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DU MANQUE D'UNITÉ CHEZ LES ALLEMANDS

Publié le 10/07/2011

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Trois mobiles principaux conduisent d'ordinaire les hommes au combat: l'amour de la patrie et de la liberté, l'amour de la gloire et le fanatisme de la religion. Il n'y a point un grand amour pour la patrie dans une empire divisé depuis plusieurs siècles, où les Allemands combattaient contre les Allemands, presque toujours excités par une impulsion étrangère: l'amour de la gloire n'a pas beaucoup de vivacité là où il n'y a point de centre, point de capitale, point de société. L'espèce d'impartialité, luxe de la justice, qui caractérise les Allemands, les rend beaucoup plus susceptibles de s'enflammer pour les pensées abstraites que pour les intérêts de la vie; le général qui perd une bataille est plus sûr d'obtenir l'indulgence, que celui qui la gagne ne l'est d'être vivement applaudi : entre les succès et les revers, il n'y a pas assez de différence au milieu d'un tel peuple; pour animer vivement l'ambition. La religion vit, en Allemagne, au fonds des cœurs, mais elle y a maintenant un caractère de rêverie et d'indépendance, qui n'inspire pas l'énergie nécessaire aux sentiments exclusifs. Le même isolement d'opinions, d'individus et d'Etats, si nuisible à la force de l'empire germanique, se retrouve aussi dans la religion : un grand nombre de sectes diverses partagent l'Allemagne; et la religion catholique elle-même, qui, par sa nature, exerce une discipline uniforme et sévère, est interprétée cependant par chacun à sa manière. Le lien politique et social des peuples, un même gouvernement, un même culte, les mêmes lois, les mêmes intérêts, une littérature classique, une opinion dominante, rien de tout cela n'existe chez les Allemands; chaque Etat en est plus indépendant, chaque science mieux cultivée; mais la nation entière est tellement subdivisée, qu'on ne sait à quelle partie de l'empire ce nom même de nation doit être accordé...

L'ensemble. — Ce fragment, dans lequel Mme de Staël expose le manque d'unité politique, intellectuelle et morale de l'Allemagne, présente un intérêt historique et rétrospectif de premier ordre, car il nom permet de comprendre quel était l'état des Allemands avant que la Prusse ait fait l'unité du pays tout entier. Nous nous rendons compte des transformations inouïes que l'action des Hohenzollern, que les directives de Berlin ont introduites dans le mélange complexe offert en Allemagne par les races, les pensées, les sectes et les tendances, et comment, d'un composé si divers, la main de la Prusse a réussi à faire une nation. 

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