Et Dieu, qui comptera les maux que j'ai soufferts.
Publié le 04/11/2013
Extrait du document


«
CHAPITRE
LIV
TROISIÈME JOURNÉEDECAPTIVITÉFelton
étaitvenu ; maisilyavait encore unpas àfaire : ilfallait leretenir, ouplutôt ilfallait qu’ilrestât tout
seul ; etMilady nevoyait encore qu’obscurément lemoyen quidevait laconduire àce résultat.
Il fallait plusencore : ilfallait lefaire parler, afindelui parler aussi : car,Milady lesavait bien,saplus grande
séduction étaitdans savoix, quiparcourait sihabilement toutelagamme destons, depuis laparole humaine
jusqu’au langagecéleste.
Et cependant, malgrétoutecetteséduction, Miladypouvait échouer, carFelton étaitprévenu, etcela contre le
moindre hasard.Dèslors, ellesurveilla toutessesactions, toutessesparoles, jusqu’au plussimple regarddeses
yeux, jusqu’à songeste, jusqu’à sarespiration, qu’onpouvait interpréter commeunsoupir.
Enfin,elleétudia
tout comme faitunhabile comédien àqui l’on vient dedonner unrôle nouveau dansunemploi qu’iln’apas
l’habitude detenir.
Vis-à-vis deLord deWinter saconduite étaitplusfacile ; aussiavait-elle étéarrêtée dèslaveille.
Rester
muette etdigne ensaprésence, detemps entemps l’irriter parundédain affecté, parunmot méprisant, le
pousser àdes menaces etàdes violences quifaisaient uncontraste avecsarésignation àelle, telétait sonprojet.
Felton verrait : peut-être nedirait-il rien ;maisilverrait.
Le matin, Feltonvintcomme d’habitude ; maisMilady lelaissa présider àtous lesapprêts dudéjeuner sans
lui adresser laparole.
Aussi,aumoment oùilallait seretirer, eut-elle unelueur d’espoir ; carelle crut quec’était
lui qui allait parler ; maisseslèvres remuèrent sansqu’aucun sonsortît desabouche, et,faisant uneffort surlui-
même, ilrenferma danssoncœur lesparoles quiallaient s’échapper deses lèvres, etsortit.
Vers midi, LorddeWinter entra.
Il faisait uneassez bellejournée d’hiver,etun rayon decepâle soleil d’Angleterre quiéclaire, maisqui
n’échauffe pas,passait àtravers lesbarreaux delaprison.
Milady regardait parlafenêtre, etfit semblant dene pas entendre laporte quis’ouvrait.
« Ah ! ah !ditLord deWinter, aprèsavoirfaitdelacomédie, aprèsavoirfaitdelatragédie, voilàquenous
faisons delamélancolie. »
La prisonnière nerépondit pas.
« Oui, oui,continua LorddeWinter, jecomprends ; vousvoudriez bienêtreenliberté surcerivage ; vous
voudriez bien,surunbon navire, fendrelesflots decette merverte comme de l’émeraude ; vousvoudriez bien,
soit surterre, soitsurl’océan, medresser unedeces bonnes petitesembuscades commevoussavez sibien les
combiner.
Patience !patience !Dansquatre jours,lerivage vousserapermis, lamer vous seraouverte, plus
ouverte quevous nelevoudrez, cardans quatre joursl’Angleterre seradébarrassée devous. »
Milady joignitlesmains, etlevant sesbeaux yeuxversleciel :
« Seigneur ! Seigneur !dit-elleavecuneangélique suavitédegeste etd’intonation, pardonnezàcet homme,
comme jelui pardonne moi-même.
– Oui, prie,maudite, s’écrialebaron, taprière estd’autant plusgénéreuse quetues, jete lejure, aupouvoir
d’un homme quinepardonnera pas. »
Et ilsortit.
Au moment oùilsortait, unregard perçant glissaparlaporte entrebâillée, etelle aperçut Feltonquise
rangeait rapidement pourn’être pasvud’elle.
Alors ellesejeta àgenoux etse mit àprier.
« Mon Dieu !monDieu ! dit-elle, voussavez pourquelle saintecausejesouffre, donnez-moi donclaforce de
souffrir. »
Laporte s’ouvrit doucement ; labelle suppliante fitsemblant den’avoir pasentendu, etd’une voixpleine de
larmes, ellecontinua :
« Dieu vengeur ! Dieudebonté ! laisserez-vous s’accomplirlesaffreux projetsdecet homme ! »
Alors, seulement, ellefeignit d’entendre lebruit despas deFelton et,serelevant rapidecomme lapensée, elle
rougit comme sielle eûtétéhonteuse d’avoirétésurprise àgenoux.
« Je n’aime pointàdéranger ceuxquiprient, madame, ditgravement Felton ;nevous dérangez doncpas.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- « Du jour où tu commenceras à comprendre que le responsable de presque tous les maux de la vie, ce n'est pas Dieu, ce sont les hommes, tu ne prendras plus ton parti de ces maux. » Gide, Les Nourritures terrestres, 1897. Commentez cette citation.
- Maître Eckhart: trouver Dieu
- Il nous faut bien un concept de Dieu
- l'idée de dieu
- Croire en dieu, est-ce contraire à la raison ?