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FIANÇAILLES

Publié le 11/08/2011

Extrait du document

L'adolescence de Mannia était pareille à la floraison du prunier durant les froides journées de janvier. Il étire ses rameaux nus, racornis et tordus, se nourrit de l'air glacé d'entre la fin de l'hiver et le début du printemps, solitaire, sans nul compagnon qui fleurisse avec lui; et, au moment où les boutons des pêchers, des poiriers et des autres arbres fruitiers commencent à s'épanouir, il lui faut vivre à l'écart, jouir de ses propres parfums et rêver les heures de son existence sous la dure écorce de ses branches... Le sort voulut qu'un an après la mort de son frère, Mannia perdît son père, au début du printemps. Cet événement incita la grand-mère à se demander ce qu'il y avait à faire pour perpétuer le nom des Soum. Mannia était la seule descendante du même sang qui pût continuer à offrir l'encens et les cierges dans le temple des ancêtres. La grand-mère soucieuse, devint tout particulièrement affectueuse pour Mannia et pria la jeune fille et sa mère de venir s'installer chez les Tseng pour lui tenir compagnie. La mère et la fille possédaient quelques fermes et une maison; en y ajoutant leurs travaux de broderie, elles avaient de quoi vivre aisément. Mais la maison des Tseng était vaste, et la grand-mère n'avait d'autre société que Li Yuma, une protégée qui se racornissait peu à peu en une vieille fille nerveuse... La grand-mère décida que les fiançailles de Mannia avec l'aîné de ses petits-fils seraient célébrées à l'occasion de la mort du père de la jeune fille. Pingya fut rappelé dans le Cantoung, car, d'après les plans de la grand-mère, les fiançailles devaient se passer avec beaucoup de cérémonie, et être associées aux funérailles du père de Mannia, auxquelles Pingya prendrait part... Mannia avait plusieurs raisons d'être reconnaissante. Elle l'était parce que, grâce à l'aide apportée par la famille de son cousin, l'enterrement de son père se déroulerait avec beaucoup de pompe, ce qu'apprécierait l'âme du défunt et ce qu'elle-même, au nom de la famille, apprécierait également. Parce que, durant le défilé funéraire, Pingya porterait la tenue de deuil qui est propre à un gendre, et parce que déjà il était vêtu de deuil et que durant la nuit, pour les remplacer, sa mère et elle, il veillait le cercueil. Parce qu'elle éprouvait un sentiment de réconfort à l'idée qu'après la disparition de son père, au moment où la veuve et la fille se trouvaient sans secours, sa famille comptait un homme. Elle était encore reconnaissante parce que, pour obéir au désir de sa grand-mère, Pingya appelait la mère de Mannia « mère « au lieu de « tante maternelle « - façon de faire tout à fait inusitée, et qui ordinairement était embarrassante, même pour un gendre marié. Enfin, elle était reconnaissante parce que Pingya se conduisait si correctement en tout, était si jeune, si beau, si gentil. Aussi, lorsque les deux jeunes gens, le garçon de dix-huit ans et la fille de seize, tous deux vêtus de coton blanc, se rencontraient le matin ou le soir dans la pénombre de la salle éclairée par les cierges, les yeux de Mannia étaient bien souvent humides. Personne, y compris elle-même, n'aurait pu dire si c'étaient des larmes de deuil ou des larmes de gratitude, des larmes de chagrin ou des larmes de joie. Par-dessus tout, elle était touchée jusqu'au fond du cœur d'entendre Pingya l'appeler Meimei, c'est-à-dire « sœur cadette «; elle, elle l'appelait « Pingko «, c'est-à-dire « frère aîné Ping «. Etant une cousine « extérieure « qui avait un nom de famille différent, elle n'aurait pu prendre rang avec les filles de la famille Tseng, et être appelée « première «, « seconde « ou « troisième cadette « selon l'âge respectif, comme cela aurait pu se faire avec des cousins « intérieurs « selon l'organisation de la famille, et comme appeler « Manmei « Mannia la sœur cadette ne sonnait pas bien, la mère de Mannia elle-même avait proposé « Meimei «. Etant donné les circonstances, il aurait été facile à ces jeunes cousins de se libérer des convenances et de devenir plus intimes. Mais Mme Tseng était une mère très stricte et avait rappelé à son fils les bienséances. - Ping-erh, dit-elle, tu vois tous les jours ta Meimei et il me plaît qu'elle...

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