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Conte fantastique et roman policier

Publié le 23/04/2011

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conte

Aujourd'hui, malgré tous les manifestes des partis ou des écoles littéraires qui assignent à l'écrivain la mission de s'installer au centre même de la réalité actuelle et de prendre position en face des problèmes présents, les œuvres d'un caractère apparemment gratuit foisonnent et conquièrent un public de plus en plus nombreux, grâce à leur pouvoir de consolation ou de diversion... Il est certain que bien des formules familières à Hoffmann (1) et à ses imitateurs français apparaissent périmées aujourd'hui. En un temps où la psychanalyse... (1) Hoffmann : célèbre conteur fantastique allemand (1776-1822).  

décèle et « liquide « les complexes générateurs d'hallucinations, où les savants réalisent les rêves des anciens alchimistes, bien des aventures fantastiques ont perdu leur attrait merveilleux. Quel conteur prétendrait intéresser à un imaginaire élixir de longue vie ou à une problématique transmutation des métaux des lecteurs que leur journal renseigne sur les vertus du sérum de Bogo-moletz (1) ou sur les effets d'une désintégration atomique?... Le public contemporain est bien moins naïf encore que celui de l'âge romantique; il faut inventer pour lui de nouveaux prestiges. Ainsi procèdent les auteurs de romans et de contes policiers. La littérature policière connaît, de nos jours, la même fortune que la littérature fantastique aux environs de 1830. Ce rapprochement n'est nullement fortuit, et nous ne saurions nous étonner que le génie d'un Edgar Poe ait pu briller d'un éclat dans les deux genres. Le cadre le plus ordinaire du conte fantastique est un local hanté par un fantôme; le problème policier le plus commun est celui de la chambre close enveloppée de mystère. Mais le héros du conte fantastique croit à une manifestation de l'au-delà ; l'inspecteur de police sait bien que le criminel le plus habile est incapable de traverser les murs. L'un accepte le miracle comme signe d'une révélation, l'autre tâche de le supprimer grâce à sa technique de la détection. Les deux manières semblent ainsi s'opposer comme s'opposent deux affirmations contradictoires dont l'une est fondée sur la foi en une réalité transcendante (2) et l'autre sur l'adhésion à un positivisme souverain. Mais cette opposition est beaucoup trop rigide ; et la plupart des romanciers ou essayistes qui ont médité sur la technique du récit policier ont discerné quel rôle implicite joue encore le merveilleux dans cette catégorie d'œuvres. Rappelons ces propos de G. K. Chesterton (3) : « Le conte policier est la seule forme de littérature populaire où l'on trouve, en quelque mesure, le sens de la poésie de la vie moderne... Voici que les lumières de la ville brillent comme les yeux d'innombrables farfadets, car elles sont les gardiens d'un secret, si puéril qu'il soit, que l'auteur connaît et que le lecteur ignore. Chaque tournant de la route est comme un doigt indicateur qui nous le désigne, chaque fantastique rangée de cheminées à l'horizon semble (1) Bogomoletz : biologiste russe, inventeur d'un sérum qu'il a préconisé comme moyen de prévention de la sénescence (1831-1946). (2) Transcendante : qui est d'une autre nature que le monde de l'expérience. (3) Chesterton : écrivain anglais (1874-1936), auteur en particulier de nouvelles policières.

saluer d'un geste ironique et bizarre la solution du mystère. « Sachons faire la part, dans ces lignes, d'une exaltation facile, qui nuit à la rigueur de l'analyse. Sachons pourtant reconnaître, nous aussi, cette vertu fascinante qui, dans certaines énigmes, semble émaner des objets les plus familiers. En outre, l'auteur d'un roman policier prête souvent à son personnage principal, criminel ou détective, un prestige quasi surnaturel. Fantomas, au nom évocateur, se manifeste par des apparitions soudaines et demeure chaque fois insaisissable, comme un être d'au-delà. Arsène Lupin semble pourvu d'un don d'ubiquité. Sherlock Holmes observe et raisonne avec l'infaillibilité d'un surhomme^ D'autres héros sont plus proches de nous sans doute : de nombreux conteurs peignent des assassins pleins de faiblesse humaine, des policiers consciencieux et sans génie. Mais un écrivain habile, même s'il est partisan d'une esthétique strictement réaliste, veille toujours à ménager de place en place, et en tout cas au dénouement, des effets de surprise violente qui ressemblent beaucoup aux effets recherchés par les conteurs fantastiques. Le conte policier apparaît alors d'un certain point de vue comme un conte fantastique expliqué, comme une histoire merveilleuse adaptée aux exigences d'un public incrédule qui aime savourer les joies troubles du frisson éveillé par le mystère, mais qui résisterait aux prestiges d'enchantements surannés. P.-G. Castex, le Conte fantastique en France (1951). • La première partie de votre devoir doit condenser ce texte soit sous la forme d'un résumé qui en donne une image directe en suivant le fil du développement, soit sous la forme d'une analyse qui en dégage la structure logique. Pour la seconde partie, vous choisirez dans ce texte un problème auquel vous attachez un intérêt particulier, vous en préciserez les données et exposerez, en les justifiant, vos propres vues sur la question.   

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