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Contes de la bécasse "Je demande pardon à Dieu d'abord, et ensuite à mon cher fils René, de l'acte que je vais commettre.

Publié le 11/04/2014

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dieu
Contes de la bécasse "Je demande pardon à Dieu d'abord, et ensuite à mon cher fils René, de l'acte que je vais commettre. Je crois mon enfant assez grand de coeur pour me comprendre et me pardonner. J'ai souffert toute ma vie. J'ai été épousée par calcul, puis méprisée, méconnue, opprimée, trompée sans cesse par mon mari. "Je lui pardonne, mais je ne lui dois rien. "Mes fils aînés ne m'ont point aimée, ne m'ont point gâtée, m'ont à peine traitée comme une mère. "J'ai été pour eux, durant ma vie, ce que je devais être ; je ne leur dois plus rien après ma mort. Les liens du sang n'existent pas sans l'affection constante, sacrée, de chaque jour. Un fils ingrat est moins qu'un étranger ; c'est un coupable, car il n'a pas le droit d'être indifférent pour sa mère. "J'ai toujours tremblé devant les hommes, devant leurs lois iniques, leurs coutumes inhumaines, leurs préjugés infâmes. Devant Dieu, je ne crains plus. Morte, je rejette de moi la honteuse hypocrisie ; j'ose dire ma pensée, avouer et signer le secret de mon coeur. "Donc, je laisse en dépôt toute la partie de ma fortune dont la loi me permet de disposer, à mon amant bien-aimé Pierre-Germer-Simon de Bourneval, pour revenir ensuite à notre cher fils René. (Cette volonté est formulée en outre, d'une façon plus précise, dans un acte notarié.) "Et, devant le Juge suprême qui m'entend je déclare que j'aurais maudit le Ciel et l'existence si je n'avais rencontré l'affection profonde, dévouée, tendre, inébranlable de mon amant, si je n'avais compris dans ses bras que le Créateur a fait les êtres pour s'aimer, se soutenir, se consoler, et pleurer ensemble dans les heures d'amertume. "Mes deux fils aînés ont pour père M. de Courcils. René seul doit la vie à M. de Bourneval. Je prie le Maître des hommes et de leurs destinées de placer au-dessus des préjugés sociaux le père et le fils, de les faire s'aimer jusqu'à leur mort et m'aimer encore dans mon cercueil. "Tels sont ma dernière pensée et mon dernier désir. "MATHILDE DE CROIXLUCE." "M. de Courcils s'était levé ; il cria : "C'est là le testament d'une folle !" Alors M. de Bourneval fit un pas et déclara d'une voix forte, d'une voix tranchante : "Moi, Simon de Bourneval, je déclare que cet écrit ne renferme que la stricte vérité. Je suis prêt à le soutenir devant n'importe qui, et à le prouver même par les lettres que j'ai." "Alors M. de Courcils marcha vers lui. Je crus qu'ils allaient se colleter. Ils étaient là, grands tous deux, l'un gros, l'autre maigre, frémissants. Le mari de ma mère articula en bégayant : "Vous êtes un misérable !" L'autre prononça du même ton vigoureux et sec : "Nous nous retrouverons autre part, monsieur. Je vous aurais déjà souffleté et provoqué depuis longtemps si je n'avais tenu avant tout à la tranquillité, durant sa vie, de la pauvre femme que vous avez tant fait souffrir." "Puis il se tourna vers moi : "Vous êtes mon fils. Voulez-vous me suivre ? Je n'ai pas le droit de vous emmener, mais je le prends, si vous voulez bien m'accompagner." "Je lui serrai la main sans répondre. Et nous sommes sortis ensemble. J'étais, certes, aux trois quarts fou. Contes de la bécasse 45 Contes de la bécasse "Deux jours plus tard M. de Bourneval tuait en duel M. de Courcils. Mes frères, par crainte d'un affreux scandale, se sont tus. Je leur ai cédé et ils ont accepté la moitié de la fortune laissée par ma mère. "J'ai pris le nom de mon père véritable, renonçant à celui que la loi me donnait et qui n'était pas le mien. "M. de Bourneval est mort depuis cinq ans. Je ne suis point encore consolé." * Il se leva, fit quelques pas, et, se plaçant en face de moi : "Eh bien ! je dis que le testament de ma mère est une des choses les plus belles, les plus loyales, les plus grandes qu'une femme puisse accomplir. N'est-ce pas votre avis ?" Je lui tendis les deux mains : "Oui, certainement, mon ami." ******************************** AUX CHAMPS A Octave Mirbeau. Les deux chaumières étaient côte à côte, au pied d'une colline, proches d'une petite ville de bains. Les deux paysans besognaient dur sur la terre inféconde pour élever tous leurs petits. Chaque ménage en avait quatre. Devant les deux portes voisines, toute la marmaille grouillait du matin au soir. Les deux aînés avaient six ans et les deux cadets quinze mois environ ; les mariages, et, ensuite, les naissances s'étaient produites à peu près simultanément dans l'une et l'autre maison. Les deux mères distinguaient à peine leurs produits dans le tas ; et les deux pères confondaient tout à fait. Les huit noms dansaient dans leur tête, se mêlaient sans cesse ; et, quand il fallait en appeler un, les hommes souvent en criaient trois avant d'arriver au véritable. La première des deux demeures, en venant de la station d'eaux de Rolleport, était occupée par les Tuvache, qui avaient trois filles et un garçon ; l'autre masure abritait les Vallin, qui avaient une fille et trois garçons. Tout cela vivait péniblement de soupe, de pommes de terre et de grand air. A sept heures, le matin, puis à midi, puis à six heures, le soir, les ménagères réunissaient leurs mioches pour donner la pâtée, comme des gardeurs d'oies assemblent leurs bêtes. Les enfants étaient assis, par rang d'âge, devant la table en bois, vernie par cinquante ans d'usage. Le dernier moutard avait à peine la bouche au niveau de la planche. On posait devant eux l'assiette creuse pleine de pain molli dans l'eau où avaient cuit les pommes de terre, un demi-chou et trois oignons ; et toute la lignée mangeait jusqu'à plus faim. La mère empâtait elle-même le petit. Un peu de viande au pot-au-feu, le dimanche, était une fête pour tous ; et le père, ce jour-là, s'attardait au repas en répétant : "Je m'y ferais bien tous les jours." Par un après-midi du mois d'août, une légère voiture s'arrêta brusquement devant les deux chaumières, et une jeune femme, qui conduisait elle-même, dit au monsieur assis à côté d'elle : "Oh ! regarde, Henri, ce tas d'enfants ! Sont-ils jolis, comme ca, à grouiller dans la poussière." L'homme ne répondit rien, accoutumé à ces admirations qui étaient une douleur et presque un reproche pour lui. La jeune femme reprit : Contes de la bécasse 46
dieu

