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Discours de Ferry sur la politique coloniale

Publié le 14/04/2013

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discours

 (1885)

Dans les années 1880, l’argumentaire de Jules Ferry et des républicains favorables à l’expansion coloniale se fonde avant tout sur des considérations diplomatiques, stratégiques et économiques. L’idée du rayonnement de la France relève moins d’une justification morale — l’alibi de la mission civilisatrice de la France — que du désir de concurrencer la Grande-Bretagne et d’affirmer une présence active du pays dans le concert des nations, en Europe et au-delà.

L’expansion coloniale selon Jules Ferry

 

[…] Je dis que la politique coloniale de la France, que la politique d’expansion coloniale, celle qui nous a fait aller sous l’Empire à Saïgon, en Cochinchine, celle qui nous a conduits en Tunisie, celle qui nous a amenés à Madagascar, je dis que cette politique d’expansion coloniale s’est inspirée d’une vérité sur laquelle il faut pourtant appeler un instant votre attention : à savoir qu’une marine comme la nôtre ne peut pas se passer, sur la surface des mers, d’abris solides, de défenses, de centres de ravitaillement. […] Messieurs, il y a là des considérations qui méritent toute l’attention des patriotes. Les conditions de la guerre maritime sont profondément modifiées. À l’heure qu’il est, vous savez qu’un navire de guerre ne peut pas porter, si parfaite que soit son organisation, plus de quatorze jours de charbon, et qu’un navire qui n’a plus de charbon est une épave sur la surface des mers, abandonnée au premier occupant. D’où la nécessité d’avoir sur les mers des rades d’approvisionnement, des abris, des ports de défense et de ravitaillement. Et c’est pour cela qu’il nous fallait la Tunisie ; c’est pour cela qu’il nous fallait Saïgon et la Cochinchine ; c’est pour cela qu’il nous faut Madagascar, et que nous sommes à Diégo-Suarez et à Vohémar, et que nous ne les quitterons jamais !… Messieurs, dans l’Europe telle qu’elle est faite, dans cette concurrence de tant de rivaux que nous voyons grandir autour de nous, les uns par les perfectionnements militaires ou maritimes ; les autres par le développement prodigieux d’une population incessamment croissante ; dans une Europe, ou plutôt dans un univers ainsi fait, la politique de recueillement ou l’abstention, c’est tout simplement le grand chemin de la décadence ! Les nations, au temps où nous sommes, ne sont grandes que par l’activité qu’elles développent. Rayonner sans agir, sans se mêler aux affaires du monde, en se tenant à l’écart de toutes les combinaisons européennes, en regardant comme un piège, comme une aventure toute expansion vers l’Afrique ou vers l’Orient, vivre de cette sorte, pour une grande nation, croyez-le bien, c’est abdiquer, et dans un temps plus court que vous ne pouvez le croire, c’est descendre du premier rang au troisième et au quatrième. Le parti républicain a montré qu’il comprenait bien qu’on ne pouvait pas proposer à la France un idéal politique conforme à celui de nations comme la libre Belgique et comme la Suisse républicaine ; qu’il faut autre chose à la France : qu’elle ne peut pas être seulement un pays libre ; qu’elle doit aussi être un grand pays, exerçant sur les destinées de l’Europe toute l’influence qui lui appartient, qu’elle doit répandre cette influence sur le monde, et porter partout où elle le peut sa langue, ses mœurs, son drapeau, ses armes, son génie.

 

 

Source : Journal Officiel, Débats parlementaires, discours de Jules Ferry, 28 juillet 1885.

 

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