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Et Dieu, qui comptera les maux que j'ai soufferts.

Publié le 04/11/2013

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dieu
Et Dieu, qui comptera les maux que j'ai soufferts. Cette voix, d'une étendue inouïe et d'une passion sublime, donnait à la poésie rude et inculte de ces psaumes une magie et une expression que les puritains les plus exaltés trouvaient rarement dans les chants de leurs frères et qu'ils étaient forcés d'orner de toutes les ressources de leur imagination : Felton crut entendre chanter l'ange qui consolait les trois Hébreux dans la fournaise. Milady continua : Mais le jour de la délivrance Viendra pour nous, Dieu juste et fort ; Et s'il trompe notre espérance, Il nous reste toujours le martyre et la mort. Ce couplet, dans lequel la terrible enchanteresse s'efforça de mettre toute son âme, acheva de porter le désordre dans le coeur du jeune officier : il ouvrit brusquement la porte, et Milady le vit apparaître pâle comme toujours, mais les yeux ardents et presque égarés. « Pourquoi chantez-vous ainsi, dit-il, et avec une pareille voix ? - Pardon, monsieur, dit Milady avec douceur, j'oubliais que mes chants ne sont pas de mise dans cette maison. Je vous ai sans doute offensé dans vos croyances ; mais c'était sans le vouloir, je vous jure ; pardonnezmoi donc une faute qui est peut-être grande, mais qui certainement est involontaire. « Milady était si belle dans ce moment, l'extase religieuse dans laquelle elle semblait plongée donnait une telle expression à sa physionomie, que Felton, ébloui, crut voir l'ange que tout à l'heure il croyait seulement entendre. « Oui, oui, répondit-il, oui : vous troublez, vous agitez les gens qui habitent ce château. « Et le pauvre insensé ne s'apercevait pas lui-même de l'incohérence de ses discours, tandis que Milady plongeait son oeil de lynx au plus profond de son coeur. « Je me tairai, dit Milady en baissant les yeux avec toute la douceur qu'elle put donner à sa voix, avec toute la ésignation qu'elle put imprimer à son maintien. - Non, non, madame, dit Felton ; seulement, chantez moins haut, la nuit surtout. « Et à ces mots, Felton, sentant qu'il ne pourrait pas conserver longtemps sa sévérité à l'égard de la prisonnière, s'élança hors de son appartement. « Vous avez bien fait, lieutenant, dit le soldat ; ces chants bouleversent l'âme ; cependant on finit par s'y ccoutumer : sa voix est si belle ! « CHAPITRE LIV TROISIÈME JOURNÉE DE CAPTIVITÉ Felton était venu ; mais il y avait encore un pas à faire : il fallait le retenir, ou plutôt il fallait qu'il restât tout seul ; et Milady ne voyait encore qu'obscurément le moyen qui devait la conduire à ce résultat. Il fallait plus encore : il fallait le faire parler, afin de lui parler aussi : car, Milady le savait bien, sa plus grande séduction était dans sa voix, qui parcourait si habilement toute la gamme des tons, depuis la parole humaine jusqu'au langage céleste. Et cependant, malgré toute cette séduction, Milady pouvait échouer, car Felton était prévenu, et cela contre le moindre hasard. Dès lors, elle surveilla toutes ses actions, toutes ses paroles, jusqu'au plus simple regard de ses yeux, jusqu'à son geste, jusqu'à sa respiration, qu'on pouvait interpréter comme un soupir. Enfin, elle étudia tout comme fait un habile comédien à qui l'on vient de donner un rôle nouveau dans un emploi qu'il n'a pas l'habitude de tenir. Vis-à-vis de Lord de Winter sa conduite était plus facile ; aussi avait-elle été arrêtée dès la veille. Rester muette et digne en sa présence, de temps en temps l'irriter par un dédain affecté, par un mot méprisant, le pousser à des menaces et à des violences qui faisaient un contraste avec sa résignation à elle, tel était son projet. Felton verrait : peut-être ne dirait-il rien ; mais il verrait. Le matin, Felton vint comme d'habitude ; mais Milady le laissa présider à tous les apprêts du déjeuner sans lui adresser la parole. Aussi, au moment où il allait se retirer, eut-elle une lueur d'espoir ; car elle crut que c'était lui qui allait parler ; mais ses lèvres remuèrent sans qu'aucun son sortît de sa bouche, et, faisant un effort sur luimême, il renferma dans son coeur les paroles qui allaient s'échapper de ses lèvres, et sortit. Vers midi, Lord de Winter entra. Il faisait une assez belle journée d'hiver, et un rayon de ce pâle soleil d'Angleterre qui éclaire, mais qui n'échauffe pas, passait à travers les barreaux de la prison. Milady regardait par la fenêtre, et fit semblant de ne pas entendre la porte qui s'ouvrait. « Ah ! ah ! dit Lord de Winter, après avoir fait de la comédie, après avoir fait de la tragédie, voilà que nous faisons de la mélancolie. « La prisonnière ne répondit pas. « Oui, oui, continua Lord de Winter, je comprends ; vous voudriez bien être en liberté sur ce rivage ; vous voudriez bien, sur un bon navire, fendre les flots de cette mer verte comme de l'émeraude ; vous voudriez bien, soit sur terre, soit sur l'océan, me dresser une de ces bonnes petites embuscades comme vous savez si bien les combiner. Patience ! patience ! Dans quatre jours, le rivage vous sera permis, la mer vous sera ouverte, plus ouverte que vous ne le voudrez, car dans quatre jours l'Angleterre sera débarrassée de vous. « Milady joignit les mains, et levant ses beaux yeux vers le ciel : « Seigneur ! Seigneur ! dit-elle avec une angélique suavité de geste et d'intonation, pardonnez à cet homme, comme je lui pardonne moi-même. - Oui, prie, maudite, s'écria le baron, ta prière est d'autant plus généreuse que tu es, je te le jure, au pouvoir d'un homme qui ne pardonnera pas. « Et il sortit. Au moment où il sortait, un regard perçant glissa par la porte entrebâillée, et elle aperçut Felton qui se rangeait rapidement pour n'être pas vu d'elle. Alors elle se jeta à genoux et se mit à prier. « Mon Dieu ! mon Dieu ! dit-elle, vous savez pour quelle sainte cause je souffre, donnez-moi donc la force de souffrir. « La porte s'ouvrit doucement ; la belle suppliante fit semblant de n'avoir pas entendu, et d'une voix pleine de larmes, elle continua : « Dieu vengeur ! Dieu de bonté ! laisserez-vous s'accomplir les affreux projets de cet homme ! « Alors, seulement, elle feignit d'entendre le bruit des pas de Felton et, se relevant rapide comme la pensée, elle rougit comme si elle eût été honteuse d'avoir été surprise à genoux. « Je n'aime point à déranger ceux qui prient, madame, dit gravement Felton ; ne vous dérangez donc pas
dieu

