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Expliquez et discutez ce jugement de Montaigne sur la poésie : « Voici merveille : il y a bien plus de poètes que de juges et interprètes de poésie. Il est plus aisé de la faire que de la connaître. A certaine mesure basse, on peut la juger par les préceptes et par art. Mais la bonne, l'excessive, la divine est au-dessus des règles et de la raison. Quiconque en discerne la beauté d'une vue ferme et rassise, il ne la voit pas, non plus que la splendeur d'un éclair. » (Essais, I, 37.)

Publié le 22/02/2012

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montaigne

« On remarquera qu'elle marque une date r* qu'elle fait époque. II.

— Plan développé Introduction. La tradition philosophique qui fait de Montaigne un rationaliste et un sceptique se trouve prise en défaut devantmaint passage des Essais où l'auteur admet l'irrationnel et le mystère comme une donnée de l'être humain : il en estainsi lorsqu'il renonce à expliquer l'amitié; même attitude en ce qui concerne le miracle de la création poétique toutaussi inexplicable, car : « Voici merveille...

» Ce jugement, d'une parfaite clarté, contient à la fois une conception de la poésie et une conception de la critiquelittéraire, toutes deux propres à Montaigne.

C'est ces deux aspects de sa pensée qu'il s'agit d'expliquer et de juger. I.

— Les rapports de la poésie et de la critique : explication d'après Montaigne. A.

— Conception de la poésie. 1° Expérience et connaissance.

— Remarquons d'abord que Montaigne avait une expérience variée et personnelle dela poésie, préférant les Latins aux Grecs, ne dédaignant pas les Modernes (Ronsard).

On trouve même dans lesEssais une classification assez originale des poètes : la poésie populaire; Montaigne admire la spontanéité du peuplequ'il trouve près de la nature et dont il oppose la simplicité à l'héroïsme affecté des gens cultivés; — la poésiegalante, particulière à toute époque et qui n'est qu'un divertissement; — la haute poésie enfin où se déploienttoutes les ressources de l'art mais sans affectation et sans recherche : « Je vois que les bons et anciens poètesont évité l'affectation et la recherche, non seulement des fantastiques élévations (hyperboles, emphase)espagnoles et pétrarquistes, mais des pointes même plus douces et plus retenues, qui sont l'ornement de tous lesouvrages poétiques des siècles suivants » (Des livres.) Ainsi, si Ovide vaut par son aimable fluidité, Lucain serecommande par sa subtilité aiguë, Virgile, « le maître du chœur », par sa forme mûre et constante.

D'un mot,Montaigne a non seulement lu, mais effectivement pratiqué un grand nombre de poètes divers et même opposés :son jugement a donc la valeur d'une expérience directe et immédiate. S'il admet des modèles idéaux, sa préférence va à la simplicité et à la naïveté.

Il se défie de l'art et de l'applicationde règles.

Il aime ce qui échappe à l'analyse et au jugement, parce qu'il voit dans le mysticisme et l'irrationnel unedonnée précieuse de l'être humain.

La véritable poésie n'est pas le produit de l'ingéniosité; mais il s'en dégage uneimpression de majesté et de grandeur obtenue par l'emploi des moyens les plus simples; elle recèle quelque choseque l'on sent et qui ne s'explique pas. 1° Sources de cette conception. a) Le sens de l'irrationnel : c' est à tort que Montaigne passe pour un sceptique définitif.

Son doute n'est nipréalable comme celui d'Aristote, ni méthodique comme celui de Descartes.

Toute réalité non vue à travers leconcept qui généralise apparaît comme mystérieuse et unique.

Le miracle, c'est-à-dire le fait unique, qu'on ne peutclasser, commence dans les observations les plus habituelles.

La vraisemblance n'est pas un critère de vérité et leconnu se transforme en inconnu dès que la méditation s'y applique.

Tout ce que la raison n'admet pas doit êtreconsidéré nonobstant comme possible.

Et surtout, la raison est constamment déviée de son but par l'imagination etla coutume : elle ne peut servir de fondement à une théologie : même des réalités moins élevées comme l'amitié etla poésie lui échappent. b) Sources littéraires : cependant le lecteur averti aura vite fait de retrouver cette conception de la poésie chez lesGrecs.

En effet, l'idée que l'inspiration poétique est un don céleste, une fureur divine, de même nature que le délireprophétique, vient de Pindare et surtout de Platon.

L'érudit humaniste Marsile Ficin avait donné de Platon uneparaphrase en latin, texte que Montaigne a dû évidemment connaître.

On se rappelle d'autre part, que Ronsard etles poètes de la Pléiade professent le même enseignement : l'inspiration poétique est un état de grâce qui agit ennous sans notre concours et qui nous illumine comme une révélation subite : le poète s'identifie entièrement avec ladivinité. Conclusion particulière : ainsi la pensée de Montaigne se fonde, à la fois sur son expérience personnelle, sur sesidées philosophiques et sur des sources littéraires. B.

— Conception de la critique. i° Opposition entre le petit nombre de critiques et le grand nombre de poètes.

Montaigne relate là, visiblement, unfait contemporain.

Prodigieusement riche en érudits, en humanistes, en traducteurs, en poètes enfin, la Renaissancen'a pas connu ce que nous appelons aujourd'hui la critique littéraire à laquelle l'auteur des Essais assigne d'ailleursune double fonction : porter un jugement de valeur (juges de poésie) et exposer la raison de ce jugement(interprètes).

A peine peut-on citer quelques auteurs d'Arts poétiques: Scaliger, Castelvetro, Thomas Sébillet,l'admiration pour les règles est d'ailleurs sans bornes.

Voilà pourquoi Montaigne a associé la critique à la notion derègle et d'art, l'art n'étant que l'ensemble des règles; c'est ce que nous appelons aujourd'hui la critique dogmatique.. »

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