« "Deux jours plus tard M.

de Bourneval tuait en duel M.

de Courcils.

Mes frères, par crainte d'un affreux scandale, se sont tus.

Je leur ai cédé et ils ont accepté la moitié de la fortune laissée par ma mère.

"J'ai pris le nom de mon père véritable, renonçant à celui que la loi me donnait et qui n'était pas le mien.

"M.

de Bourneval est mort depuis cinq ans.

Je ne suis point encore consolé." * Il se leva, fit quelques pas, et, se plaçant en face de moi : "Eh bien ! je dis que le testament de ma mère est une des choses les plus belles, les plus loyales, les plus grandes qu'une femme puisse accomplir.

N'est-ce pas votre avis ?" Je lui tendis les deux mains : "Oui, certainement, mon ami." ******************************** AUX CHAMPS A Octave Mirbeau.

Les deux chaumières étaient côte à côte, au pied d'une colline, proches d'une petite ville de bains.

Les deux paysans besognaient dur sur la terre inféconde pour élever tous leurs petits.

Chaque ménage en avait quatre. Devant les deux portes voisines, toute la marmaille grouillait du matin au soir.

Les deux aînés avaient six ans et les deux cadets quinze mois environ ; les mariages, et, ensuite, les naissances s'étaient produites à peu près simultanément dans l'une et l'autre maison.

Les deux mères distinguaient à peine leurs produits dans le tas ; et les deux pères confondaient tout à fait.

Les huit noms dansaient dans leur tête, se mêlaient sans cesse ; et, quand il fallait en appeler un, les hommes souvent en criaient trois avant d'arriver au véritable.

La première des deux demeures, en venant de la station d'eaux de Rolleport, était occupée par les Tuvache, qui avaient trois filles et un garçon ; l'autre masure abritait les Vallin, qui avaient une fille et trois garçons.

Tout cela vivait péniblement de soupe, de pommes de terre et de grand air.

A sept heures, le matin, puis à midi, puis à six heures, le soir, les ménagères réunissaient leurs mioches pour donner la pâtée, comme des gardeurs d'oies assemblent leurs bêtes.

Les enfants étaient assis, par rang d'âge, devant la table en bois, vernie par cinquante ans d'usage.

Le dernier moutard avait à peine la bouche au niveau de la planche.

On posait devant eux l'assiette creuse pleine de pain molli dans l'eau où avaient cuit les pommes de terre, un demi-chou et trois oignons ; et toute la lignée mangeait jusqu'à plus faim.

La mère empâtait elle-même le petit.

Un peu de viande au pot-au-feu, le dimanche, était une fête pour tous ; et le père, ce jour-là, s'attardait au repas en répétant : "Je m'y ferais bien tous les jours." Par un après-midi du mois d'août, une légère voiture s'arrêta brusquement devant les deux chaumières, et une jeune femme, qui conduisait elle-même, dit au monsieur assis à côté d'elle : "Oh ! regarde, Henri, ce tas d'enfants ! Sont-ils jolis, comme ca, à grouiller dans la poussière." L'homme ne répondit rien, accoutumé à ces admirations qui étaient une douleur et presque un reproche pour lui.

La jeune femme reprit : Contes de la bécasse Contes de la bécasse 46. »

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