« CHAPITRE LIV TROISIÈME JOURNÉEDECAPTIVITÉFelton étaitvenu ; maisilyavait encore unpas àfaire : ilfallait leretenir, ouplutôt ilfallait qu’ilrestât tout seul ; etMilady nevoyait encore qu’obscurément lemoyen quidevait laconduire àce résultat. Il fallait plusencore : ilfallait lefaire parler, afindelui parler aussi : car,Milady lesavait bien,saplus grande séduction étaitdans savoix, quiparcourait sihabilement toutelagamme destons, depuis laparole humaine jusqu’au langagecéleste. Et cependant, malgrétoutecetteséduction, Miladypouvait échouer, carFelton étaitprévenu, etcela contre le moindre hasard.Dèslors, ellesurveilla toutessesactions, toutessesparoles, jusqu’au plussimple regarddeses yeux, jusqu’à songeste, jusqu’à sarespiration, qu’onpouvait interpréter commeunsoupir.

Enfin,elleétudia tout comme faitunhabile comédien àqui l’on vient dedonner unrôle nouveau dansunemploi qu’iln’apas l’habitude detenir. Vis-à-vis deLord deWinter saconduite étaitplusfacile ; aussiavait-elle étéarrêtée dèslaveille.

Rester muette etdigne ensaprésence, detemps entemps l’irriter parundédain affecté, parunmot méprisant, le pousser àdes menaces etàdes violences quifaisaient uncontraste avecsarésignation àelle, telétait sonprojet. Felton verrait : peut-être nedirait-il rien ;maisilverrait. Le matin, Feltonvintcomme d’habitude ; maisMilady lelaissa présider àtous lesapprêts dudéjeuner sans lui adresser laparole.

Aussi,aumoment oùilallait seretirer, eut-elle unelueur d’espoir ; carelle crut quec’était lui qui allait parler ; maisseslèvres remuèrent sansqu’aucun sonsortît desabouche, et,faisant uneffort surlui- même, ilrenferma danssoncœur lesparoles quiallaient s’échapper deses lèvres, etsortit. Vers midi, LorddeWinter entra. Il faisait uneassez bellejournée d’hiver,etun rayon decepâle soleil d’Angleterre quiéclaire, maisqui n’échauffe pas,passait àtravers lesbarreaux delaprison. Milady regardait parlafenêtre, etfit semblant dene pas entendre laporte quis’ouvrait. « Ah ! ah !ditLord deWinter, aprèsavoirfaitdelacomédie, aprèsavoirfaitdelatragédie, voilàquenous faisons delamélancolie. » La prisonnière nerépondit pas. « Oui, oui,continua LorddeWinter, jecomprends ; vousvoudriez bienêtreenliberté surcerivage ; vous voudriez bien,surunbon navire, fendrelesflots decette merverte comme de l’émeraude ; vousvoudriez bien, soit surterre, soitsurl’océan, medresser unedeces bonnes petitesembuscades commevoussavez sibien les combiner.

Patience !patience !Dansquatre jours,lerivage vousserapermis, lamer vous seraouverte, plus ouverte quevous nelevoudrez, cardans quatre joursl’Angleterre seradébarrassée devous. » Milady joignitlesmains, etlevant sesbeaux yeuxversleciel : « Seigneur ! Seigneur !dit-elleavecuneangélique suavitédegeste etd’intonation, pardonnezàcet homme, comme jelui pardonne moi-même. – Oui, prie,maudite, s’écrialebaron, taprière estd’autant plusgénéreuse quetues, jete lejure, aupouvoir d’un homme quinepardonnera pas. » Et ilsortit. Au moment oùilsortait, unregard perçant glissaparlaporte entrebâillée, etelle aperçut Feltonquise rangeait rapidement pourn’être pasvud’elle. Alors ellesejeta àgenoux etse mit àprier. « Mon Dieu !monDieu ! dit-elle, voussavez pourquelle saintecausejesouffre, donnez-moi donclaforce de souffrir. » Laporte s’ouvrit doucement ; labelle suppliante fitsemblant den’avoir pasentendu, etd’une voixpleine de larmes, ellecontinua : « Dieu vengeur ! Dieudebonté ! laisserez-vous s’accomplirlesaffreux projetsdecet homme ! » Alors, seulement, ellefeignit d’entendre lebruit despas deFelton et,serelevant rapidecomme lapensée, elle rougit comme sielle eûtétéhonteuse d’avoirétésurprise àgenoux. « Je n’aime pointàdéranger ceuxquiprient, madame, ditgravement Felton ;nevous dérangez doncpas. »

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