenalerte. Roubaud, cependant, deplus enplus, s'absentait.

Peut-êtrenedisparaissait-il ainsiquepour revenir àl'improviste etles trouver auxbras l'undel'autre.

Maiscette crainte neseréalisait pas.

Aucontraire, sesabsences seprolongeaient àun tel point, qu'iln'était plusjamais là, s'échappant dèsqu'il était libre, nerentrant qu'àlaminute précise oùleservice leréclamait. Les semaines dejour, iltrouvait lemoyen, àdix heures, dedéjeuner encinq minutes, puisdene pas reparaître avantonzeheures etdemie  et,lesoir, àcinq heures, lorsque soncollègue descendait leremplacer, ilfilait, souvent pourlanuit entière.

Apeine prenait-il quelques heures de sommeil.

Ilen était demême dessemaines denuit, librealors dèscinq heures dumatin, mangeant etdormant dehorssansdoute, entout casnerevenant qu'àcinqheures dusoir. Longtemps, danscedésarroi, ilavait gardé uneponctualité d'employémodèle,toujours présent à la minute exacte, siéreinté parfois, qu'ilnetenait passurses jambes, maisdebout pourtant, consciencieux àsa besogne. Puis, maintenant, destrous seproduisaient.

Deuxfoisdéjà, l'autre sous-chef, Moulin,avaitdû l'attendre uneheure  même, unmatin, aprèsledéjeuner, apprenant qu'ilnereparaissait pas,il était venu lesuppléer, enbrave homme, pourluiéviter uneréprimande.

Ettout leservice de Roubaud commençait ainsiàse ressentir decette désorganisation lente.Lejour, cen'était plus l'homme actif,n'expédiant ounerecevant untrain qu'après avoirtoutvupar sesyeux, consignant lesmoindres faitsdans sonrapport auchef degare, duraux autres etàlui-même. La nuit, ils'endormait d'unsommeil deplomb, aufond dugrand fauteuil deson bureau.

Éveillé, il semblait sommeiller encore,allaitetvenait surlequai, lesmains croisées derrièreledos, donnait d'unevoixblanche lesordres, dontilne vérifiait pasl'exécution. Tout marchait quandmême, parlaforce acquise del'habitude, saufuntamponnement dûà une négligence desapart, untrain devoyageurs lancésurune voie degarage.

Sescollègues, simplement, s'égayaient,encontant qu'ilfaisait lanoce. La vérité étaitqueRoubaud, àprésent, vivaitaupremier étageducafé duCommerce, dansla petite salleécartée, devenue peuàpeu untripot.

Onracontait quedesfemmes s'yrendaient, chaque nuit mais onn'y enaurait trouvé réellement qu'une,lamaîtresse d'uncapitaine en retraite, âgéed'aumoins quarante ans,joueuse enragée elle-même, sanssexe.

Lesous-chef ne satisfaisait làque lamorne passion dujeu, éveillée enlui, aulendemain dumeurtre, parle hasard d'unepartie depiquet, grandie ensuiteetchangée enune habitude impérieuse, pour l'absolue distraction, l'anéantissement qu'elleluiprocurait.

Ellel'avait possédé jusqu'àchasser le désir delafemme, chezcemâle brutal  elleletenait désormais toutentier, comme l'assouvissement unique,oùilse contentait.

Cen'était pasque leremords l'eûtjamais tourmenté dubesoin del'oubli  mais,danslasecousse dontsedétraquait sonménage, au milieu deson existence gâtée,ilavait trouvé laconsolation, l'étourdissement debonheur égoïste, qu'ilpouvait goûterseul ettout sombrait maintenant, aufond decette passion, qui achevait deledésorganiser.

L'alcoolneluiaurait pasdonné desheures pluslégères, plus rapides, affranchies àce point.

Ilétait dégagé dusouci même delavie, illui semblait vivreavec une intensité extraordinaire, maisailleurs, désintéressé, sansqueplus rienletouchât des ennuis dontjadisilcrevait derage.

Etilse portait fortbien, endehors delafatigue desnuits. »

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